Un pas de géant pour les Métis

Le gouvernement du Manitoba a déposé, ce jeudi 23 novembre, un projet de loi pour reconnaître Louis Riel comme le 1er Premier ministre de la Province. Un jour sous le signe de la fierté pour la nation métisse, mais surtout le premier pas concret de ce nouveau gouvernement vers la reconnaissance de ce peuple autochtone.

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Hugo Beaucamp

IJL – Réseau.Presse – La Liberté

Chose promise, chose due. Le Premier ministre, Wab Kinew, avait déjà proposé un projet de loi similaire lorsqu’il était le chef de l’opposition en 2019, et il en avait fait la promesse lors de l’assemblée générale annuelle de la Fédération Métisse du Manitoba (FMM) au mois d’octobre. Ce projet de loi intervient deux jours après le discours du Trône et comme le souligne le député métis de Saint-Boniface, Robert Loiselle, avec une évidente fierté : « Il s’agit de la première loi à être lue en Chambre. »

Pour l’occasion, une cérémonie s’est tenue au cœur du Palais législatif en fin de matinée le 23 novembre, et même si la loi doit encore être officiellement adoptée, la cérémonie avait tout de même des airs de célébration.

Pendant son discours, Wab Kinew, sous l’œil attentif et ému du président de la FMM, David Chartrand, a déclaré : « Aujourd’hui, nous honorons le travail et la vision de Louis Riel. Il est la raison pour laquelle nous sommes Manitobains, la raison pour laquelle nous sommes Canadiens. » Un discours que le Premier ministre a tenu dans les deux langues.

David Chartrand a lui aussi pris la parole pour exprimer sa fierté, mais aussi sa peine : « Pourquoi a-t-il fallu que nous élisions un Premier ministre autochtone pour corriger les torts? »

Une question posée qui n’aura cependant pas fait disparaître les sourires sur les visages. Car pour les gens de l’assemblée présente ce jour-là, ce projet de loi fait consensus : c’est une grande victoire.

Si David Chartrand était assis aux côtés du Premier ministre pendant la cérémonie, la présidente de l’Union nationale métisse Saint-Joseph du Manitoba (UNMSJM), Paulette Duguay, était présente dans l’assemblée. Elle a fait part de sa joie :
« C’est un grand honneur pour le peuple métis. Ça fait longtemps qu’on attend ce moment. L’esprit de Louis Riel est très vivant en ce moment. Il y a une évolution de la pensée vis-à-vis de Louis Riel et de l’acceptation des Métis dans la société manitobaine. »

Ce sentiment que la société manitobaine s’ouvre davantage, la présidente n’est pas la seule à le ressentir.

Will Goodon, ministre du Logement et de la Gestion immobilière de la FMM, corrobore cette idée. « Il y a 40 ans, je n’aurais jamais pensé que cela puisse arriver, en raison de la discrimination et du racisme. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que la société manitobaine change. Même s’il reste du travail à accomplir, nous avons fait un bond de géant, et maintenant que l’on est en mesure de collaborer avec les différents niveaux de gouvernement, nous allons continuer de faire des progrès. »

| Enjeux pédagogiques

Dans son édition du 1er au 7 novembre, La Liberté posait la question des enjeux pédagogiques qu’impliquait un Louis Riel Premier ministre. Pour Robert Loiselle, ça ne fait aucun doute, « cette action aura un impact sur la manière dont on parle de Louis Riel et dont on enseigne son histoire ». Interrogée à ce propos, la ministre de l’Éducation postsecondaire et de la Formation, Renée Cable, a indiqué la chose suivante : « Je pense qu’il y aura des retombées en termes d’éducation, assure-t-elle. Que ce soit au niveau des curriculums ou dans la compréhension générale de l’histoire de la Province et du rôle des Métis. » Et cela passe en partie par la représentation des personnes issues des communautés autochtones. La ministre poursuit : « Nous avons un Premier ministre issu des Premières Nations, cinq députés métis (1), et j’espère que cela va se traduire par un sentiment de fierté et d’appartenance chez les étudiants et la jeune génération. »

| Avancer ensemble

Après les discours, les notes de violon et le rythme des pas des danseurs de gigue se sont emparés des couloirs du Palais législatif. « À ma connaissance, c’est la première fois que l’on danse la gigue au Palais législatif, confie Paulette Duguay. C’est un vrai plaisir, on se sent comme à la maison. »

La phrase qui aura été répétée de nombreuses fois au cours de la matinée ce jeudi 23 novembre était « un grand jour pour les Métis ». Et ce pour tous, qu’ils soient francophones ou anglophones, membres de l’UNMSJ ou de la FMM. Les relations entre l’Union et la Fédération ne sont pas au beau fixe, mais les annonces du gouvernement couplées à l’importance qu’il accorde à Louis Riel et plus largement à la Vérité et la Réconciliation pourraient faire changer cela.

Robert Loiselle confie travailler avec Will Goodon vers un rapprochement entre les deux entités métisses « Le rêve de Louis Riel n’était certainement pas de voir les Métis divisés », souligne-t-il.

De son côté, le Métis David Dandeneau indique qu’ « on ne peut pas réécrire l’histoire », mais qu’ on reste optimiste. « Avec le nouveau gouvernement provincial, nous allons pouvoir revoir nos relations avec la FMM. »

(1) Les députés métis sont : Robert Loiselle, Saint-Boniface; Renée Cable, Southdale; Bernadette Smith, Point Douglas; Billie Cross, Seine River; Tyler Blashko, Lagimodière.

 

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Photos : 

  • Paulette Duguay. + photo : Marta Guerrero
  • Robert Loiselle et Renée Cable. + photo : Marta Guerrero
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  • Date de création 1 décembre, 2023
  • Dernière mise à jour 1 décembre, 2023
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