« Trécarré », un documentaire sur l’histoire de la musique de la Baie 

La native de Clare, Natalie Robichaud, s’embarque dans un nouveau projet : la réalisation d’un court-métrage mettant en lumière l’histoire des musiciens originaires de la Baie Sainte-Marie, plus précisément de la région communément nommée le Trécarré. 

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Jean-Philippe Giroux

IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse

Le nom du documentaire « Trécarré » n’est pas encore confirmé, mais il est fort probable qu’il portera son titre provisoire.

Le film touche en grande partie à la contribution des musiciens dans le développement culturel de Clare, mais aussi à l’histoire de l’industrie du bois, qui va de pair avec celle de l'identité musicale de la région.

Depuis plusieurs années, la directrice générale de la Société acadienne de Clare (SAC) et ses collègues font des recherches pour comprendre pourquoi au juste la Baie Sainte-Marie regorge de talent.

Pour concevoir son premier projet documentaire, elle a commencé par une collecte de données, qui comprend une liste de tous les artistes, leurs instruments de prédilection, leur village d’origine, les groupes avec lesquels ils ont joué, etc.

Mais il y avait trop d’informations pour en faire un film, précise Mme Robichaud, même qu’il y en avait assez pour réaliser une série en huit parties. Il fallait donc trouver un fil rouge pour commencer à trier les données.

Peu de temps après, la réalisatrice est tombée sur le site Web du Council of Nova Scotia Archives, où elle a consulté des albums communautaires, mais aussi de vieux articles du Centre acadien, dont un texte sur le fameux Trécarré : une région connue pour ses musiciens comme Kenneth Saulnier, Johnny Comeau, Jackie Comeau and Brian Melanson. « J’ai pensé : quoi-c’est que le Trécarré ? »

En fin de compte, c’est assez simple. Un trécarré est une unité de mesure pour désigner une parcelle déboisée ou à déboiser, et à l’époque de la postdéportation où il y avait des centaines de moulins à l'œuvre dans la région, il y avait plusieurs trécarrés.

Mais pour les gens du coin, le terme porte une autre signification. Dans la deuxième division qui a été accordée aux Acadiens, on trouvait le Trécarré (Bangor, Saulnierville Station, Pipe Town), un endroit où est issue la majorité des grandes familles musicales.

Des études au documentaire

En parallèle avec la réalisation de son documentaire, Natalie Robichaud fait sa maîtrise à l’Université Sainte-Anne, se focalisant sur l’engagement communautaire dans sa communauté.

Dans le cadre de ses recherches, elle a discuté avec une trentaine d’intervenants pour leur poser la grande question : qu’est-ce qui vient à l’esprit quand on dit « Acadien » ?

Ce qui est ressorti le plus souvent, c’était le mot musique. « Je trouve ça intéressant à quel point que la musique, que tu sois musicien ou non, fait partie de notre identité collective », constate la réalisatrice.

En approfondissant ses recherches, elle a compris que le Trécarré a fait émerger de nombreux artistes, et ce, à cause de l’influence de la religion catholique. À l’époque, pour jouer de la musique, il fallait se cacher du clergé, souvent dans le bois. « C’était vraiment péché, explique Mme Robichaud. Le violon était vu comme l’instrument du diable, le monde dansait assis sur leur chaise, etc. »

Un autre facteur qui explique la création du Trécarré est l’influence de l’industrie forestière. Aujourd’hui, quand on pense à la Baie, on a souvent l’image de la mer. Mais à l’époque du boom forestier, l’économie tournait autour des moulins et des communautés autour d’elles. « T’avais une masse critique de monde [...] qui voulait jouer de la musique, les soirées, les fins de semaine », raconte-t-elle.

En avril, la SAC a présenté le spectacle Son de Clare pour souligner l’importance de la musique dans le développement de la culture acadienne.

Le projet montre que le « son de Clare » ne constitue pas d’un seul répertoire de chanson, tel est le cas en Louisiane par exemple, mais bien d’une variété de genres musicaux. C’est précisément grâce à sa proximité géographique avec les États-Unis. « À cause qu’on avait accès [aux radios américaines] très tôt, ç’a vraiment forgé et formé notre identité musicale. »

Une nouvelle aventure

Le premier documentaire de Natalie Robichaud est une production de l'Office national du Film (ONF). L’artiste a la chance de faire partie d’un programme de mentorat pour se familiariser avec le travail de réalisateur.

C’est un rêve de longue haleine qui se réalise, dit Mme Robichaud. « L’envie de cette histoire, je l’ai depuis longtemps parce que c’est une histoire qu’il faut qu’il se raconte. C’est moi qui a la chance de le raconter, mais c’est pour tout le monde. »

Une grande partie du documentaire est une série d’entrevues, mais il y a aussi quelques scènes de fiction réalisées avec l’appui de quatre jeunes comédiens de l'École secondaire de Clare et un comédien jouant le rôle d’un prêtre.

L'objectif est de lancer le documentaire durant le Congrès mondial acadien (CMA) 2024, mentionne la réalisatrice, qui se croise les doigts pour que le projet soit monté et finalisé pour la période de célébration.

Mais elle souhaite aussi que son film touche d’autres publics. « Je veux que le monde de Clare regarde le film pis qu’il soit très fier, mais je veux aussi que le monde de Timmins pis Richibouctou pis Sherbrooke, Québec, le regarde pis que ça leur parle aussi, précise-t-elle. C’est pas uniquement quelque chose qui va parler au monde de Clare. C’est quelque chose qui va être beaucoup plus large. »

Son projet, d’une durée d’environ 30 minutes, tournera par la suite dans les festivals de films et sera publié sur le site de l’ONF.

La réalisatrice mentionne qu’elle songe à travailler sur d’autres documentaires, notamment en lien avec les enjeux écologiques de Clare.

  • Nombre de fichiers 9
  • Date de création 13 octobre, 2023
  • Dernière mise à jour 13 octobre, 2023
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