Un pilier de la francophonie albertaine tire sa révérence

Marguerite Sigur, figure emblématique de la francophonie albertaine, s'est éteinte le 17 mai dernier, à Calgary, à l’âge de 100 ans. Cette dame d’exception laisse derrière elle un héritage remarquable, elle qui a toujours insisté pour vivre sa vie en français, même en situation minoritaire. Son engagement au sein de la communauté et sa joie de vivre sont ancrés dans l’esprit de tous ceux et celles qui ont eu la chance de la côtoyer.

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Gabrielle Audet-Michaud

IJL-RÉSEAU.PRESSE-LE FRANCO

Native du sud de la France, c'est en 1989 que Marguerite Sigur s’installe à Calgary où sa fille, Françoise, réside depuis deux décennies. Rapidement, elle commence à s’impliquer au sein de l’église catholique Sainte-Famille où elle fait la connaissance de nombreux paroissiens, dont Nicole Lepage. «Pour moi Madame Sigur a été une mentore, une amie, une femme vraiment encourageante et passionnée», exprime cette dernière avec émotion.

Chaleureuse, généreuse, passionnée… Les mots semblent insuffisants pour rendre pleinement hommage à sa personnalité. Selon Nicole, qui dit parler au nom de tous les paroissiens et amis qui ont eu le privilège de la connaître au fil des décennies, Marguerite était surtout reconnue pour sa constante bonne humeur et ses paroles aimantes. «Elle disait souvent : “je t’aime, je vous aime”. Elle voulait qu’on sache à quel point elle nous aimait», précise celle qui était secrétaire paroissiale à l’époque.

À l'entrée de l'église, avant la messe, Marguerite était toujours présente, accueillant chaque personne avec des accolades et des mots de bienvenue. Sa personnalité rayonnante se reflétait également dans son style vestimentaire coloré et ses bérets distinctifs, ce qui la rendait facilement reconnaissable au sein de la foule. «Et elle portait toujours le trousseau de clés de l’église autour de son cou. On n’avait pas besoin de se retourner, on savait toujours où trouver Marguerite grâce au [tintement] des clés», laisse tomber Nicole.

Elle souligne également que l'implication de Marguerite dépassait largement les limites de leur paroisse, s'étendant à de nombreux autres organismes de la francophonie. «Madame Sigur avait un objectif clair : elle voulait démontrer à tous que vivre en français dans l'Ouest canadien était un acte réalisable et enrichissant», mentionne l’ancienne secrétaire de la paroisse. Marguerite Sigur a, en effet, été une membre active de plusieurs conseils d’administration, notamment celui de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) régionale de Calgary et de La Société franco-canadienne de Calgary.

En raison de son implication, la doyenne a été intronisée à l’Ordre des sages de l’Alberta en 2005, en plus de recevoir la Médaille du jubilé de diamant de la Reine Elizabeth II en 2012.

Un pilier de la francophonie

En 2009, Marguerite Sigur, déjà fortement impliquée dans la francophonie, croise le chemin de Marie-Thérèse Nickel, l’actuelle directrice de l’ACFA régionale de Calgary. Dès leur première rencontre, une connexion évidente se forme entre elles. «J’arrivais de la Colombie-Britannique et je traversais des moments compliqués dans ma vie personnelle. La présence de Marguerite était rassurante. En plus, on est toutes les deux originaires du sud de la France. Ça s’est fait très naturellement», explique-t-elle.

De fil en aiguille, et ce, jusqu’à ce que Madame Sigur quitte la ville de Calgary en 2012, les deux femmes passent beaucoup de temps ensemble : elles se baladent, se font à manger et partagent de précieux moments de complicité. «Ce qui me fascinait, c’est qu’elle était toujours occupée et active, même si elle avait au-dessus de 85 ans à l’époque. Quand elle siégeait sur un conseil d’administration par exemple, elle n’occupait pas seulement une place à table, elle participait, elle argumentait», se remémore Marie-Thérèse.

Cette dernière s’étonnait aussi de voir à quel point son aînée refusait de s’angliciser et de s’assimiler à la culture anglophone. Marguerite était résolue à préserver sa langue, même si cela impliquait de faire face à des défis au quotidien. «Elle n'a jamais voulu apprendre l’anglais. Elle vivait sa vie en français à 100%. Je lui demandais toujours : “Comment fais-tu pour faire tes courses?” Elle me répondait : “Je me débrouille”», raconte-t-elle.

Des talents artistiques cachés

Famille et amis s’accordent à dire que Marguerite était aussi une artiste multidisciplinaire hors pair. Elle aimait chanter, se passionnait pour la peinture à l’aquarelle et pour la poésie, énumère Nicole Lepage. «Elle encourageait même les paroissiens à chanter lors des messes», mentionne-t-elle.

Marie-Thérèse était, quant à elle, tellement admirative des toiles de Marguerite qu’elle lui demandait fréquemment si elle ne voudrait pas lui en vendre une, mais la réponse était toujours la même. «Elle ne voulait pas les vendre. C’est une artiste qui n’avait pas besoin de s’extérioriser. Elle n’était pas reconnue pour son art. Pour elle, c’était une façon de vivre, pas une façon de se faire voir», explique son amie.

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  • Date de création 13 juin, 2023
  • Dernière mise à jour 19 juin, 2023
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