Une marche à Moncton pour sensibiliser le public et les élus aux personnes stomisées

Samedi 23 septembre après-midi, un rassemblement a été organisé devant l’hôtel de ville de Moncton par la Société canadienne des personnes stomisées. L’objectif : éduquer le grand public sur un problème médical assez peu connu, et faire bouger les choses à Fredericton pour une meilleure prise en charge des malades dans la province.

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Damien Dauphin

IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien

 

Guy Hébert est un survivant. Tout a commencé en 1994 quand on lui a diagnostiqué une colite ulcéreuse. En 1997, il a fallu lui poser une poche. Ce qui, à l’origine, ne devait durer que trois mois est devenu permanent. À cause de cela, Guy a connu un épisode de dépression. Au cours des vingt-cinq dernières années, sa santé a continué à lui causer des souffrances. Il y a deux ans et demi, une fibromyalgie avec inflammation et arthrite dans le bas du dos et la colonne vertébrale, dans les genoux et les hanches est venue s’ajouter à ses afflictions. Le 30 janvier 2023, il a subi une intervention chirurgicale qui a abouti à une iléostomie permanente. Il a même failli en mourir. Malgré ces moments difficiles, Guy garde le sourire.

« En dépit de tout, j'ai réussi à fréquenter un collège de 2016 à 2018, et j'ai obtenu un diplôme en services sociaux à l'âge de 52 ans. On m'a dit que j'avais toujours été le type de personne qui tendait la main et offrait son soutien, que ce soit pour réconforter ou pour collecter des fonds », dit-il.

Samedi dernier, Guy était avec les membres de son groupe devant l’hôtel de ville de Moncton pour informer les passants sur un état pathologique qui n’est pas très bien connu du grand public. La stomie est une procédure chirurgicale souvent nécessaire pour traiter certaines affections médicales telles que le cancer du côlon, la maladie de Crohn ou d'autres problèmes gastro-intestinaux graves. Elle implique la création d'une ouverture artificielle, une stomie, pour permettre l'élimination des déchets corporels dans un sac collecteur externe.

Une prise en charge disparate par les provinces

Pour celles et ceux qui vivent avec une stomie, la qualité de vie et le bien-être sont directement liés à la qualité des soins et au matériel associé. Un accès adéquat aux soins et aux fournitures peut faire une différence significative dans leur capacité à mener une vie normale et active. Selon Guy Hébert, la province du Nouveau-Brunswick se classe au dernier rang des provinces canadiennes pour la prise en charge des fournitures associées. Dans les Maritimes, c’est l’Île-du-Prince-Édouard qui a le système de remboursement le plus généreux. Face au fardeau financier que représentent les dépenses connexes, Guy Hébert lance un appel pour une couverture médicale standardisée à travers le pays, et le remboursement intégral des fournitures. Au Nouveau-Brunswick, la prise en charge n’est prévue que pour les personnes à faible revenu ou les personnes âgées de plus de 65 ans.

« Avec l’inflation, avoir un faible revenu et payer le loyer, la nourriture, les médicaments et les fournitures pour stomies est presque impossible, estime-t-il. C'est vraiment déprimant quand il y a peu de programmes d'aide. L'assurance ne couvre que certains médicaments, certainement pas les coûteuses fournitures pour stomie, qui sont une nécessité quotidienne. Chaque province fait partie de ce pays appelé Canada, et je n'ai jamais compris pourquoi une province peut couvrir certains médicaments ou fournitures médicales alors que d'autres ne le peuvent pas. Les fournitures pour stomies devraient être prises en charge à 100% par l’assurance-maladie. Nous ne pouvons pas sortir de chez nous sans les utiliser. »

Au Canada, environ 13 000 chirurgies de stomie sont pratiquées chaque année et on estime que plus de 135 000 Canadiens vivent actuellement avec une stomie. D’après une infirmière, Melanie Philipps, ce chiffre pourrait être plus élevé, car il est très difficile d'obtenir des données précises. « Il y a des personnes qui ne sont pas enregistrées dans le système, peut-être à cause de la stigmatisation sociale. »

Vivre avec une stomie est un défi, en parler autour de soi peut représenter une gêne, car cela touche un volet extrêmement intime. La sexualité des adultes stomisés est abordée sans fard. Comment parler de la stomie à un partenaire potentiel ? « Si t’as pas de blonde ou de chum, faut que t’expliques ce que tu as avant une relation sexuelle car il y a du monde que ça peut déranger », raconte qui Guy Hébert qui confie s’être acheté une ceinture spéciale pour recouvrir le sac.

Écoute et entraide

Infirmière depuis plus de 20 ans, Denise Nicholson travaille avec Melanie Philipps à l’hôpital de Moncton. Elle s’occupe des patients avant et après la chirurgie. Elle s’est spécialisée dans les stomies lorsque son fils, aujourd’hui un adolescent de 15 ans, a été diagnostiqué à l’âge d’un an avec un problème médical nécessitant la pose d’une stomie.

« Chaque année, nous organisons une célébration partout au Canada. À chaque trois ans, on a la Journée mondiale des stomies et la prochaine devrait être en 2024. Je m’occupe aussi d’un camp pour les jeunes âgés de 8 à 18 ans. Il y a plusieurs types de stomies. Les enfants reçoivent du soutien. Nos bénévoles ont tous une stomie, sauf moi », dit-elle.

Après son réveil aux soins intensifs deux jours après l’opération qui a failli lui coûter la vie, Guy Hébert a décidé de s’investir encore davantage dans la cause. Denise Nicholson l’a invité à participer à un groupe qui se réunit mensuellement pour s’entraider et offrir du soutien moral aux personnes stomisées. Son expérience de vie s’y révèle précieuse.

« Il y a toujours des moments où ton moral est bas, où tu demandes pourquoi ça t’est arrivé. Au début, en 1997, j’étais assez découragé. J’étais tout seul. Les groupes de soutien n’existaient pas. J’ai connu la dépression, c’est pourquoi je milite dans le comité, je vais dans les hôpitaux pour aider les gens. J’appelle ça donner au suivant. »

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Photo

Titre : Stomie

Légende : De gauche à droite : Denise Nicholson et Melanie Phillips, infirmières à l’hôpital de Moncton, et Guy Hébert, qui vit avec une iléostomie permanente.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

  • Nombre de fichiers 2
  • Date de création 27 septembre, 2023
  • Dernière mise à jour 27 septembre, 2023
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