Tempête Derecho: aide gouvernementale demandée

Plus de deux mois après les grands vents qui ont ravagé des boisés et des propriétés dans l’Est ontarien, aucune aide formelle n’a été accordée de la part des gouvernements provinciaux et fédéraux. Ce qui déçoit beaucoup les propriétaires de boisés, qui travaillent chaque jour pour débroussailler leur terrain.

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Charles Fontaine

IJL – Réseau.Presse –Le Droit

La propriété de Jean-Claude Havard est entourée de champs et de forêts au nord de Plantagenet. À travers le chemin de 500 mètres qui mène à sa demeure, on observe de nombreux arbres centenaires complètement déracinés. Mais il y a plus, affirme l’octogénaire.

Il tient absolument à nous montrer l'ampleur des dégâts. Embarque dans le quatre-roues! Après une balade d’une quinzaine de minutes à travers les nombreux sentiers de sa propriété, on se rend compte à quel point il est impossible de nettoyer le boisé seul. Des professionnels sont nécessaires.

Pendant des jours, M. Havard a coupé des arbres morts pour libérer ses sentiers principaux, dont un menant à un lac, où il amène ses petits enfants.

Mais il n’est pas seulement question de s’amuser en forêt. Les arbres tombés enlèvent de l’ombre, ce qui donne naissance à de nouvelles espèces qui peuvent être nuisibles aux écosystèmes. «Avec le temps, la nature s’en fout. Mais ce n’est pas la bonne façon de gérer une forêt. On gère une forêt pour avoir des arbres en bonne santé et avoir une régénération», soutient-il.

 Il a d’ailleurs abandonné le travail à plusieurs endroits détruits dans sa forêt. De la machinerie, un travail professionnel de nettoyage et un plantage d’arbres adéquats sont de mise. Cette main-d'œuvre est financièrement inaccessible aux propriétaires de boisés, qui déplorent l’inaction des gouvernements.

«Ça fait deux mois que c’est arrivé et on ne sait rien. Lors de la tempête de verglas en 1998, il y avait de l’aide en dedans de deux semaines. Les arbres, on dirait que ça ne mérite pas qu’on s’y intéresse, l’environnement n’a pas une cote très élevée», évoque l’amoureux de la forêt.

Plantation perdue

Un peu plus loin, on observe le même scénario chez Jeanne Drouin. Celle qui possède 400 acres de forêts, dont une forêt mixte et des plantations, est à court de moyens. En plus des arbres plus que centenaires qui sont tombés, sa plantation de pin rouge est très abîmée. Plusieurs des sentiers où elles se promènent en ski de fond ou en raquette l'hiver sont inaccessibles.

Elle et son mari doivent nettoyer leur boisé comme ils le peuvent. Mais la forêt a besoin d’aide. «Le temps passe. Il n’y a rien pour le moment. Il y a beaucoup de bois qui va se perdre. Avec le soleil, les insectes et la pluie, il y a beaucoup de pins qui sont tombés et qui vont changer de couleur. Ça ne sera pas bon pour faire des planches ou des billes de bois», explique-t-elle.

Encore une fois, un programme d’aide gouvernemental serait nécessaire. «C’est décevant. J’ai l’impression qu’ils ne comprennent pas l’envergure des problèmes. La forêt, c’est particulièrement important pour l’environnement, la biodiversité, la faune, la flore, c’est un milieu extrêmement riche.»

Érablière en péril

La forêt de Jules Rochon aussi a été endommagée. Cette forêt contenait de nombreux érables, qui donnent du sirop. Sur les 2500 entailles de son érablière, il en perd 400. En 2023, M. Rochon aura perdu 30% de sa production acéricole. Et ça, c’est s’il décide de récolter.

«Je me questionne encore si je vais produire du sirop cette année. Les arbres ont été très ébranlés et ils ont besoin d’une pause», dit le président de l’Association des acériculteurs de l’est de l’Ontario.

Grâce à sa machinerie, il a pu rétablir une bonne partie de son boisé, mais de nombreuses aires doivent être abandonnées, à moins d’avoir une aide gouvernementale, qu’il n’a pas reçue.

«C’est frustrant. C’était une très belle occasion pour Doug Ford de créer de l’emploi. On accepte à la longue. On a demandé de l’aide, mais on n’a rien. [Après deux mois,] on a pris du recul. On regarde les arbres qui sont debout au lieu de ceux au sol», déplore-t-il.

Régénération intelligente

L’organisme Boisé Est travaille bénévolement et d’arrache-pied pour remettre le couvert forestier en place. Il faut d’abord nettoyer les ravages en enlevant les arbres morts et ensuite replanter. Cependant, il faut replanter les espèces appropriées qui seront plus résistantes aux catastrophes naturelles et aux changements climatiques, souligne le vice-président de Boisé Est, Jean Saint-Pierre.

L’association française des propriétaires de boisés privés de l’est de l’Ontario avait tenu une rencontre le 18 juin dernier afin d’informer les membres et les élus municipaux sur leur démarche pour rétablir les boisés. La prochaine étape est d’offrir des estimations des coûts de nettoyage et de la superficie des forêts à guérir. Ces données seront envoyées aux députés provinciaux et fédéraux, avec qui Boisés Est est en étroite collaboration depuis le début des démarches.

«On n’a pas les compétences et encore moins les connexions nécessaires pour s’assurer d’avoir accès à tous les programmes qui seraient possibles pour nous aider», mentionne M. Saint-Pierre.

De plus, aucun palier de gouvernement n’a été en mesure d’offrir une aide concrète, ou du moins un engagement d’un appui futur.

«Nous sommes déçus qu’après deux mois de travail acharnés de la part de Boisés Est et d’autres personnes, qu’il n’y ait pas eu la moindre démarche qui ait la probabilité d’avoir un succès. En deux mois, en 1998 lors de la tempête du verglas, on avait déjà un programme d’aide pour les gens qui avaient subi des dommages dans l’Est ontarien», déplore-t-il.

Le député provincial dans Glengarry-Prescott-Russell, Stéphane Sarrazin, souligne qu’il a été difficile de se pencher sur la question en temps de transition de mandat. Il mentionne qu’il en discutera lors des prochaines semaines avec son gouvernement, car plusieurs dommages de la tempête ne sont pas assurables. La province pourrait venir en aide aux victimes de la tempête, si la zone est déclarée comme urgente dans le cadre du programme d’Aide aux sinistrés. Ça a été le cas à Uxbridge après la tornade.

Du côté du fédéral, le député de la région, Francis Drouin, mentionne que son rôle est d’aider à financer le gouvernement provincial en cas de demande. Par contre, il n’y aura pas de solution rapide, mentionne-t-il. Même si l’aide aux sinistrés en Ontario est déclenchée, les travaux ne commenceront pas avant plus d’un an.

Devant cette situation, les propriétaires de boisés ne peuvent faire autrement que d’attendre, et la nature, elle, se régénère à sa manière.

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Photos

La propriété de Jean-Claude Havard est entourée de champs et de forêts au nord de Plantagenet. À travers le chemin de 500 mètres qui mène à sa demeure, on observe de nombreux arbres centenaires complètement déracinés. (Charles Fontaine, Le Droit)

«Ça fait deux mois que c’est arrivé (le derecho) et on ne sait rien. Lors de la tempête de verglas en 1998, il y avait de l’aide en dedans de deux semaines. Les arbres, on dirait que ça ne mérite pas qu’on s’y intéresse, l’environnement n’a pas une cote très élevée», déplore Jean-Claude Havard. (Charles Fontaine, Le Droit)

On observe de nombreux arbres centenaires complètement déracinés sur la propriété de Jean-Claude Havard. (Charles Fontaine, Le Droit)

La situation chez Jeanne Drouin n'est guère mieux. (Charles Fontaine, Le Droit)

La forêt de Jules Rochon, contenait de nombreux érables. Sa production de sirop est à risque. (Charles Fontaine, Le Droit)

Le député provincial dans Glengarry-Prescott-Russell, Stéphane Sarrazin, souligne qu’il a été difficile de se pencher sur la question en temps de transition de mandat. Il mentionne qu’il en discutera lors des prochaines semaines avec son gouvernement, car plusieurs dommages de la tempête ne sont pas assurables. (Simon Séguin-Bertrand, Le Droit)

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  • Date de création 8 août, 2022
  • Dernière mise à jour 8 août, 2022
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