Une rénoviction justifiée ou des représailles mesquines à la Résidence Sainte-Thérèse ?

Ann Marie Lavigne est une battante qui ne demande qu’à rentrer chez elle et retrouver ses voisins. Évincée de son appartement de la résidence Sainte-Thérèse l’été dernier, elle pense que les gestionnaires de l’immeuble voulaient se débarrasser d’elle, ce que ces derniers réfutent.

_______________________

Damien Dauphin

IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien

Érigé à proximité de l’église éponyme, la résidence Sainte-Thérèse est un immeuble sans but lucratif destiné aux personnes âgées de plus de 55 ans. Il compte 36 appartements et est gérée par un conseil d'administration. Vieux d’une quarantaine d’années, l’édifice situé au 450 chemin Acadie a besoin d’être rénové. Chiffrés à plus de trois millions de dollars, les travaux devraient durer deux ans. Il y a quelques mois, un local a été réquisitionné pour entreposer l’équipement devant servir aux ouvriers. Ce local, c’est l’appartement no103 qu’occupait Ann Marie Lavigne, 68 ans, depuis mars 2020.

Le 30 mars dernier, l’infortunée locataire a reçu une lettre de la direction de l’établissement résiliant son bail reconductible mois par mois. Motif : son logement ne sera dorénavant plus considéré comme un logement résidentiel mais servira d’entrepôt pour le matériel de l’entreprise de rénovation et d’atelier pour le concierge. Mme Lavigne s’est tout d’abord tournée vers le médiateur des loyers du Nouveau-Brunswick, en vain. Le 4 mai, la médiatrice Stéphanie Basque a donné raison aux gestionnaires de la résidence.

Ann Marie Lavigne a alors porté sa cause devant la Cour du Banc du Roi pour faire renverser la décision. Hélas, l’infirmière-auxiliaire retraitée a été déboutée par le juge Robert Dysart devant lequel elle s’était présentée, sans le concours de son avocat, dans un contexte de précipitation. Initialement programmée pour la mi-août, l’audience fut avancée début juillet suite à une requête de l’avocat de la résidence. Privée de son aide juridique, Mme Lavigne n’a pas fait le poids et a reçu la nouvelle par téléphone quelques jours plus tard.

Mise à la porte sous la pluie

Le 11 juillet, par une matinée pluvieuse, l’éviction a tourné au vinaigre. Ann Marie Lavigne dit avoir appelé la GRC pour la protéger, tandis que Gisèle Steeves, directrice générale de la résidence, soutient que la police était présente parce que la locataire mise à la porte opposait résistance et faisait du grabuge. Dans le tumulte, des meubles et des vêtements ont été trempés par la pluie. « J’ai perdu beaucoup de choses. J’en ai donné et j’en ai vendu. J’ai été obligée de jeter beaucoup de linge qui sentait l’humidité et la moisissure », se lamente la sexagénaire.

Dans une lettre datée du 21 août 2023 et adressée à Jeanne Brophy, une résidente amie de Mme Lavigne et dont le Moniteur Acadien a obtenu copie, Mariette Allard, présidente du conseil d’administration, écrit qu’Ann Marie Lavigne aurait été violente et verbalement agressive le 11 juillet. Suite à cela, un avis d’interdiction de visite de la résidence Sainte-Thérèse a été émis à l’encontre de celle-ci.

« Certains locataires ont fait des plaintes concernant l’ex-locataire du logement 103, écrit en substance Mariette Allard. Ils disent qu’ils ne se sentent pas en sécurité dans la RST (résidence Sainte-Thérèse) et sur le terrain lorsqu’ils subissent des crises de colère et des insultes. »

Pour sa part, Ann Marie Lavigne pense être victime d’une vendetta en raison de son tempérament revendicateur. « Je suis une personne qui pose beaucoup de questions, parfois avec des lettres, que ce soit pour moi ou d’autres personnes. Je ne pense pas qu’ils m’aiment beaucoup. Ils ont trouvé une façon pour me faire sortir. »

Un ancien administrateur à la rescousse

Cette dernière a reçu le soutien de Sanford Petitpas, administrateur de la résidence de 1982 à 1984, et qui n’est autre que le frère de Mme Brophy. Dans un courrier en date du 22 juin dernier, soit trois semaines avant l’éviction, celui-ci a mis en doute le motif invoqué pour par le service gestionnaire de l’immeuble pour faire main basse sur l’appartement 103. Il trouve ce motif fallacieux.

« Il est très étrange et douteux qu'une entreprise de cette taille (Acadian Construction) ait besoin d'une unité de 500 pieds carrés dans une résidence pour personnes âgées pour réaliser un projet d'environ 3 millions de dollars. (…) Les arguments du propriétaire sont très faibles et même si ces arguments sont vrais, un propriétaire responsable aurait transféré Ann Marie dans un autre logement. »

« Je n'ai jamais été témoin d'une action aussi brutale de la part d'un groupe de personnes qui, à mon avis, devraient faire preuve de plus de discernement », écrit-il aussi en lettres majuscules et en gras (en anglais, traduit par nos soins).

De leur côté, la présidente du conseil d’administration et la directrice générale rejettent les accusations de règlement de comptes et affirment avoir respecté toutes les procédures habituelles.

Ann Marie Lavigne a depuis trouvé refuge chez une amie. L’inflation et la pénurie de logements abordables dans le Grand Moncton sont autant d’embûches qui se dressent sur son chemin pour retrouver un domicile et son indépendance. Malgré le litige en cours, elle ne demande qu’à regagner la résidence Sainte-Thérèse et y retrouver « sa famille de cœur ».

-30-

  

Photos

Titre : Ste Thérèse
Légende : Jeudi 5 octobre, des ouvriers s’affairaient sur la façade de la résidence.
Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

Titre : Expulsion
Légende : Mardi 11 juillet 2023, les biens d’Ann Marie Lavigne se sont retrouvés sur le trottoir, sous la pluie.
Crédit : Ann Marie Lavigne

Titre : Sanford
Légende : Ancien administrateur de la résidence, Sanford Petitpas a pris la défense d’Ann Marie Lavigne. Il dénonce « un traitement et un harcèlement inacceptable ».
Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

  • Nombre de fichiers 4
  • Date de création 11 octobre, 2023
  • Dernière mise à jour 11 octobre, 2023
error: Contenu protégé, veuillez télécharger l\'article