Thérapie de jazz en plein centre-ville

Christian Gammon-Roy

IJL – Réseau.Presse

Tribune : la Voix du Nipissing Ouest

Les personnes qui se sont promenées dans le centre-ville de Sturgeon Falls cet été ont peut-être remarqué un changement d'ambiance. Depuis le début du mois de juin, Chris Osborne est devenu un incontournable de la rue King avec son grand haut-parleur sans fil et sa batterie, jouant de la musique jazz pour les passants. «Cela me fait du bien de créer une ambiance agréable dans la rue, et si cela fait sourire quelqu'un, c'est vraiment génial. Et puis, les gens en parlent beaucoup, ce qui est parfait pour moi,» déclare M. Osborne, qui joue presque tous les jours.

Le musicien a un amour évident pour la musique, mais il a une affinité particulière pour le jazz, qui remonte à sa jeunesse à Windsor. «J'ai passé la plus grande partie de ma vie à Windsor. À la fin des années 80 et au début des années 90, Windsor et Detroit étaient très, très animés. La plupart du temps, il n'était pas nécessaire d'avoir un passeport pour faire l'aller-retour [...], vous alliez passer la nuit au Mexicantown à Detroit ou peut-être voir un groupe de jazz jusqu'à 4 heures du matin. C'était génial de vivre ça en grandissant,» se souvient-il. Les scènes de jazz, de blues et de musique Motown de Détroit ont joué un rôle important dans ses débuts en tant qu'artiste. Le fait qu'il joue du jazz à Sturgeon Falls aujourd'hui, c'est comme s'il apportait avec lui une petite tranche de sa jeunesse.

Jouer du jazz dans les rues de la ville lui a également permis de découvrir une autre facette des gens. Dans une communauté dont le principal intérêt musical semble être la musique country, les conversations avec de nombreux piétons ont surpris M. Osborne. «Plus on vieillit, plus on commence à penser que les jeunes, ou les gens en général, n'écoutent qu'une seule chose. Au vu des réactions et de l'interaction que j’aies avec les gens, je ravale mes mots volontiers : finalement, je pense que les gens sont beaucoup plus intéressés par la musique en général et qu'ils apprécient un buffet de styles de musiques variés,» déclare-t-il.

La musique n'est pas le travail principal de M. Osborne. Il admet que pour de nombreux artistes, y compris lui-même, il faut un revenu supplémentaire pour pouvoir vivre décemment et continuer à jouer. Cependant, ce qu'il a appris de son travail professionnel lui sert encore aujourd'hui, et il a même pu y intégrer sa musique. Ayant travaillé dans le domaine des soins de santé et des soins de longue durée, M. Osborne possède un ensemble unique de compétences qu'il met aujourd'hui au service de maisons de soins comme Au Château. «J'ai pu en tirer des compétences transférables et je travaille maintenant avec des personnes âgées en utilisant la musique comme thérapie. C'est bien d'avoir pu amalgamer ces expériences et de travailler maintenant pour offrir des services de stimulation cognitive par la musique,» explique-t-il, ajoutant qu'il travaille avec des patients atteints de la maladie d'Alzheimer ou ayant des problèmes cognitifs au foyer Au Château.

M. Osborne se dit semi-retraité, mais il se tient très occupé. Avec son travail à Au Château et les spectacles de rue à Sturgeon Falls, il est impressionnant de constater qu'il trouve également le temps de faire du bénévolat pour le comité d'embellissement de Sturgeon Falls et à la salle de la Légion. Depuis environ un an, il participe régulièrement aux soupers spaghetti et aux «Jams musicaux» de la Légion. «Ils proposent un dîner spaghetti pour environ 8 dollars, avec un dessert, du café, du pain à l'ail et tout ce genre de choses. Les gens sont donc très heureux de pouvoir sortir et passer un bon moment, sans avoir à dépenser beaucoup d’argent, surtout par les temps qui courent,» explique-t-il à propos de l'événement qu'il qualifie de «très animé».

L'engagement communautaire de M. Osborne est d'autant plus surprenant qu'il ne réside à Sturgeon Falls que depuis trois ans. En pleine pandémie, il cherchait un endroit où vivre dans la région, et Sturgeon Falls s'est imposé comme choix. «Je cherchais un appartement, la pandémie a frappé, vous connaissez l'histoire. Fin 2020, j'ai eu beaucoup de chance, avant l'hyperinflation et avant les augmentations massives des loyers, j'ai trouvé un bel appartement ici à Sturgeon. C'était littéralement un accident, mais c'était un merveilleux accident. J'avais prévu de m'installer à North Bay,» raconte-t-il. Les premières années n'ont pas été très mouvementées en raison des fermetures et des restrictions, mais c'est ce sentiment d'être coincé seul à l’intérieur qui l'a finalement conduit à être si sociable dès qu'il a pu sortir de son isolement.

«Je pense que la COVID nous a permis de voir la vie différemment. C'est agréable de pouvoir disposer d'un haut-parleur portable pour pouvoir jouer où je veux et quand je veux, car qui sait de quoi demain sera fait. Nous devons vraiment vivre aujourd'hui, dans l'instant présent. Aujourd'hui est une journée parfaite et magnifique. C'est tellement agréable de voir tout le monde, et la pandémie a mis cela en évidence pour moi. Cela a mis en évidence aussi le fait que nous pouvions gaspiller la vie; c’était difficile de rester assis et de ne rien faire pendant cette période,» déclare-t-il.

Pour M. Osborne, le travail et le bénévolat sont des exutoires qui lui permettent d'être simplement dehors en train de faire des choses constructives. Il affirme que les arts sont thérapeutiques, et pour lui, cela signifie jouer de la musique. Il encourage les gens à trouver leur propre version de cette thérapie dans n'importe quelle activité artistique, qu'elle soit simple ou compliquée. «C'est une véritable thérapie que de pouvoir faire ce que l'on veut. Il peut s'agir de fabriquer des nichoirs avec des bouts d’allumettes, de jouer de la batterie de jazz ou de n'importe quoi d'autre. Tout ce qui vous procure un sentiment de paix dans l'instant présent est vraiment ce qu'il y a de mieux.»

Chris Osborne joue de la batterie jazz sur la rue King à Sturgeon Falls. L'artiste dispose d'une installation portable pour sa batterie et son haut-parleur, qu'il peut déplacer où et quand il veut jouer pour le public, c'est-à-dire presque tous les jours.  Photo : Christian Gammon-Roy

  • Nombre de fichiers 3
  • Date de création 4 août, 2023
  • Dernière mise à jour 4 août, 2023
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