Stratégie sur l’immigration francophone : peut mieux faire

Le gouvernement provincial de l’Île-du-Prince-Édouard a récemment dévoilé sa première stratégie d’immigration francophone pour 2023-2028. Si les organismes francophones saluent un pas dans la bonne direction, ils font part de préoccupations quant à l’absence de fonds et d’objectifs chiffrés. Ils regrettent également un langage trop vague sur la mise en œuvre et le suivi des résultats.

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Marine Ernoult

IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne

 

 

 

En 27 pages, la province de l’Île-du-Prince-Édouard a établi son premier plan d’action stratégique pour l’immigration francophone 2023- 2028.

Trois «buts» sont édictés : attirer plus d’immigrants francophones en améliorant le recrutement, aider les nouveaux arrivants à s’installer et, surtout, réussir à les retenir sur le long terme. Enfin, la stratégie veut développer la capacité de la province à accroître l’immigration francophone.

«C’est un premier pas dans la bonne direction. Ça démontre que le gouvernement reconnaît l’importance de ce dossier» salue Isabelle Dasylva-Gill, directrice de la Société acadienne et francophone de l’Î.-P.-É. (SAF’Île).

Un enthousiasme que partage Eugénie Parent, directrice par intérim de la Coopérative d’intégration francophone de l’Î.-P.-É. (CIF) : «Il y a un bon momentum.La province s’engage concrètement sur le papier à faire des efforts.»

Elle se dit notamment satisfaite de voir la situation des résidents temporaires prise en compte. Contrairement à d’autres provinces, les résidents temporaires constituent en effet la majorité de la population immigrante francophone qui vient à l’île-du-Prince-Édouard.

«Il y a une volonté de la province d’aider davantage ces résidents dont le fédéral ne s’occupe pas, de leur offrir plus de services pour leur donner envie de rester une fois qu’ils obtiennent leur résidence permanente», détaille Eugénie Parent.

Cible chiffrée, «non négociable»

La responsable de la CIF salue par ailleurs la mention relative au besoin de faciliter la reconnaissance des diplômes, notamment dans les domaines de la santé de la petite enfance.

Les efforts sont louables, mais insuffisants aux yeux des deux organismes francophones. Ils font état de plusieurs préoccupations, au premier rang desquelles le manque d’objectif chiffré.

«Ça fait des années qu’on pousse pour l’adoption d’une cible, c’est essentiel et non négociable», insiste Isabelle Dasylva-Gill.

«L’absence de cible enlève la motivation de faire avancer les choses, on ne peut pas mesurer de résultats concrets et effectifs», abonde Eugénie Parent.

Selon une étude Sociopol, intitulée Faire le point sur la cible en immigration francophone : bilan, enjeux et pistes d’action, l’Î.-P.-É. a besoin d’au minimum 15% d’immigration d’expression française par an pour assurer le rattrapage et la croissance démographique de sa communauté francophone.

L’autre inquiétude commune à la SAF’Île et à la CIF, c’est l’absence de financement. Aucun montant spécifique n’est prévu, ni dans le plan d’action ni dans le budget provincial récemment adopté.

Les organismes demeurent également extrêmement vigilants quant à la mise en œuvre. Isabelle Dasylva-Gill évoque la nécessité de sensibiliser les employeurs, mais aussi l’ensemble des ministères.

«Tous les ministères doivent s’y mettre et se coordonner, car l’immigration requiert une approche globale, ça touche au logement, à l’emploi, à l’éducation», considère-t-elle.

Collaboration active avec la communauté

Isabelle Dasylva-Gill regrette en outre «l’absence de mentions ou des mentions vagues» sur de nombreux points.

Elle cite l’octroi de points supplémentaires pour la maîtrise des deux langues officielles dans le cadre du processus d’immigration, la promotion des employeurs dans des bassins d’immigration prometteurs en Afrique, ou encore la capacité de la province à traiter plus de dossiers francophones et à offrir plus de services actifs en français.

Ce langage peu clair se retrouve aussi dans la partie du document consacrée au suivi des résultats.

«On va demander des clarifications pour s’assurer que les autorités ne travaillent pas en solo et collaborent activement avec la communauté», affirme Eugénie Parent.

Le plan prévoit la création d’un réseau pour l’immigration d’expression française, géré par le gouvernement, qui rencontrera la communauté une fois par an. Une mesure insuffisante et même inutile, aux yeux des responsables de la SAF’Île et de la CIF.

«Cette nouvelle structure va dédoubler nos efforts, car elle s’ajoute à un réseau déjà existant. Le gouvernement devrait profiter de l’expertise que l’on a sur le terrain», estime Eugénie Parent.

«Une table de concertation hybride provinciale communautaire suffirait», ajoute Isabelle Dasylva-Gill.

Face à l’ampleur de la tâche qui reste à accomplir, la SAF’Île et la CIF s’engagent à travailler étroitement avec le cabinet de Dennis King.

«On sait que le document ne changera pas, mais on espère qu’on sera impliqués dans sa mise en œuvre et que le gouvernement nous laissera une place», conclut Isabelle Dasylva-Gill.

 

 

 

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Photos

 

Eugénie Parent est directrice par intérim de la Coopérative d’intégration francophone de l’Î.-P.-É.  (Photo : Gracieuseté)

 

Isabelle Dasylva-Gill est directrice de la Société acadienne et francophone de l’île (SAF’Île).  (Photo : La Voix acadienne)

 

 

 

 

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  • Date de création 26 juin, 2023
  • Dernière mise à jour 26 juin, 2023
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