Victoire du gouvernement Ford en Cour suprême

Doug Ford n’a pas à divulguer les lettres de mandat remises à ses ministres, a conclu la Cour suprême du Canada, vendredi matin.

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Émilie Gougeon-Pelletier

IJL – Réseau.Presse – Le Droit

La juge Andromache Karakatsanis a accueilli l’appel du gouvernement ontarien et a annulé l’ordonnance du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario sur la non-divulgation de ces lettres, avec l’accord de l’entièreté de ses collègues siégeant à la Cour suprême.

La publication de ces lettres dévoilerait les délibérations du Cabinet, ce qui enfreindrait «l’objectif fondamental du secret du Cabinet», a-t-elle conclu.

Cette décision du plus haut tribunal du pays remonte à une demande d’accès à l’information déposée par CBC/Radio-Canada, peu après la première élection du premier ministre ontarien Doug Ford, en 2018.

Le média public demandait les lettres de mandat du premier ministre remises aux membres de son cabinet ministériel, et la demande, faite en vertu de la Loi sur l’accès à l’information et à la protection de la vie privée (LAIPVP), avait été rejetée par le gouvernement.

Habituellement publiques

Ces fameuses lettres, que les gouvernements de partout au Canada rendent habituellement publiques, décrivent les attentes du premier ministre à l’endroit de ses ministres lors de leur entrée en fonction.

Le commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario n’était pas d’accord avec la décision du gouvernement Ford.

La Cour divisionnaire de l’Ontario avait statué, fin janvier 2022, que Doug Ford allait devoir rendre publiques les lettres envoyées à ses 23 ministres, et la Cour d’appel de l’Ontario avait confirmé cette décision.

Le gouvernement progressiste-conservateur avait ensuite décidé de mener sa cause devant la Cour suprême, le tribunal de dernier recours, qui avait confirmé qu’il entendrait la cause du Procureur général de l’Ontario, Doug Downey, contre le commissaire.

«Il ne fait aucun doute que, comme le soutient [CBC/Radio-Canada], l’accès du public aux renseignements détenus par le gouvernement est essentiel à notre processus démocratique [...]», a nuancé la juge Karakatsanis.

«La LAIPVP prévoit néanmoins que, lorsqu’ils entrent en jeu, d’autres grands intérêts publics — qu’il s’agisse de la sécurité nationale, du droit à la vie privée ou de la confidentialité des délibérations du Cabinet — revêtent une importance suffisante pour l’emporter sur l’intérêt du public dans l’accès à l’information», a-t-elle expliqué.

La Cour suprême «condamne» aussi CBC/Radio-Canada à payer les frais de l’appel de la province de l’Ontario.

Important précédent

Avec cette décision, la Cour suprême du Canada met en place un important précédent dans le secteur de l’accès à l’information au pays.

Lorsque Doug Ford a été élu comme premier ministre pour la première fois, en 2018, il avait assuré aux contribuables ontariens que la transparence et l’intégrité allaient être une priorité de son gouvernement.

«Les Ontariens ne devraient pas avoir à se battre contre leur gouvernement en Cour pour obtenir la transparence», a réagi la cheffe du Nouveau Parti démocratique (NPD) de l’Ontario, Marit Stiles, qui estime que cette décision du plus haut tribunal canadien ne représente pas «une victoire» pour les Ontariens.

«La décision d’aujourd’hui ne change rien à l’obligation du premier ministre d’être transparent envers le public ou de rendre compte de ses actes», a-t-elle soutenu.

Même si ce ne sont pas les fonds publics provinciaux qui paieront les frais de l’appel du gouvernement en Cour, «au bout du compte, ça demeure des fonds publics, et ça demeure les contribuables de l’Ontario, les contribuables du Canada, qui devront payer» pour les décisions de Doug Ford, a noté Mme Stiles.

«Le respect des contribuables doit être synonyme d’ouverture, de transparence et de responsabilité, afin que le public ait l’assurance que le gouvernement gère soigneusement son argent et travaille avec diligence sur ses priorités», a déclaré la cheffe libérale Bonnie Crombie, dans un communiqué.

Mmes Crombie et Stiles promettent toutes les deux que si elles sont choisies comme premières ministres, elles rendront publiques leurs lettres de mandat.

Le chef du Parti Vert de l’Ontario, Mike Schreiner, s’est dit «déçu» par la décision de la Cour suprême, ajoutant qu’elle «crée un mauvais précédent pour la démocratie en Ontario».

«À travers de multiples scandales et enquêtes, nous avons vu jusqu’où ce gouvernement est prêt à aller pour cacher son mauvais comportement à la population de l’Ontario», a-t-il martelé, lui aussi dans une déclaration envoyée aux médias, vendredi.

Répondant aux questions des journalistes à Pickering, mardi, le ministre des Finances Peter Bethlenfalvy a défendu son gouvernement en parlant des principes de confidentialité du cabinet.

«Nous avons été assez clairs, le premier ministre a été assez clair, ces questions sont couvertes par la confidentialité du cabinet et nous n’avons pas dévié de cette position», a-t-il soutenu.

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  • Date de création 2 février, 2024
  • Dernière mise à jour 2 février, 2024
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