Ventes de cannabis : toujours en hausse

Les détaillants de cannabis légal continuent à gagner du terrain sur le marché noir aux TNO, l’un des endroits au pays où il s’en consomme le plus. Et grâce à une meilleure offre en ligne, les livraisons dans les collectivités ont bondi.

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Marie-Soleil Desautels

IJL – Réseau.Presse – L’Aquilon

Il s’est vendu pour près de 8 millions $ de cannabis aux Territoires du Nord-Ouest en 2022 et le dernier trimestre de l’année a connu un nouveau sommet à 2,4 millions $, d’après les plus récentes données de la Société des alcools et du cannabis des Territoires du Nord-Ouest (SACTNO).


C’est une augmentation de 17,0 % des ventes annuelles aux TNO par rapport à 2021, où elles ont plutôt été de 6,8 millions $. À la grandeur du Canada, il s’est vendu pour 
4,52 milliards $ de produits de cannabis en 2022 et les ventes ont connu une hausse similaire, soit de 17,9 %, par rapport à l’année précédente.


« Aux TNO comme au Canada, les ventes légales continuent d’augmenter, ce qui indique que les magasins autorisés grugent les parts du marché noir et c’était l’objectif premier de la légalisation », dit David Hammond, professeur à l’École des sciences de la santé publique de l’Université de Waterloo, qui étudie entre autres les tendances de consommation du cannabis.


Mais, avertit-il, la consommation ne grimpe pas au rythme des ventes. L’expert qualifie la hausse de l’usage du cannabis au Canada de « modeste » depuis la légalisation. Elle s’observe surtout chez les adultes d’âge moyen qui n’en consommaient pas ou peu, rapporte-t-il. Le fait de pouvoir acheter des produits fiables a joué dans cette évolution : « Il y a beaucoup de gens prêts à essayer aujourd’hui qui ne voulaient pas d’un produit vendu dans une ruelle », dit-il lors d’une entrevue virtuelle.

 

Plus de cannabis aux TNO
En moyenne, il se dépense plus en cannabis aux TNO que dans le reste du pays. À titre de comparaison seulement, les TNO comptaient, en 2022, quelque 34 500 personnes âgées de 19 ans et plus – âge minimum fixé par le GTNO pour acheter du cannabis – et, avec 8 millions $ de ventes annuelles, c’est comme si chacune avait dépensé environ 230 $ en produits de cannabis dans l’année. À la grandeur du Canada, les dépenses réparties sur le même groupe d’âge, bien que l’âge minimum varie selon les provinces ou les territoires, étaient d’environ 145 $ l’an dernier.


L’Enquête canadienne sur le cannabis réalisée au printemps 2022 indique aussi des dépenses plus élevées dans les territoires. Quelque 10 000 répondants de 16 ans et plus, recrutés aléatoirement par téléphone, ont déclaré débourser en moyenne 65 $ par mois. Du lot, 201 répondants provenaient des trois territoires et ceux-ci payaient plutôt 87 $ par mois.


Ces différences ne s’expliquent pas par le prix des produits disponibles, selon David Hammond. « La consommation de cannabis est beaucoup plus élevée dans les territoires que dans le reste du Canada et c’est aussi le cas pour d’autres substances comme l’alcool ou le tabac. » Sans se dire expert dans le domaine, il suppose que l’éloignement, le chômage ou des difficultés rencontrées dans des collectivités pourraient les expliquer en partie.


Le professeur David Hammond se penche sur l’usage du cannabis aux TNO, au Yukon et au Nunavut dans le cadre d’une étude internationale et y sonde, depuis 2021, des citoyens. « Il est trop tôt pour partager nos résultats, malheureusement ». Seule révélation : les résidants des territoires sont plus susceptibles d’utiliser des produits tels que les extraits et les comestibles que le reste des Canadiens.

Les ventes en ligne bondissent
Les Ténois ont vu leur accès au cannabis évoluer depuis la légalisation. En octobre 2018, le cannabis était vendu dans cinq magasins d’alcool, lesquels sont liés par un contrat avec la Société des alcools et du cannabis des Territoires du Nord-Ouest (SACTNO), et sur le site de la boutique en ligne de la SACTNO. Aujourd’hui, le cannabis est vendu par trois magasins d’alcool, situés à Norman Wells, Fort Smith et Fort Simpson, et par trois magasins privés. Les magasins Releaf NT et Trailblazer Cannabis Shop ont pignon sur rue à Yellowknife, tandis que It’s 4:20 Somewhere fait affaire à Hay River depuis octobre 2021.


Très peu rentable, la boutique en ligne de la SACTNO a cessé ses activités le 17 octobre 2021, trois ans après son ouverture. Elle a couté 900 000 $ au GTNO et il s’y est vendu pour environ 88 500 $ avec une moyenne de 78 transactions par année. Le gouvernement a depuis passé le flambeau aux magasins autorisés intéressés.


Seule l’entreprise Releaf NT a sauté dans le bateau. Et les ventes en ligne, qui ne se distinguent plus dans les statistiques de la SACTNO, ont bondi.


Durant les douze premiers mois de la boutique en ligne, ouverte le 18 octobre 2021, Releaf NT a livré pour 47 000 $ de produits de cannabis à travers les TNO, partage son président, Luke Wood, au bout du fil. Il s’y est également vendu pour 177 000 $ de produits que les gens sont venus ramasser au magasin de la capitale. Luke Wood estime qu’environ un client sur dix de Yellowknife, Ndilo et Dettah, où il n’y a pas de livraison, passe désormais leur commande en ligne avant de se déplacer.


« Cette année, on s’attend à livrer pour 55 000 $. On fait beaucoup mieux que le gouvernement ! », s’exclame-t-il. En un an et demi, 4000 transactions ont été réalisées sur leur boutique en ligne, que ce soit pour la livraison ou le ramassage en magasin. Lors du dernier mois seulement, il y en a eu plus de 280.


Le rendement de la boutique en ligne dépasse les attentes de Luke Wood, car il croyait que d’autres vendeurs autorisés se lanceraient dans l’aventure, ce qui ne s’est pas avéré.

Collectivités : concurrence avec le marché illégal
Compétitionner avec le marché noir dans les collectivités éloignées est cependant difficile, selon Luke Wood. « La majorité du cannabis y provient encore, et de loin, de ventes illégales en ligne, affirme-t-il. Comme il n’y a pas de règlementation pour l’emballage, pas de taxes, etc., c’est beaucoup moins cher. Nos ventes ne reflètent que la surface de ce qui y est réellement vendu. »


La valeur des commandes passées dans les collectivités sur son site web est élevée, partage-t-il, car les acheteurs veulent rentabiliser les frais fixes de livraison de 25 $. Ils commandent souvent le maximum, soit 
30 grammes de cannabis séché ou l’équivalent.


« La bonne nouvelle, poursuit Luke Wood, c’est que la qualité, le prix et la disponibilité influencent de plus en plus les choix des gens. » Une commande passée avant 9 h sur le site web de Releaf NT décolle la journée même par livraison rapide avec Postes Canada. Quant aux prix des produits, le président de l’entreprise affirme qu’ils baissent « très vite » et que, « depuis les six derniers mois, ils sont à peu près au même niveau que l’Ontario, la Colombie-Britannique ou Edmonton ».


Le professeur David Hammond croit qu’il faudra encore quelques années avant que les statistiques des ventes reflètent la consommation à cause du marché illégal. « Probablement qu’entre les deux tiers et les trois quarts du marché sont désormais légaux aux TNO », estime-t-il.


La légalisation visait d’abord à établir le marché légal pour ensuite bien l’encadrer. « Maintenant que le marché est établi, bien qu’il reste encore du progrès à faire, il s’agit de savoir quel type de marché légal est désiré. Il est crucial d’avoir cette discussion avec la santé publique et la population et de ne pas laisser l’industrie le définir. »

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Légende : (Photo : Cristiano Pereira)

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  • Date de création 10 octobre, 2023
  • Dernière mise à jour 10 octobre, 2023
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