Un tribunal ontarien invalide la loi qui limite les hausses salariales dans le secteur public

ÉMILIE GOUGEON-PELLETIER

Initiative de journalisme local — Le Droit

Un tribunal de l’Ontario a déclaré «invalide» la loi 124, qui limite les augmentations salariales des employés du secteur public à 1% par an.

La Cour supérieure de l’Ontario a conclu que le gouvernement progressiste-conservateur de Doug Ford a violé la Charte canadienne des droits et libertés lorsqu’il a adopté son projet de loi 124, en 2019.

La loi 124 a limité l'augmentation de salaire de 780 000 travailleurs du secteur public à 1% par année pendant trois ans.

Plusieurs syndicats et experts du domaine de la santé martèlent depuis son adoption que cette loi figure parmi les grands coupables derrière la pénurie de main-d'œuvre dans les hôpitaux de l’Ontario et les difficultés à retenir les infirmières, particulièrement depuis le début de la pandémie. 

Des groupes représentant plusieurs centaines de milliers d'employés du secteur public, y compris des syndicats d’enseignement, d’infirmières, d’ingénieurs et de fonctionnaires, ont contesté la constitutionnalité de la loi devant les tribunaux. 

La province a rétorqué que la loi ne violait pas les droits constitutionnels des travailleurs.

Dans sa décision rendue mardi, le juge Markus Koehnen affirme que la loi porte atteinte aux droits de négociation collective et à la liberté d’association des travailleurs. Au Canada, ce droit est garanti par la section 2 de la Charte.

«Par exemple, il empêche les syndicats d'échanger des revendications salariales contre des avantages non monétaires, empêche le processus de négociation collective de remédier aux pénuries de personnel, interfère avec l'utilité du droit de grève, interfère avec l'indépendance de l'arbitrage des intérêts et interfère avec la l'équilibre des pouvoirs entre l'employeur et les employés», peut-on lire dans le jugement.

«J'estime que ces effets préjudiciables constituent une ingérence substantielle dans la négociation collective, tant collectivement qu'individuellement.»

Bien qu’il a écrit être «conscient» du fait que «les juges ne doivent pas se considérer comme des ministres des finances», Markus Koehnen a aussi noté que l’Ontario n'a «pas expliqué pourquoi il était nécessaire d'enfreindre les droits constitutionnels en imposant des contraintes salariales au même moment où il accordait des réductions d'impôt ou des remboursements de vignettes d'immatriculation [qui ont coûté dix fois plus] que les économies réalisées grâce aux mesures de restriction salariale.»

L’affaire a été entendue pendant deux semaines, en septembre.

Le Droit a demandé au bureau du premier ministre Doug Ford s’il a l’intention de porter la décision en appel.

«Nous examinons la décision. Notre intention est de faire appel», s’est contenté de répondre le porte-parole Andrew Kennedy, du Procureur général Doug Downey.

Les syndicats impliqués dans l’affaire et les partis d’opposition à Queen’s Park ont imploré le gouvernement Ford «d’accepter la décision et de ne pas faire appel».

« [...]La loi 124 fixe le plafond salarial à un taux inférieur à celui que les employés obtenaient dans le cadre de négociations collectives libres. »

Le juge Markus Koehnen

Une question financière?

La province a toujours dit que cette mesure temporaire devait aider à éliminer le déficit budgétaire.

Le juge Koehnen a invalidé cet argument dans son jugement. 

«Selon mon point de vue sur la preuve, l'Ontario n'était pas confronté à une situation en 2019 qui justifiait une violation des droits de la Charte», a-t-il souligné.

«De plus, contrairement à d'autres cas qui ont confirmé la législation sur la modération salariale, la loi 124 fixe le plafond salarial à un taux inférieur à celui que les employés obtenaient dans le cadre de négociations collectives libres.»

La décision de la Cour supérieure de l’Ontario n’indique pas les compensations auxquelles les travailleurs du secteur public pourraient avoir droit.

Or, un rapport du Bureau de la responsabilité financière de l’Ontario (BRF) publié en septembre 2022 avait indiqué qu’une décision juridique invalidant la loi 124 pourrait coûter des milliards à la province.

Le juge Koehnen a précisé dans sa décision qu’il demeure «saisi de l’affaire pour traiter de la question du recours et de toute autre question accessoire découlant de ces motifs».

Cela pourrait notamment inclure des arriérés de salaire.

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  • Date de création 2 décembre, 2022
  • Dernière mise à jour 2 décembre, 2022
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