Un roulement «inhabituel» au sein de l’équipe Higgs

Avec les remaniements ministériels, les députés qui ont quitté la vie politique et les ministres qui ont claqué la porte du cabinet, l’équipe de Blaine Higgs a changé du tout au tout depuis son entrée au pouvoir, en novembre 2018. C’est en partie à cause d’une division inhabituelle au sein du parti, selon des politologues.

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Alexandre Boudreau

IJL – Réseau.Presse – Acadie Nouvelle - Atl

Le va-et-vient des politiciens au sein des gouvernements est normal en soi. Il y a parfois des vagues de départs dans n’importe quel gouvernement, surtout à l’approche des élections, rappelle Tom Bateman, politologue à l’Université St. Thomas, à Fredericton.

«Plusieurs députés ont été à l’Assemblée depuis très longtemps et veulent parfois faire autre chose, comme s’éloigner de la pression et des horaires difficiles des députés. […] Quand les élections arrivent, dans toute juridiction ou parti canadien, on voit des gens annoncer qu’ils ne seront pas candidats.»

Par exemple, pas moins de huit députés libéraux ont quitté la vie politique depuis la défaite de l’équipe Gallant lors de l’élection provinciale de 2018. Brian Kenny, Cathy Rogers et Gerry Lowe ont quitté leur siège de député avant l’élection hâtive de 2020, tout comme Brian Gallant lui-même.

Lisa Harris a quitté la politique provinciale en 2021. Daniel Guitard, Denis Landry et Roger Melanson ont aussi quitté l’Assemblée en 2022.

Mais le parti de Blaine Higgs a aussi souffert d’une division dans son caucus. Les désaccords portent notamment sur le style de gouvernance du premier ministre et sur ses changements à la politique 713 sur l’identité de genre dans les écoles.

Certains députés conservateurs ont quitté le cabinet sans nécessairement quitter leur siège à l’Assemblée. C’est le cas de Dominic Cardy (qui a aussi été expulsé du caucus), de Dorothy Shephard et de Trevor Holder.

Ces trois anciens ministres ont claqué la porte en critiquant le style de gestion inflexible du premier ministre.

«On a vu un peu de tout (parmi les départs). Ça peut vouloir dire que ça dépend des circonstances de chaque député, de l’enjeu, du timing ou de l’ampleur du désaccord avec le premier ministre, d’autres collègues ou le parti», dit M. Bateman.

Le politologue affirme que des enjeux controversés et identitaires, comme les changements à la politique 713, peuvent occasionner des «désaccords dans un caucus de n’importe quel parti».

«Il y a [des départs] normaux, d’autres un peu anormaux», résume-t-il.

Il affirme qu’il y a peu d’exemples de démissions de plusieurs ministres et de départs de plusieurs députés dans l’histoire politique canadienne, comme ce que vit actuellement le gouvernement Higgs.

«La leçon là-dedans, c’est que les cabinets demeurent presque toujours assez fermement loyaux à leur premier ministre. Donc le genre de fracture qu’on a vu cet été, et plus récemment, est inhabituel en politique canadienne. Peut-être que ça va devenir plus fréquent, mais pour l’instant, c’est inhabituel», a-t-il dit en entrevue au début février.

Récemment, quatre anciens ministres ont annoncé qu’ils ne seront pas candidats lors des prochaines élections, soit Mike Holland, Arlene Dunn, Jeff Carr et Daniel Allain.

M. Allain et M. Carr faisaient partie d’un groupe de six députés qui ont voté en faveur d’une motion libérale pour qu’un fonctionnaire indépendant examine les changements controversés menés par le gouvernement Higgs à la politique 713. À la suite de ce vote, la ministre Dorothy Shephard a démissionné du cabinet, suivie par Trevor Holder peu de temps après. On ignore si Mme Shephard et M. Holder seront candidats à la prochaine élection.

Ross Wetmore, un autre membre de ce groupe informel, ne sera pas de la partie non plus. Il l’a confirmé en octobre, même s’il n’a pas fait d’annonce officielle.

«Il y a d’autres choses que je veux faire que la politique», dit celui qui aura 71 ans au moment de l’élection.

Il affirme qu’il avait déjà décidé de tirer sa révérence avant que l’enjeu de la politique 713 n’éclate, et qu’il ressentait qu’il ne «cadrait» plus très bien avec son parti.

Roger Ouellette, politologue à l’Université de Moncton, constate que les départs sont nombreux.

«Ça en fait pas mal. Ce qui est clair, c’est que Blaine Higgs a un leadership qui ne passe pas avec tout le monde.»

Le politologue souligne aussi que le virage vers la droite du parti froisse les députés du centre. Gary Crossman, ministre de l’Environnement et des changements climatiques, avait appuyé un candidat PC pour le remplacer dans sa circonscription, mais le parti a fini par appuyer Faytene Grasseschi, une militante de la droite chrétienne.

Daniel Allain, l’un des seuls francophones du gouvernement Higgs, a annoncé son départ de la politique provinciale cette semaine. Il a affirmé que le virage à droite du parti est l’une des raisons qui l’a poussé à prendre cette décision.

 

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Photo : Le cabinet de Blaine Higgs en 2018. Seuls Ernie Steeves, Mary Wilson, Sherry Wilson, Mike Holland et Hugh Flemming sont toujours ministres à ce jour. Bill Oliver, anciennement ministre des Transports, est maintenant président de l’Assemblée. Greg Thompson est décédé d’un cancer en septembre 2019. Première rangée, dans l’ordre habituel: Bill Oliver; Mike Holland; Dominic Cardy; Andrea Anderson-Mason; Dorothy Shephard, et Jake Stewart. Deuxième rangée: Ernie Steeves; Sherry Wilson; Mary Wilson; Carl Urquhart, et Greg Thompson. Troisième rangée: Jeff Carr; Hugh Flemming; Ross Wetmore; Robert Gauvin, et Trevor Holder. - Photo: Bureau du Conseil exécutif

 

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  • Date de création 8 mars, 2024
  • Dernière mise à jour 8 mars, 2024
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