Un guide pour éviter un 2e «garde-robe»

À travers ses groupes de discussion et ses consultations, la Fédération des ainés et des retraités francophones de l’Ontario (FARFO) a découvert qu’il n’était pas rare que les ainés francophones membres de la communauté 2SLGBTQI+ retournent «dans le garde-robe» lorsqu’ils déménagent dans une maison de retraite. Pour mieux les protéger, l’organisme a produit un guide pour les fournisseurs de services.

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Julien Cayouette

IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur

 

Les biais des préposé·e·s et la culture des établissements semblent être ce qui influence le plus souvent la décision d’ainés de cacher leur orientation et leur identité sexuelle. Même ceux qui s’affichaient auparavant ouvertement décident parfois de se cacher lorsqu’ils entrent dans une maison de retraite ou un centre de soins de longue durée. 

«Ils disent que pour se protéger, ils retournent dans le garde-robe», indique le consultant en soins infirmiers et soins de santé basé à Sudbury, Dr Paul-André Gauthier, qui a participé à la production du guide. Les résidents se retrouvent souvent face au retour des préjugés, des stéréotypes et des biais «qui conduisent à la discrimination». Cette discrimination peut mener à d’autres problèmes, comme l’isolement et des défis de santé mentale.

Les problèmes pour les francophones peuvent se présenter de multiples façons et être amplifiés par la pénurie de personnel en santé. M. Gauthier dit qu’un participant a raconté qu’il a arrêté de consulter un médecin francophone qui n’était pas respectueux ou sensible aux questions 2SLGBTQI+. Il se sent «bien mieux servi» par un nouveau médecin anglophone qui respecte davantage son identité. 

«Les personnes âgées en institution sont plus fragiles, leur santé est moins bonne. S’ils ne se sentent pas respectés, ils ne se sentiront pas en confiance», rappelle M. Gauthier, également bénévole auprès de la FARFO pour les questions liées à la communauté 2SLGBTQI+.

Il rappelle que les lois ontariennes protègent les droits des personnes 2SLGBTQI+ partout, incluant dans les établissements de soins pour personnes âgées. Il faut que tout le monde sache que ces personnes ont les mêmes droits. 

Un plan à suivre

Le Guide de sensibilisation pour la bientraitance des ainé.e.s 2SLGBTQI+ francophones en Ontario a été rédigé en collaboration par la FARFO et le Centre de leadership et d’évaluation (CLÉ). Ils ont fait un sondage et ont ensuite soumis leurs premiers constats à un groupe de consultation représentatif afin de s’assurer de la représentativité du guide.

Les fournisseurs de services sont ceux qui sont visés par le guide parce qu’ils sont au-dessus de la mêlée et sont ceux qui peuvent influencer une panoplie de services.

«Ça n’a pas réponse à tout, c’est un guide pour sensibilité», précise M. Gauthier. «Il y a une série de recommandations pour s’assurer qu’on met en place un cadre» qui assure la formation du personnel, la mise en place de bonnes pratiques et une évaluation des résultats.

L’offre active est la première stratégie proposée. Celle-ci va de l’embauche de personnel francophone à la création de groupes, d’ateliers ou d’activités où tout le monde se sent bienvenu et respecté. S’ajoute à cela l’utilisation d’un vocabulaire plus neutre, l’adoption de politiques claires et un affichage qui démontre que la communauté 2SLGBTQI+ est acceptée.

On recommande ensuite «d’éviter les pratiques d’exclusion». Il s’agit ici de revoir les pratiques de l’établissement ou du service et de s’assurer qu’on applique les politiques équitablement, peu importe les choix des personnes. Il faut aussi offrir de la formation au personnel et prévenir dès le processus d’embauche que l’établissement applique des politiques d’inclusion.

Finalement, le personnel de l’établissement doit être le premier à réagir lorsqu’une situation d’homophobie ou de discrimination survient. 

Combler un manque

La communauté francophone a un peu de rattrapage à faire dans ce domaine. M. Gauthier suit et participe à ce qui se passe du côté anglais. Un guide similaire sur les meilleures pratiques a été publié il y a deux ans. 

Les fournisseurs de services francophones n’avaient pas encore «d’outils pour accueillir et intégrer les personnes 2SLGBTQI+», confirme le directeur de la FARFO, Michel Tremblay. Il ajoute que les fournisseurs de services visés incluent les résidences, les bureaux de médecins et les hôpitaux, entre autres.

M. Tremblay fait le parallèle avec l’offre active de services en français de plus en plus mis de l’avant et exigé par le gouvernement. «On dit aux fournisseurs de services qu’ils ont le devoir de faire de l’offre active. Ce n’est pas toujours aux gens, aux clients, à avoir à demander tout le temps.»

La FARFO compte distribuer largement le guide. Les prestataires de services seront évidemment visés, mais aussi les réseaux de planification de services en français, les centres de vie active et les clubs d’âge d’or. «Ces endroits-là sont importants, note M. Tremblay. Parce dans les petites communautés, comme les villages dans le Nord de l’Ontario, c’est souvent le seul organisme pour les personnes de 50 ans plus.»

 

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Le consultant en soins infirmiers et soins de santé basé à Sudbury, Dr Paul-André Gauthier — Photo : Archives

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  • Date de création 18 octobre, 2023
  • Dernière mise à jour 16 octobre, 2023
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