Statu quo pour le 30 septembre

Depuis deux ans, le gouvernement fédéral a reconnu le 30 septembre comme Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Il revenait aux Provinces de décider si ce jour devait être férié. Le Manitoba n’a toujours pas privilégié cette piste.

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Ophélie Doireau (avec des informations de Raphaël Boutroy)

IJL – Réseau.Presse – La Liberté

Seuls le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard, les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut, la Colombie-Britannique et le Yukon ont déclaré le 30 septembre jour férié.

Pourtant, les Manitobains semblent vouloir suivre le pas du gouvernement fédéral. C’est ce qu’indique un sondage de Probe Research publié le 26 juin pour le Winnipeg Free Press. 75 % des 1 000 Manitobains sondés sont en faveur de faire du 30 septembre - la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation - un jour férié au Manitoba.

Pour Robert-Falcon Ouellette, anthropologue et enseignant en culture autochtone à l’Université d’Ottawa, ce sondage est significatif. « Si 75 % des Manitobains sont en faveur d’une journée fériée, pourquoi le 30 septembre ne l’est toujours pas?

« Les excuses du gouvernement provincial ne suffisent plus. »

Robert-Falcon Ouellette, député fédéral libéral de 2015 à 2019, reconnaît que le gouvernement fédéral a lui aussi mis du temps à mettre en place cette journée fériée. En effet, instaurer un jour férié découle de l’appel n°80 des 94 Appels à l’action émis par la Commission de vérité et réconciliation. Ces derniers ont été publiés en 2015 et c’est sept ans plus tard que le gouvernement fédéral a décidé de déclarer le 30 septembre comme jour férié. Pour Robert-Falcon Ouellette, la découverte de centaines de sépultures anonymes près d’anciens sites de pensionnats autochtones a accéléré la décision. « Les tombes anonymes d’enfants autochtones ont fait bouger l’opinion publique et les décideurs du gouvernement fédéral.

« Il faut que l’opinion publique manitobaine se fasse entendre auprès de son gouvernement. »

Au mois d’avril, le gouvernement du Manitoba avait fait savoir que pour la deuxième année consécutive, le 30 septembre ne serait pas un jour férié. La Première ministre, Heather Stefanson, avait expliqué ne pas être parvenue à un consensus entre les groupes autochtones et les entreprises. Ainsi, le statu quo était de rigueur, c’est-à-dire que seuls les bureaux gouvernementaux non essentiels et les écoles seront fermés.

La Liberté a sollicité une entrevue auprès de la Province, en vain.

Robert-Falcon Ouellette, originaire de la nation crie Red Pheasant en Saskatchewan, rappelle l’importance d’un jour férié pour l’ensemble de la population. « Tout le monde s’accorde sur l’importance et le respect d’une telle journée. Le fait que cette journée ne soit pas fériée empêche des personnes de participer à des activités qui permettent de cheminer sur la vérité et la réconciliation.

« Rappelons que c’est le but de cette journée. Il faut rendre hommage aux victimes et aux survivants des pensionnats, ainsi qu’à leurs familles et à leurs communautés. Mais aussi avancer dans le travail de réconciliation. Si personne ne travaille, les gens peuvent se rencontrer, discuter et échanger. »

Il est donc clair qu’aux yeux de Robert-Falcon Ouellette, le Manitoba doit accélérer le pas sur les questions de réconciliation. « Les conséquences des décisions prises pendant des années sont plus qu’observables dans notre société actuelle. Malheureusement, les Autochtones sont surreprésentés dans les problèmes de santé mentale, dans les prisons, etc. Beaucoup d’Autochtones subissent les décisions des gouvernements encore actuellement.

« Il est clair qu’une journée ne suffirait pas à régler les problèmes. Mais des discussions peuvent s’amorcer et des personnes peuvent prendre conscience de cette réalité. Le Manitoba a une grande population autochtone, alors si le Manitoba ne se lance pas dans la réconciliation, qui le fera? Nous devons montrer l’exemple. »

En place depuis seulement deux années, la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation doit devenir une célébration plus complète, comme le suggère Robert-Falcon Ouellette. « À un moment donné, j’aimerais que cette journée devienne plus positive. Qu’est-ce qu’on a compris ensemble aujourd’hui? Qu’est-ce qu’on a changé aujourd’hui? Qu’est-ce qu’on a libéré? Bien sûr tout en se rappelant le passé. »

 

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Photos : 

  • Robert-Falcon Ouellette est anthropologue et enseignant en culture autochtone à l’Université d’Ottawa. + photo : Ophélie Doireau
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  • Date de création 14 juillet, 2023
  • Dernière mise à jour 14 juillet, 2023
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