Un travail de longue haleine qui se poursuit pour les langues officielles

À peine cinq mois se sont écoulés depuis que la nouvelle mouture de la Loi sur les langues officielles (LLO) a reçu la sanction royale et déjà les leaders de la francophonie albertaine se remettent au travail, comme ils l’ont confié lors du Panel C-13 : ce que veulent dire les changements pour nos communautés organisé dans le cadre du Congrès annuel de la francophonie albertaine à Edmonton. Bien qu'ils reconnaissent les progrès importants accomplis grâce à la réforme, ils estiment que des efforts sont encore nécessaires pour en garantir une mise en œuvre efficace.

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Gabrielle Audet-Michaud

IJL-RÉSEAU.PRESSE-LE FRANCO

Le long processus qui a abouti à l'adoption du projet de loi au printemps dernier a laissé Jean Johnson, ancien président de l'Association canadienne-française de l'Alberta (ACFA) et de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), réaliste face aux défis à venir. Rappelons qu’il avait été impliqué dans les premières étapes du projet de loi, dès 2016, et son engagement en faveur de la modernisation avait encouragé l'ancienne ministre fédérale responsable des Langues officielles, Mélanie Joly, à avancer dans ce dossier.

«La Loi n’avait pas été modernisée depuis 34 ans. Il y avait beaucoup de failles et de choses défaillantes», se remémore-t-il. Sept ans et un projet de loi adopté plus tard, «beaucoup de travail» reste à accomplir, et ce, malgré les bons coups, confie le Franco-Albertain. «Il est prévu qu’une révision de la Loi ait lieu dans dix ans. Mais c’est pas juste dans dix ans qu’on doit s’attarder à faire cet exercice, c'est dès maintenant.»

Il estime que les cinq premières années de la LLO modernisée devraient servir à évaluer la situation sur le terrain pour s’assurer que la mise en œuvre se déroule adéquatement et pour «éviter les nouvelles failles». «Il faut prendre des notes et surveiller ce qui se passe», explique-t-il.

Les cinq années subséquentes, elles, devront être utilisées pour amorcer un travail de représentation sur la colline parlementaire. «Le but, c’est d’arriver avec des arguments solides sur les éléments qui devront être renforcés, ajustés et clarifiés pour s’assurer d’avoir une autre étape de croissance lors de la prochaine révision de la Loi», ajoute Jean Johnson.

Des bons coups, mais encore de l’incertitude

L’ancien président de l’ACFA tient également à souligner les bons coups de la réforme qui permettront de renforcer la surveillance et la coordination des parties prenantes et fournir des moyens concrets pour faire respecter la Loi. Il cite, entre autres, les pouvoirs supplémentaires accordés au commissaire aux langues officielles du Canada et les responsabilités accrues confiées au Conseil du Trésor. «Ça rend la loi justiciable. Auparavant, il n’y avait aucune possibilité d’obliger le gouvernement à agir. Là, on passe de bonnes volontés à une obligation formelle», affirme-t-il.

Tout comme Jean Johnson, la professeure en droit à l’Université d’Ottawa et directrice du Programme pancanadien de common law en français, Caroline Magnan, estime que la nouvelle mouture de la LLO prévoit plusieurs mécanismes pour assurer une mise en œuvre efficace. «Le travail sur le terrain devrait mieux se passer», ajoute-t-elle.

Malgré ces mécanismes, la juriste remarque que certaines questions demeurent en suspens. La politique visant le rétablissement du poids démographique des minorités francophones au niveau du recensement de la population de 1971, par exemple, n’a pas encore été mise en vigueur. «L’article en soi est superbe, mais ensuite, il faut qu’il soit mis en vigueur. On attend encore ce décret. Alors on doit continuer de faire pression pour qu’on aille dans cette direction», déclare l’avocate.

De plus, des efforts doivent aussi être déployés du côté du Conseil du Trésor pour que ses responsabilités accrues soient respectées. «On veut s’assurer que le travail de coordination et d’établissement des principes d’application se fasse par le Conseil du Trésor comme c’est prévu dans la Loi», explique Caroline Magnan.

Enfin, l’avocate pointe du doigt une disposition de la LLO qui devra être surveillée, car elle pourrait être interprétée de sorte que tous les juges nommés à la Cour suprême du Canada ne soient pas bilingues. «Il y a encore un questionnement parce que le libellé ne mentionne pas si tous les juges de la Cour suprême doivent être bilingues», précise-t-elle. Dans cette perspective, certaines audiences pourraient être entendues devant une formation de cinq ou sept juges bilingues plutôt que devant les neuf habituellement requis. Cette éventualité irait cependant «à l’encontre de l’esprit de la modification de la Loi», conclut Caroline.

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  • Date de création 5 novembre, 2023
  • Dernière mise à jour 5 novembre, 2023
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