Une fresque à l’honneur de la vérité

Isabel Mosseler

IJL – Réseau.Presse

Tribune : la Voix du Nipissing Ouest

Le moment était bien choisi, le 30 septembre lors de la deuxième Journée de la vérité et de la réconciliation, pour dévoiler une autre grande fresque murale représentant la culture autochtone sur un mur extérieur du magasin Michaud et Lévesque, le plus ancien commerce de Nipissing Ouest. C’est la deuxième œuvre de l’artiste Jessica Somers fixée à ce mur. Le propriétaire du bâtiment, Paul Lévesque, s’est dit honorée d’y voir la culture autochtone représentée et célébrée. Le tableau, fait sur deux panneaux et éclatant de couleurs vives, représente la résilience des peuples autochtones, selon Mme Somers.

«En ce jour, nous honorons les enfants perdus et les survivants des écoles résidentielles, leurs familles et leurs communautés. Les commémorations publiques et la reconnaissance de notre histoire tragique et douloureuse, de son impact continu et des traumatismes intergénérationnels occasionnés par les écoles résidentielles canadiennes, ce sont des éléments essentiels au processus de réconciliation. J’ai créé ce tableau pour honorer ces enfants et ces familles,» a-t-elle affirmé.

Une figure dominante du tableau, c’est le colibri. «Le colibri a la capacité de survoler sur place, de voler en reculant et même à l’envers. Ces petits oiseaux sont aussi redoutés comme des combattants féroces qui défendent leur territoire. Le vol du colibri nous rappelle d’être résilients, capables de s’adapter et faire face aux changements. C’est un symbole de persévérance et d’espoir. Le colibri, pour moi, rappelle la résilience de notre peuple,» décrit l’artiste.

Mme Somers est de descendance Abenaki, des Maritimes et du Québec, mais son travail représente l’histoire commune des peuples autochtones à travers le pays. Elle a parlé de la signification de la couleur orange, popularisée comme symbole des pensionnaires autochtones par l’auteur Phyllis Webstad, membre de la Première nation Stswecem’s Xgat’tem en Colombie britannique. «Mme Webstad a raconté sa première journée comme pensionnaire, à l’âge de six ans, lorsqu’on lui a enlevé ses vêtements y compris une chemise orange toute neuve qu’elle avait reçue de sa grand-mère et qu’elle n’a jamais revue. La chemise orange symbolise tout ce que le système des pensionnats autochtones a arraché à ces enfants; on voulait leur enlever leur identité autochtone.»

On voit aussi des fraises dans le tableau. «Les fraises portent leurs bébés à l’extérieur donc ils sont toujours en avant, et nous devons aussi toujours mettre nos enfants devant tout; ils doivent être à l’avant-plan dans toutes nos pensées et toutes nos actions. Il faut les mettre en premier parce qu’ils ont besoin de notre protection pour bien s’enraciner et grandir comme il faut. En avançant vers la réconciliation et vers une nation plus forte, il faut toujours garder à l’avant-plan ces enfants trouvés ensevelis tout en plantant de nouvelles racines pour renforcer notre nation,» explique Mme Somers.

Les sept enseignements sacrés sont aussi représentés dans le tableau, ces vertus qui mènent­ à une vie saine et équilibrée : la vérité (la tortue); l’humilité (le loup); le respect (le bison); l’amour (l’aigle); l’honnêteté (le corbeau); et la sagesse (le castor). «Incorporer les sept enseignements sacrés dans nos vies, c’est une voie pour avancer vers la réconciliation. Ça demande de l’effort de tous les membres de notre communauté. On le voit ici, dans ce mariage entre ma passion pour ma culture et mon amour de l’art. Mon esprit est rempli de gratitude pour l’amour et le soutien de ma communauté,» exprime Mme Somers.

Enfin, elle souligne la présence de corbeaux dans le tableau. «Ces corbeaux représentent tous ces petits bébés qui reviennent auprès des leurs, enfin. On dit que le corbeau nous apparait lorsqu’on a besoin d’être guidé ou rassuré. Dans ma culture, le corbeau est symbole de la création, la transformation, la connaissance et la vérité. Ce sont des messagers qui avertissent d’un danger potentiel ou d’une vérité à laquelle il faut faire face. La vérité des atrocités faites dans les écoles résidentielles, il faut y faire face. Donc aujourd’hui, en sachant que d’autres corps seront découverts, j’encourage chacun de nous à en apprendre davantage sur l’impact des pensionnats autochtones au Canada et d’en profiter pour apprendre aussi à mieux connaître les peuples autochtones. C’est par l’éducation que nous avancerons ensemble vers la réconciliation. Que ces voyants, ces corbeaux, nous guident tous dans notre espoir et notre désir de construire un Canada meilleur.»

Suite au dévoilement, l’assemblée a participé à une cérémonie de purification, puis des amis se sont joints à l’artiste pour une chanson accompagnée de tambours. Paul Lévesque était visiblement ému par la cérémonie, et s’est dit enchanté du projet des fresques murales qui embellit le centre-ville. Il a tenu à en féliciter l’instigatrice, Gayle Primeau. «C’est un magnifique projet que Gayle et la communauté réalisent ensemble. C’est incroyable ce que ça nous apporte, une vraie fierté communautaire.» Il a ajouté des éloges pour le travail de Jessica Somers sur son propre édifice. «Jessica a fait un travail formidable. Ça ajoute du cachet à notre édifice, et à tout le centre-ville.»

M. Lévesque est aussi conscient que sa commandite de fresques contribue à rapprocher nos communautés et à favoriser la vérité et la réconciliation. Comme premiers commerçants du coin, les fondateurs de Michaud et Lévesque ont longtemps traité avec les premiers peuples de la région. «Ma famille a toujours eu un lien serré, mon grand-père était très proche des peuples locaux, et nous avons toujours ressenti un accueil chaleureux… Je pense que c’est un honneur de pouvoir exposer le travail de Jessica. Lorsque Gayle nous a proposé les thèmes, j’ai pensé que c’était parfait. J’en suis très reconnaissant,» de conclure Paul Lévesque.

 

Légende : L’artiste Jessica Somers dévoile sa fresque sur le mur extérieur du magasin Michaud et Lévesque, avec le propriétaire Paul Lévesque. Le tableau a été dévoilé à l’occasion de la Journée de la vérité et de la réconciliation le 30 septembre.  Photo : Isabel Mosseler

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  • Date de création 17 octobre, 2022
  • Dernière mise à jour 10 novembre, 2022
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