Un déjeuner du 2e mardi sous le signe des élections à venir

Professeur titulaire à l’École des hautes études publiques de l’Université de Moncton, Roger Ouellette était le conférencier invité du déjeuner du 2e mardi organisé le 13 février dernier au restaurant l’Igloo de Moncton.

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Damien Dauphin

IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien

 

Devant un public plus nombreux que d’ordinaire, le politologue a abordé la question du paysage politique du Nouveau-Brunswick en 2024 tout en visitant des événements historiques qui ont mené à la situation actuelle.

«Sur le plan démographique, l’électorat francophone et catholique du nord a tendance à voter libéral tandis que les électeurs anglophones et protestants du sud ont tendance à voter conservateur», rappelle-t-il en guise d’introduction évidente.

En 1987, les libéraux conduits par Frank McKenna ont chassé les progressistes-conservateurs de Richard Hatfield qui régnait depuis 17 ans. M. Ouellette précise que c’est la seule fois que le vote anglophone fut acquis au Parti libéral. Les conservateurs furent ainsi rayés de la carte pour plusieurs années.

Toutefois, en remportant une victoire historique qui leur attribuait tous les sièges, les députés libéraux ont formé une «chambre introuvable» dénuée de toute opposition. Une telle configuration n’est pas démocratiquement saine et ne peut que produire des effets pervers.

Même si le gouvernement McKenna fut confortablement reconduit aux affaires en 1991, cette fois avec 50 sièges sur 58, le parti CoR anti-francophone a gagné tous les autres et devint l’opposition officielle. Parmi ces députés d’opposition, il y avait un certain Blaine Higgs.

Une course à handicaps pour les bleus et les rouges

À partir de quand l’usure du pouvoir commence-t-elle à produire des effets ? « Frank McKenna a su quand partir. Il s’était fixé 10 ans au pouvoir et il a respecté son engagement. Hatfield n’a pas su quand partir », signale le politologue.

Après six années de gouvernement Higgs, l’usure en question n’est pas manifeste, même si le chef conservateur cumule des handicaps et n’est visiblement guère aimé du public présent à la conférence.

«C’est un conservateur radical, il vit 60 ans en arrière!» lance une dame en faisant la moue. «Il n’a jamais reculé devant les francophones, mais dans le dossier de l’immersion, il a reculé devant la pression des anglophones», fulmine-t-elle.

Inversement, Susan Holt qui est issue de la communauté de langue maternelle anglaise peine à se faire connaître et apprécier de l’électorat anglophone. «Elle n’était pas la favorite de l’establishment libéral, dit Roger Ouellette. Ce n’est pas toujours facile de travailler avec les «boys». Susan Holt semble inexistante. Elle a besoin d’entreprendre une campagne dynamique pour prendre son envol.»

Des verts populaires

Jeudi dernier, comme pour faire écho à cette assertion et lui répondre, la cheffe de l’opposition officielle a vanté un style de gestion collaboratif avec l’ensemble de son équipe. Une gouvernance à l’opposé de la concentration des pouvoirs dans le bureau du premier ministre. Autour d’elle et d’Alexandre Cédric Doucet qu’elle venait investir candidat dans Moncton-Est, les «boys» étaient prêts à travailler dans un esprit de concorde.

Du côté du Parti Vert, Roger Ouellette ne doute pas de la popularité des deux chefs adjoints, Kevin Arseneau et Megan Mitton, tous deux élus dans la région. «En 2018, Mme Mitton n’avait que 11 voix de majorité. Elle l’a augmentée en 2020. Il ne fait aucun doute qu’elle sera réélue, et Kevin Arseneau aussi», prédit-il.

«Une majorité pour Higgs n’est pas à exclure, dit-il encore, mais s’il ne l’obtient pas alors sa carrière provinciale sera terminée. On peut lui souhaiter bonne chance s’il continue de recruter des candidats de la droite religieuse, car alors il creuserait sa tombe en politique.»

M. Ouellette ajoute que la situation n’est pas plus brillante pour Susan Holt qui ne peut pas compter sur l’appui des libéraux fédéraux qui sont au plus bas dans les sondages. Pour elle aussi, un échec face au candidat vert et leader syndical réputé Simon Ouellette sonnerait la fin de ses ambitions politiques. En revanche, tous les députés libéraux provinciaux se présentent de nouveau et affichent une belle unité autour d’elle.

«On ne peut en dire autant au PC où le caucus est divisé. Certains ne se représenteront pas. Pour d’autres encore, soit ils quitteront le navire, soit Higgs les mettra à la porte.»

L’avenir incertain de Daniel Allain

«Quel est le statut de Daniel Allain au sein du Parti conservateur?», s’est enquis un membre du public. Il est déjà acquis que l’actuel député de Moncton-Est n’y affrontera pas Alexandre Cédric Doucet car il envisage de se présenter dans la nouvelle circonscription de Champdoré-Irishtown, encore faut-il que les conditions soient réunies pour le faire.

«Higgs doit approuver et signer sa candidature, confirme M. Ouellette. Si Daniel Allain est de nouveau dans ses bonnes grâces, alors il serait probablement nommé au cabinet. Cela me surprendrait quand même que M. Higgs le nomme ministre. Or, si Allain n’est pas assuré de redevenir ministre, ses chances de se présenter sont réduites.»

Selon le conférencier, Champdoré-Irishtown fait partie des circonscriptions à surveiller dans la région. Moncton-Est éveille bien évidemment son intérêt, de même que Moncton-Centre, où il estime que le libéral Rob McKee a des défis à relever, ainsi qu’à Moncton-Sud où le duel annoncé entre Greg Turner (PC) et Claire Johnson (PL) s’annonce passionnant.

En attendant, Roger Ouellette a rencontré un grand succès en ayant su capter l’intérêt d’un public qu’il a tenu en haleine. «Les 85 participants ont bien apprécié la présentation, suivie de la période de questions et des réponses très franches du conférencier», juge Conrad LeBlanc.

Les élections provinciales doivent normalement avoir lieu le 21 octobre, mais il n’est pas exclu qu’elles puissent être déclenchées dès le printemps. Même si rien ne va plus, les jeux ne sont pas encore faits.

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Photo

Titre : Roger Ouellette
Légende : De gauche à droite : Gilles Chiasson, Jean Gaudet, Roger Ouellette et Paul LeBreton.
Crédit : Courtoisie.

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  • Date de création 28 février, 2024
  • Dernière mise à jour 28 février, 2024
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