Un test de détection rapide de l'agrile du frêne pourrait voir le jour

Ressources naturelles Canada annonce que les experts luttant contre la propagation de l’agrile du frêne, une espèce responsable de la mort de millions de frênes en Amérique du Nord, pourraient potentiellement se munir d’un nouveau test permettant d’identifier les arbres malades avant l’apparition des premiers symptômes d’une contamination. 

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Jean-Philippe Giroux

IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse

Cet outil aidera les professionnels en foresterie à trouver les arbres malades au tout début de l’infestation afin d’intervenir de manière plus hâtive.

Notons que 3 à 5 % de la flore dans la région de la capitale fait partie de la famille des frênes, selon les informations de la municipalité régionale d’Halifax (MRH). 

Si sa création se concrétise, le test pourrait être finalisé d’ici 3 ans, selon Ressources naturelles Canada.

À l’heure actuelle, les chercheurs poursuivent leur travail afin d’élaborer un prototype du test qui serait convivial pour les employés municipaux, les arboriculteurs, les ingénieurs forestiers ainsi que les autres professionnels qui l’utiliseraient. 

L’agrile du frêne est un insecte qui se nourrit de toutes les parties du frêne, conduisant ainsi à la mort de cet arbre en seulement quelques années, sans intervention humaine. Pire encore, sur le continent nord-américain, aucun prédateur naturel n’a été en mesure de  ralentir la propagation du ravageur. 

Si les adultes s’attaquent au feuillage, ce sont les larves qui causent le plus d'ennui. Ils se nourrissent du bois sous l'écorce, en creusant des tunnels qui coupent la circulation de la sève. Le résultat : une diminution de la densité du feuillage et une détérioration graduelle.

Les signes les plus courants sont, entre autres, des trous de pics dans le tronc, un dépérissement des branches et de la couronne de l'arbre et un décollement de l'écorce. « C’est assez évident quand un frêne a des agriles du frêne à l’intérieur », précise Kevin Osmond, l’un des quatre membres de l’équipe de foresterie urbaine de la MRH.

Deux décennies plus tard

Originaire de l’Asie orientale, cet insecte a été identifié en Ontario et au Michigan pour la première fois en 2002. Il est fort probable, selon les experts, qu’ils ont été transportés vers l’Amérique du Nord par voie maritime, cachés dans du matériel d’emballage ou de stabilisation. À l’époque, il n’y avait pas de procédure pour stériliser ce bois, d’où la porte d’entrée de l’insecte sur le territoire.

La situation s’est aggravée au fil des décennies à cause d’un gros coupable : le déplacement du bois de chauffage. « L’insecte se propage au Canada de la même façon qu’il est entré », indique Armand Séguin, l’un des auteurs d’un article publié récemment par la revue scientifique BCM Plant Biology concernant ledit test de détection précoce. 

La larve du ravageur, aussi petite qu’une mine de crayon au début de sa croissance, est en dormance lors du déplacement du bois infesté. Il peut donc sortir et se propager facilement dans une cour arrière ou un site industriel, au moment du dépôt.

L’insecte fait l’objet d’une réglementation assez stricte dans plusieurs régions du pays. En vertu de la Loi sur la protection des végétaux, quelqu’un qui est accusé de déplacer des produits de frêne peut écoper d’une amende pouvant atteindre 15 000 $.

En 2018, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) a confirmé la présence de l'agrile du frêne dans la MRH à Bedford, la première alerte de ce genre pour la province.

L’année d’après, l’ACIA a annoncé une expansion des zones réglementées pour inclure le comté d’Halifax. Depuis lors, il est interdit de déplacer les produits du frêne ainsi que les espèces de bois de chauffage provenant de ce comté.

Développer le test 

C’est en étudiant les mécanismes de défense du frêne que les chercheurs seront en mesure de créer un prototype de test assez efficace pour détecter une faible infestation de l’agrile, mais aussi un « faux positif », tout comme les tests rapides de dépistage de la COVID-19.

Le test en question se complète en quelques étapes. Avec un marteau, on enfonce un emporte-pièce pour enlever une pastille d’écorce et extraire les protéines. Par la suite, on verse l'échantillon sur un test en plastique afin de déterminer le résultat, soit positif ou négatif.

Les méthodes actuelles pour identifier les arbres sont l'écorçage ou l'installation de pièges à insectes. « C’est les adultes qui causent problème pour la propagation parce que les adultes, eux, vont grignoter un petit peu les feuilles dans le haut de l’arbre et vont s'accoupler, explique Armand Séguin. Les femelles vont aller sur l’écorce pour pondre les œufs, et c’est là que le problème commence. »

Il existe d’autres mesures pour limiter la propagation de l'insecte, dont l’injection par seringue au bas du tronc de l’arbre d’un vaccin nommé TreeAzinMD, un insecticide biologique conçu à partir d’une molécule du margousier, un arbre originaire d’Inde qui réduit les ravages. 

Cependant, l’insecticide est une solution temporaire et coûteuse, soit environ 5 $ par centimètre de diamètre de l'arbre. Dans la MRH, l’équipe de foresterie urbaine n'utilise pas d’insecticide, car elle n’a pas les fonds nécessaires pour injecter les arbres. Or, des services locaux sont disponibles pour pulvériser le pesticide.

L’équipe municipale a demandé dans le passé au conseil municipal de financer davantage la gestion du dépérissement des frênes, sans succès. « Je pense qu’ils ont déterminé que [les insectes] étaient là depuis suffisamment longtemps que maintenant, ça va être difficile de sauver les arbres », fait comprendre Kevin Osmond.

Pas le plus menaçant 

L’agrile du frêne a été découvert la première fois à Halifax en 2018, mais selon l’équipe de foresterie urbaine de la MRH, l’insecte était dans la région deux à trois années avant les premiers signes.

Quelques centaines d’arbres infestés ont été retirés depuis, mais il en reste beaucoup sur les propriétés privées, et donc la ville ne peut rien y faire. « Tout ce que fait la MRH, c'est surveiller le problème et, lorsque l'arbre devient dangereux, on l'enlève », clarifie Kevin Osmond.

« Ce serait quand même une perte importante si on perdait tous nos frênes, et on dirait qu’on se dirige dans cette direction, dit-il. Mais sur les pistes de la ville, où le risque est le plus important, on peut gérer cela sans problème ». Il mentionne toutefois que de nombreux frênes sont encore en bon état.

Il y aurait d’autres espèces envahissantes plus préoccupantes pour la MRH, dont le puceron lanigère de la pruche, qui est maintenant dans sept comtés du sud de la province. « C’est pas encore près de Halifax, mais ça se déplace très rapidement », annonce M. Osmond.

La ville est en train d'élaborer un plan d'action pour atténuer le problème, incluant la pulvérisation ou l’injection d’insecticides.

Les pruches, des arbres historiques en Nouvelle-Écosse, pourraient complètement disparaitre au cours des 20 prochaines années si rien n'est fait, avertit M. Osmond.

  • Nombre de fichiers 7
  • Date de création 14 juillet, 2023
  • Dernière mise à jour 20 juillet, 2023
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