Une mère «impuissante» après la fuite de son fils autiste de l’école

Des parents d’enfants autistes disent n’avoir aucune confiance envers le système d’éducation de l’Ontario, après qu’un garçon de sept ans ait pu s’enfuir de son école, en plein hiver, pour ensuite être retrouvé, sans veste ni manteau, par une voisine. 

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Émilie Gougeon-Pelletier

IJL – Réseau.Presse – Le Droit

«Préparez-vous» pour tout un cocktail météo de neige et de pluie, conseillaient les météorologistes de la région de Durham, le 9 janvier dernier.

Ce jour-là, les parents du petit Zak, sept ans, ont déposé leur enfant à l’école, et quelques heures plus tard, ils recevaient un courriel du directeur.

«Le directeur, dans son courriel, nous a informés que mon fils s’était enfui et qu’il avait été retrouvé par une voisine», a raconté sa mère, Neelam Rasheid.

Cette dernière était à Queen’s Park, jeudi, pour raconter son histoire, espérant convaincre le gouvernement Ford d’augmenter le financement réservé aux enfants autistes de la province.

«La sensation de déposer votre enfant à l’école et de tenir ce téléphone portable à la main toute la journée en attendant le prochain appel de l’école continue d’être insupportable. Je ne me suis jamais sentie aussi vulnérable et impuissante face à une institution entière. Mais malheureusement, c’est l’état de notre système d’éducation», accuse-t-elle.

Neelam Rasheid parle aujourd’hui de la voisine qui a trouvé son fils comme «son ange-gardien».

Celle-ci dit avoir vu Zak depuis la fenêtre de sa cuisine, marchant dans les bois pendant la tempête hivernale, ne portant qu’un simple t-shirt.

«Katie, qui a une mobilité limitée, a appelé sa voisine pour obtenir de l’aide et elles ont toutes les deux quitté la maison à la poursuite de mon fils à travers les bois. Ils l’ont finalement rattrapé au bout des bois, sur une route très fréquentée à quatre voies. Mon fils a été retrouvé en train de faire des allers-retours sur la route avec des véhicules devant ralentir pour éviter de heurter les deux femmes qui tentaient d’arrêter la circulation. Zak a ensuite été ramené chez elle», détaille Neelam Rasheid.

«Malhonnête»

La mère de famille pense à tous les scénarios qui auraient pu subvenir alors que Zak était dans les bois.

«Vous savez, quelqu’un avec de moins bonnes intentions aurait pu le récupérer. Zak est parti tout bonnement avec ces deux femmes qu’il venait de rencontrer, mais elles lui étaient complètement étrangères», remarque-t-elle.

Neelam Rasheid accuse le directeur de l’école d’avoir été malhonnête en lui disant qu’il n’avait été parti que «trois à quatre minutes», alors que Katie réside à plus de dix minutes de marche de l’établissement scolaire.

Elle dit aussi que «l’école n’avait aucune idée où était [son] fils, ou comment le retrouver, et n’a fait aucune tentative de suivre le plan de sécurité en place pour lui, qui comprend des protocoles clairs à suivre lorsque Zak est introuvable».

Un porte-parole du conseil scolaire a dit regretter la situation, dans un courriel envoyé au Droit, et s’est engagé «à revoir et à renforcer [son] protocole de sécurité pour prévenir de futurs événements» similaires.

Le conseil scolaire assure que «cet élève dispose d’un personnel de soutien direct, mais il s’est temporairement éloigné de son soutien».

«Je choisis de prendre la parole aujourd’hui dans l’espoir que ma voix sera entendue. Je pense à toutes les familles d’enfants ayant des besoins particuliers qui continuent de mener chaque jour ce combat quotidien pour la sécurité de leurs enfants», implore Mme Rasheid.

Les jumeaux qui ne vont pas à l’école

En entendant le témoignage de Neelam Rasheid, les yeux de Tony Stravato se sont emplis de larmes.

Celui-ci est le père de jumeaux, Rocco et de Roman, tous deux autistes.

«Mes garçons ont des besoins qui ressemblent beaucoup à ceux de Zak», a-t-il expliqué d’une voix chancelante.

Rocco et Roman ne vont pas à l’école actuellement puisque «le conseil scolaire ne peut pas garantir un accès à tous les services dont ils ont besoin [...] et n’est pas en mesure de répondre à leurs besoins en matière de sécurité», affirme M. Lavato.

Tony Stravato est aussi vice-président de la Coalition ontarienne de l’autisme. Si ce qui est arrivé à Zak arrivait à ses fils, «le résultat serait bien pire», craint-il.

«Il faut que l’histoire de Zak rejoigne les émotions de la population. Nos gouvernements doivent écouter ces histoires. Faut-il qu’un enfant meure pour leur faire comprendre qu’il faut arrêter les coupes budgétaires? Nous devons consacrer nos ressources à ces enfants parce que ces enfants sont notre avenir», lâche le père de famille.

Un bilan peu reluisant

Le bilan du gouvernement Ford quant aux personnes autistes de l’Ontario a été lourdement critiqué.

Peu après leur arrivée au pouvoir, les progressistes-conservateurs ont instauré, en février 2019, une réforme du programme provincial sur l’autisme pour désengorger les listes d’attente.

Doug Ford avait alors annoncé un financement direct aux familles concernées pour qu’elles puissent obtenir des services privés, et pour leur éviter d’avoir à attendre une place subventionnée pour des traitements sous le Programme ontarien des services en matière d’autisme.

N’empêche, énormément de parents se sont plaints des montants inadéquats qui leur étaient accordés, ou encore une absence complète d’aide.

La province a, depuis, changé son fusil d’épaule, mais la liste d’attente pour les soins offerts aux enfants autistes a tout de même plus que doublé sous le gouvernement Ford, selon la Coalition ontarienne de l’autisme.

Exergue

«Il est important de comprendre que les situations que nous constatons dans les écoles de l’Ontario sont le résultat de mauvaises politiques du gouvernement», a mentionné la porte-parole néo-démocrate en matière d’éducation, Chandra Pasma.

La députée d’Ottawa-Nepean-Ouest soutient que Doug Ford et le ministre de l’Éducation, Stephen Lecce, «doivent comprendre l’impact que leurs choix politiques ont sur les enfants, sur les parents et sur les travailleurs».

Compte rendu

Ce qui est arrivé à Zak Rasheid «est inacceptable et n’aurait jamais dû survenir», a fait savoir le ministre Stephen Lecce dans une déclaration envoyée au Droit, par courriel.

«J’ai demandé au conseil scolaire de fournir un compte rendu complet de l’incident et d’élaborer un plan pour garantir que cela n’arrive plus jamais à aucun élève», a-t-il assuré.

Le financement des subventions pour l’éducation spécialisée devrait atteindre 3,4 milliards de dollars au cours de l’année scolaire 2023-2024, ce qui représente une hausse d’environ 124,5 millions de dollars, selon la province.

Le ministère de l’Éducation a embauché 3500 assistants pédagogiques depuis 2017-2018, toujours selon les données de la province.

Le ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires, qui a vu quatre députés différents à ses rênes depuis 2018, assure que la province a doublé son investissement dans le Programme ontarien de l’autisme à 600 millions de dollars par année.

 

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  • Date de création 3 février, 2024
  • Dernière mise à jour 2 février, 2024
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