Une empreinte indélébile

C’est à l’âge de 96 ans et après 70 ans de règne que la reine Elizabeth II est décédée à Balmoral en Écosse le 8 septembre. Au cours de son règne, elle s’est rendue 22 fois au Canada et cinq fois au Manitoba.

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Ophélie Doireau

IJL – Réseau.Presse – La Liberté

 

C’est d’abord comme princesse qu’Elizabeth II a visité le Manitoba en 1951. Peu de temps après, en 1952 son père décède et elle accède au trône britannique. Elle reviendra au Manitoba en 1959, 1970, 1984, 2002 et 2010. Chacune de ses visites a marqué quelques Manitobains.

Greg Selinger, ancien premier ministre manitobain, garde en mémoire la visite de la reine Elizabeth II en 2010 bien en tête. « En 2010, son époux, le prince Philip et elle ont utilisé le pont Provencher. Ils ont marché sur l’Esplanade Riel avec la compagnie de la Vérendrye. Il y avait cette idée de reconnaissance de la francophonie.

« Elle sest dirigée vers le lieu qui allait accueillir le Musée canadien pour les droits de la personne. Elle a dévoilé la pierre angulaire du Musée, quelle avait elle-même choisi à Runnymede. Cétait toute une symbolique parce que Runnymede était la place en Angleterre oùla Magna Carta a été négociée. La Magna Carta est le commencement d’une situation où le roi ou la reine n’a pas tous les pouvoirs. La Magna Carta est à l’origine du système judiciaire en vigueur au Canada et de la Charte canadienne des droits et libertés. »

En chacune de ses visites, Greg Selinger a pu observer les symboliques à l’œuvre. « En 2002, on était à Saint-Boniface en train d’attendre la reine qui devait venir par bateau de la Fourche. On l’attendait et en fait, le moteur du bateau est tombé en panne, un deuxième bateau est venu aider pour que la reine Elizabeth II et le prince Philip puissent arriver en face de la Cathédrale de Saint-Boniface. Tout le monde était un peu gelé. Mais il y avait un tel enthousiasme que lorsqu’elle est arrivée, on avait oublié le froid.

« Elle a montré beaucoup de calme et le prince Philip a bien aimé lexpérience, cétait excitant pour lui davoir quelque chose de différent. Cétait intéressant davoir la reine et le prince à Saint-Boniface, cétait quelque chose dimportant, une reconnaissance pour la francophonie manitobaine. Elle avait même débuté son discours en français! »

La reine Elizabeth II mettait un point d’honneur à s’exprimer en français lorsqu’elle allait dans les pays francophones. Elle avait appris le français dès son plus jeune âge. En visite en 1970, la reine Elizabeth II a fait un arrêt par Saint-Pierre-Jolys. Mariette Mulaire s’en souvient encore puisque son père René Mulaire a été impliqué dans sa venue. « Étienne Gaboury, qui était président de la Société franco-manitobaine à l’époque, et mon père, René Mulaire qui lui était avec la Chambre de commerce de Saint-Pierre-Jolys, ont été clés pour faire venir la reine Elizabeth II à Saint-Pierre-Jolys.

« Ils avaient appris quelle avait des tournées de prévues vers Steinbach et les villages aux alentours. Papa avait dit : On devrait la faire venir à Saint-Pierre! Il a sollicité la SFM et ils ont présenté une demande formelle qui a été acceptée.

« La reine Elizabeth II a prononcé son premier discours en français. Cétait toute une affaire surtout quand on connaît lhistoire. Cétait un plus grand coup de lentendre parler en français que de lavoir au village!

« Tout le village était tellement excité. Il y avait eu un concours à lépoque pour savoir qui allait présenter les fleurs à la reine, cest Mona Bruneau qui la remporté. Je voulais tellement être Mona! Bon moi jétais parmi les autres, cétait le fun aussi. Je pense que toutes les personnes qui étaient présentes s’en souviennent encore. »

| La chance d’une petite fille

Mona Fallis Bruneau en garde évidemment un souvenir particulier même si sur le coup elle n’a pas réalisé ce qui lui arrivait. « La reine Elizabeth II était venue à Saint-Pierre-Jolys en juillet 1970 à l’occasion du centenaire de la province. J’étais en grade 2 et à l’école il avait été décidé que ce serait une fille du grade 2 qui donnerait des fleurs à la reine. Tous les noms ont été mis dans une boîte et on a pioché le mien!

« Cétait aussi simple que ça. Jai été très surprise que mon nom sorte. Mais à sept ans, je ne comprenais vraiment pas limportance de ce qui venait darriver.

« Je ne réalisais pas limportance de lévènement autant pour moi, que pour la communauté de Saint-Pierre-Jolys. En vieillissant, jai réalisé ce que ça représentait que la reine vienne à Saint-Pierre-Jolys et davoir fait partie de cet évènement.

« Avant de lui remettre un bouquet, elle a prononcé un discours en français sur l’estrade. Le maire de Saint-Pierre-Jolys, Fernand Lavergne m’avait expliqué le déroulé de la cérémonie en me précisant que je devrais parler à la reine parce qu’elle allait me parler. Mais pour une petite fille de sept ans, c’était très stressant alors j’ai parlé un peu et ensuite je suis descendue de l’estrade pour courir vers mes parents.

« Avec son long règne, il y a très peu de personnes qui ont connu une autre personne régnant autre que la reine Elizabeth II. Elle a fait une vie de services extraordinaire. Elle était fière du Canada. »

Gérald Fontaine était aussi de la partie pour s’occuper de la venue de la reine Elizabeth II à Saint-Pierre-Jolys. « J’étais l’un des bénévoles pour la garde d’honneur de la reine Elizabeth II lorsqu’elle est venue en 1970 à Saint-Pierre-Jolys. C’était surtout pour assurer le trafic, reculer la foule lorsqu’elle passait et quand elle arrivait à l’estrade que ce soit clair pour elle.

C’était notre devoir de veiller à ces points. Il y avait avec nous toute une garde professionnelle qui était autour et sur les toits des bâtisses pour guetter les alentours. La sécurité était impressionnante à voir.

« Javais 25 ans et dans une petite communauté on sentraide donc javais envie de faire ma part comme bénévole lors de cetévènement.

« Cétait une expérience marquante de rencontrer la reine. Elle mavait laissé limage dune femme de paix lorsquelle se déplaçait cétait le message quelle portait, elle rencontrait son peuple. Elle avait fait tout son discours en français, dans un très bon français!

« Le décès de la reine cest un peu comme la perte de quelquun de la famille. Bon peut-être pas daussi proche. Mais il faut souligner quelle a fait son devoir, elle la bien fait. »

| 1952 à 2022 : 70 ans de règne

Tous s’accordent sur l’image que la reine Elizabeth II a laissé, celle d’une femme forte et qui a accompli son devoir. Louise Auger, enseignante à la retraite intéressée par la monarchie royale abonde dans le même sens. « Je pense qu’elle a laissé l’image d’une femme heureuse autant comme mère, épouse que comme reine. Elle a fait son devoir. On le voit dans le nombre de personnes qui laissent des fleurs devant Buckingham Palace ou encore des hommages à la famille royale.

« C’est absolument remar-quable d’avoir été reine pen-dant 70 ans et de n’avoir fait que très peu de gaffes. Elle n’était pas destinée à être reine. C’est son oncle, le Duc de Windsor, Edward VIII qui aurait dû prendre le trône à la suite du décès de Georges VI. Mais en vue de ses histoires personnelles, il n’a pas pu. » En effet, Elizabeth II n’était que troisième dans l’ordre de succession pour accéder au trône. Étant donné que son père navait pas dhéritier masculin, cest elle qui monte sur le trône britannique en 1952. En 2011, la reine Elizabeth II décide dabolir la règle de succession masculine qui interdisait aux femmes de régner

Un pas en avant dans la modernité pour la monarchie britannique qui est régulée par de vieilles traditions. Louise Auger s’interroge sur la suite avec le roi Charles III. « Il y a eu de très belles cérémonies dans la famille britannique. Lors de son couronnement, la reine a reçu l’onction et elle est ensuite couronnée avec la couronne. C’est l’une des rares monarchies à l’avoir fait. C’est possible que le roi Charles III, qui est assez moderne, fasse des changements lors de cette cérémonie.

« Le moment doit être difficile, il a attendu pendant longtemps. Il était toujours le n˚2, désormais, il est le chef de l’état. Son épouse Camilla va être reine consort, c’est quelque chose qui est assez incroyable et qui n’aurait pas été pensable à une autre époque.

« Il va être intéressant de voir les changements avec le roi Charles III et ce que va apporter par la suite William.

« Il va être aussi intéressant de voir ce qui va se passer du côté de Meghan Markle et du prince Harry dans les prochaines semaines.

« Cest fascinant de voir quil y a toujours quelque chose qui se passe dans la famille. »

| Des changements au Canada

Des changements notables sont déjà remarqués au Canada, pays du Commonwealth. Guy Jourdain, juriste, détaille davantage. « La reine Elizabeth II était la cheffe de l’état, désormais c’est son fils, qui a choisi le nom de Charles III qui est le chef de l’État.

« Outre ce changement majeur, ce sont des chan-gements dordre administratif, il ny a pas dimpact conséquent. Par exemple, désormais la Cour du Banc de la Reine se nomme la Cour du Banc du Roi. Au niveau des avocats, il y a le titre de conseiller de la Reine désormais ils seront des conseillers du Roi. Finalement en français, les initiales ne changeront pas, on le verra au niveau du titre en anglais. »

Au niveau des cérémonies de citoyenneté, désormais les nouveaux citoyens prêteront serment à Sa Majesté le roi Charles III. Le visage de la reine Elizabeth II est aussi présent sur les pièces de monnaie canadienne, la Monnaie royale canadienne a fait la déclaration suivante à ce sujet. « Le pouvoir de déterminer quel motif apparaît sur nos pièces de monnaie relève exclusivement du gouvernement du Canada. Notre rôle étant limité à la manufacture et la distribution des pièces de monnaie canadiennes, nous modifierons les futures pièces de monnaie conformément à la décision et à l’échéancier du gouvernement.

« Il est aussi utile de noter que le cours légal des pièces de circulation existantes n’est aucunement affecté par un changement de monarque. Étant donné qu’aucune loi exige que les pièces de circulation existantes soient changées ou substituées, les besoins des entreprises et des consommateurs en matière de pièces continueront à être satisfaits sans interruption. »

Les billets sont sous la responsabilité de la Banque du Canada, c’est également au gouvernement fédéral de décider si un nouveau motif doit apparaître sur les billets.

 

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Photos : 

La reine Elizabeth II lors de sa visite en 1984 à Winnipeg à l’occasion de l’inauguration de la Promenade Taché. Plus de 1500 personnes étaient présentes. + photo : Gracieuseté Société historique de Saint-Boniface

En 2002, la reine Elizabeth II était de passage à Winnipeg à l’occasion de son 50e anniversaire de règne. + photo : Gracieuseté Société historique de Saint-Boniface

Lors de sa visite en 1970, la reine Elizabeth II a fait un arrêt à Saint-Pierre-Jolys où quelque 5 000 Franco-Manitobains étaient réunis. + photo : Gracieuseté Société historique de Saint-Boniface

Louise Auger est une passionnée de la monarchie britannique. + photo : Marta Guerrero

Gérald Fontaine était l’un des bénévoles pour la garde d’honneur. + photo : Gracieuseté Gérald Fontaine

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  • Date de création 16 septembre, 2022
  • Dernière mise à jour 16 septembre, 2022
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