Solidarité citoyenne contre les éoliennes

Le 22 septembre, des townies ont joint leur voix à celle des résidents de la péninsule de Port-au-Port et de la baie Saint-Georges, réclamant une évaluation environnementale plus rigoureuse pour le projet Nujio'qonik. Trop de questions demeurent sans réponse, cite le groupe d’activistes.

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Cody Broderick
IJL. Réseau.Presse - Le Gaboteur - ATL

La chaleur estivale a officiellement pris fin le matin du 22 septembre, mais l'avis de gel en vigueur n'a pas dissuadé la Social Justice Co-op NL (SJC-NL), la branche Avalon-NL du Council of Canadians et des citoyens de se rassembler devant les bureaux du gouvernement fédéral au centre-ville de la capitale.

En solidarité avec le Environmental Transparency Committee (le Comité pour la transparence environnementale, ou ETC), le groupe réclame une évaluation d'impact au niveau fédéral du méga-projet éolien de World Energy GH2. Dans une réponse publiée quelques jours avant la mise sous presse de cette édition du Gaboteur, le ministre fédéral de l'Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, a annoncé qu'une analyse fédérale n'est pas justifiée.

Des développements trop rapides?

En juin, l'entreprise derrière le projet Nujio'qonik a acquis le port de Stephenville où elle vise, d'ici à la fin 2025, à transformer l'énergie éolienne en hydrogène et en ammoniac, ressources qui seraient ensuite exportées vers les marchés européens.

Le 30 août, le gouvernement provincial a attribué à World Energy GH2 les terres de la Couronne sur la péninsule de Port-au-Port où l’entreprise espère ériger 164 turbines – une semaine après la publication de son évaluation d’impact environnemental requise par le gouvernement provincial. La publication de la décision du ministre quant à l'acceptabilité de cette évaluation est fixée au 31 octobre.

Le projet créerait 2500 emplois dans la région s'il est approuvé, mais la vitesse du progrès du projet inquiète beaucoup de résidents. «Ils nous l'enfoncent dans la gorge!», ajoute un monsieur dans la petite foule, considérant la publication de 4100 pages trop longue pour être entièrement lue et bien comprise avant la date limite d'envoi des commentaires, fixée au 11 octobre.

En tant qu'écologiste autochtone originaire de la Côte Ouest de l'île, Jude Benoit se réjouit de la transition de la province vers les énergies renouvelables, mais a de nombreuses préoccupations. Plusieurs questions restent dans l'ombre, note l'activiste, comme ce qui se passerait en cas de fuite d'ammoniac, ou ce qu'il adviendrait de la sécurité des travailleurs si les opérations ne se déroulaient pas exactement comme prévu.

«Ce que nous savons», déclare-t-iel, «c'est qu'il y aura un camp composé principalement de travailleurs masculins». L'activiste s'inquiète en ce sens de la possible violence aux filles et aux femmes autochtones de la région. Un lien entre les camps de travail dans l'industrie de l'extraction des ressources et la violence contre les femmes autochtones a été révélé en décembre dernier dans un rapport publié par le Comité permanent de la condition féminine à Ottawa. Intitulé Répondre aux appels à la justice: lutter contre la violence faite aux femmes et aux filles autochtones dans le contexte de projets d’exploitation des ressources, le rapport indique qu'il existe «des preuves substantielles d'un problème grave».

Les activistes espèrent pouvoir amplifier la voix des leurs camarades de la Côte Ouest autant que possible. «Nous devons continuer à poser des questions», ajoute Jude Benoit lors du rassemblement. «C’est OK de demander un autre rapport d'impact.»

Un autre boondoggle?

Avec 164 éoliennes prévues sur la péninsule et 164 de plus dans la région de Codroy Valley et des montagnes Anguille – d'une hauteur de 200 mètres chacune – les activistes espèrent protéger la flore et la faune qui seraient les premières victimes de ce nouveau développement.

Envoyée en avril dernier au ministre fédéral de l'Environnement et du Changement climatique, une lettre de 29 pages de l'ETC demandant que l'analyse soit effectuée au niveau fédéral souligne les juridictions fédérales suspectées d'être concernées: des espèces en péril, les oiseaux migratoires, les eaux, la pêche et le changement climatique. En plus de ces cinq juridictions fédérales, le groupe cite également l'engagement déclaré du gouvernement fédéral en faveur de la vérité et de la réconciliation.

«Ce projet, c’est un deuxième Muskrat Falls», note Lea Movelle, responsable de la coordination des bénévoles au SJC-NL, qui rappelle également aux participants le coût du mégaprojet, les craintes liées à l'empoisonnement au méthylmercure provenant de Muskrat Falls et le groupe de défenseurs des terres autochtones qui ont été arrêtés après avoir bloqué et occupé le site en octobre 2016.

Craignant une dimension néocoloniale de ce mégaprojet et des dommages à l’environnement semblables à ceux qu’on a vu après Muskrat Falls, ainsi que la destruction des modes de vie et culture, iel résume ses inquiétudes dans un haut-parleur: «Ce n'est rien de moins qu'un génocide.»

Petite roue d'une grande machine?

Dans un article publié par The Independent le 11 septembre, Justin Brake a révélé que le gouvernement provincial avait discrètement présenté la province comme le «premier super bassin énergétique à potentiel net zéro au monde» lors de sa vi-
site au Sommet mondial de l'hydrogène à Rotterdam, aux Pays-Bas, en mai dernier.

La stratégie, élaborée par le consultant en énergie Wood Mackenzie, propose d'étendre l'exploitation des combustibles fossiles par le biais de la nouvelle industrie de l'hydrogène, de capturer et de stocker le carbone, ainsi que de développer un pipeline d'hydrogène jusqu’au Labrador.

Si l'entreprise World Energy GH2 envisage de jouer un rôle qu’elle dit déterminant dans la transition énergétique à Terre-Neuve-et-Labrador, le pétrole et le gaz ne semblent donc pas avoir disparu du paysage énergétique de la province. De toute façon, les activistes ne croient pas que les mégaprojets de cette taille soient la solution pour une transition juste.

Le syndicat Fish, Food and Allied Workers Union (FFAW), bien qu'absent le 22 septembre, a envoyé une lettre de solidarité aux activistes. «La FFAW ne soutient pas les plans du projet dans leur état actuel», a lu Léa Movelle à haute voix. Demandant également une étude d'impact fédérale, le syndicat évoque les conséquences potentielles de possibles fuites d’ammoniac sur l'industrie de la pêche côtière.

Publiée sur le site web du ministère de l'Environnement et du Changement climatique du gouvernement provincial, l’évaluation d’impact environnemental de World Energy GH2 est également disponible dans les bibliothèques publiques de Bay St. George South, Cap Saint-Georges, Codroy Valley, Lourdes, St. George's, Stephenville et Stephenville Crossing. La date limite pour envoyer des commentaires au gouvernement provincial est le 11 octobre. Il est possible d’envoyer des commentaires notamment par courriel à l’adresse suivante: [email protected].

  • Nombre de fichiers 2
  • Date de création 9 octobre, 2023
  • Dernière mise à jour 10 octobre, 2023
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