Soins de longue durée: Kelly Lamrock recommande une «refonte globale» du système

Le défenseur des aînés du N.-B., Kelly Lamrock, dénote de nombreuses lacunes et incohérences du système de soins de longue durée dans un rapport publié mercredi. Il affirme qu’il est «urgent» de changer les choses.

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Alexandre Boudreau

IJL – Réseau.Presse – Acadie Nouvelle - Atl

Le défenseur des aînés du N.-B., Kelly Lamrock, dénote de nombreuses lacunes et incohérences du système de soins de longue durée dans un rapport publié mercredi. Il affirme qu’il est «urgent» de changer les choses.

Dans son rapport de plus de 200 pages, Kelly Lamrock décrit un système qui manque de cohérence et qui est géré en «silos», où différentes entités – comme les hôpitaux, les foyers de soins et les foyers de soins spéciaux – gèrent les choses dans leur coin et où la communication entre elles n’est pas toujours efficace.

Il a formulé 57 recommandations au gouvernement en vue d’améliorer le système. Il s’agit notamment de rendre l’accès aux soins de longue durée plus simple pour les résidents et leurs familles, et d’aider les personnes âgées à vieillir à domicile.

Selon lui, la gestion centralisée du système de soins de longue durée par les ministères de la Santé et du Développement social ne permet pas suffisamment de flexibilité.

Il estime que le système de soins de longue durée devrait être plus facile d’accès pour les patients et leurs familles, et que les soins devraient être «centrés sur la personne».

«En ce moment, on a tendance à examiner combien le gouvernement est prêt à payer avant d’examiner les besoins de la personne. Il faut renverser cela.»

Pour changer la donne, il propose une nouvelle loi sur les soins de longue durée, qui créerait notamment des «autorités de soins de longue durée» régionales, qui seraient chargées de gérer le système pour leur région.

Le gouvernement serait le point central chargé de fournir du financement à ces autorités et d’établir des normes de soins à respecter, ainsi que de recruter et former le personnel des établissements. Il ne prescrit pas le nombre de ces entités ni leurs divisions régionales, et affirme qu’il reviendra au gouvernement de le déterminer.

M. Lamrock constate que la pénurie de ressources humaines demeure un problème malgré les mesures prises par le gouvernement pour augmenter les salaires dans certains secteurs. Dans le modèle de gouvernance qu’il propose, l’embauche et la rétention de personnel seraient du ressort de la province, et ne seraient pas décentralisées.

Des échéanciers pour le gouvernement 

De plus, Kelly Lamrock veut que le gouvernement développe un plan chiffré d’ici juin 2024 pour réduire le nombre de personnes âgées qui attendent dans un lit d’hôpital au lieu de recevoir des soins dans un autre milieu plus approprié, comme un foyer de soins.

Il demande aussi un autre plan chiffré, à temps pour mai 2024, pour augmenter le nombre d’heures de soins auxquels ont droit les résidents du système de soins de longue durée pour atteindre la norme nationale de 4 heures par jour. En 2022, les résidents du N.-B. avaient droit à 3,3 heures de soins par jour en moyenne.

«En termes de soins de qualité, il faut changer la culture. Il faut augmenter les heures. Nous devons nous assurer que le système soit financé, au moins au niveau de la moyenne canadienne.»

On ne peut pas augmenter les heures de soins sans avoir plus de personnel, selon lui. Il propose de revoir la formation des travailleurs du milieu de soins à longue durée. Il demande aussi aux ministères de créer un programme de soutien financier pour leur garantir un salaire «qui les retiendra dans le secteur», qu’il estime à 22-24$ l’heure.

Une banane?

Pour expliquer les failles du système, il a relaté l’anecdote d’une personne âgée hospitalisée en attente d’avoir une place dans un autre établissement de soins.

Habituée à manger une banane pour déjeuner lorsqu’elle était autonome, elle en a demandé une aux employés de l’hôpital, qu’elle n’a pas pu avoir jour après jour, jusqu’à ce qu’elle en pleure.

Pour M. Lamrock, cet exemple anodin est pourtant emblématique du genre de manque d’autonomie et d’impuissance que les gens peuvent ressentir dans le système.

«Si on est trop impuissant pour se procurer une banane, on a besoin que quelqu’un se soucie de ce que ça signifie pour nous. On a besoin que quelqu’un comprenne que c’est plus qu’une banane, qu’une personne nous voit et qu’elle sait qui on est.»

Une travailleuse de la santé lui a finalement acheté des bananes.

«Une soignante s’était souvenue d’elle, suffisamment longtemps pour se soucier d’elle. C’est ce que nous voulons tous», écrit-il dans son rapport.

L’opposition appuie le rapport

Le gouvernement a dit vouloir prendre le temps d’examiner ce volumineux rapport avant de se prononcer sur son contenu.

Susan Holt, chef du Parti libéral, trouve la structure décentralisée proposée par M. Lamrock «intéressante».

«La réalité est différente dans la Péninsule acadienne, que dans le Nord-Ouest, que dans le Sud. Alors je pense que la flexibilité dont on a besoin peut venir avec une gouvernance décentralisée.»

Elle affirme que le gouvernement devrait premièrement rectifier l’impasse dans les négociations collectives qui l’opposent aux travailleurs des foyers de soins du N.-B., et aussi préparer les plans demandés par M. Lamrock.

Le chef des verts, David Coon, affirme qu’il s’agit d’un «bon rapport». Il souligne d’emblée la question du salaire pour les employés du secteur.

«C’est très important, beaucoup d’autres recommandations ne sont pas possibles sans des salaires plus élevés.»

Il se dit lui aussi intéressé par l’idée de créer des régies régionales des soins de longue durée, pourvu qu’elles ne deviennent pas de simples «entités bureaucratiques».

Jan Seely, présidente de l’Association des foyers de soins spéciaux du N.-B., affirme que les recommandations du Défenseur sont prometteuses. Elle se dit d’accord avec l’idée de décentraliser la gestion du système.

«[L’idée] d’amener les services plus près des patients ou des résidents, ou même des personnes qui vivent à domicile, est très intéressante et a du sens.»

Selon elle, il faudra que le gouvernement soit au rendez-vous pour faire changer le système. Il y a eu d’autres rapports par le passé, et peu de changements, ce qu’elle déplore.

«Les salaires sont un énorme problème, et j’espère que le budget fera avancer les choses», ajoute-t-elle.

 Changer la gouvernance

Lundi, le Défenseur a publié un autre rapport, qui porte plus largement sur la gouvernance des programmes sociaux par le gouvernement du N.-B. Il y recommande plusieurs changements pour le Bureau du conseil exécutif et le ministère des Finances et du Conseil du trésor.

Une bonne partie de ce premier rapport a été intégré dans celui qui a été publié mercredi.

«Notre enquête a conclu que les échecs des initiatives et des rapports antérieurs, en matière de soins de longue durée et d’autres programmes sociaux, sont imputables au fait que le gouvernement est organisé de telle sorte que les ministères responsables des programmes sociaux sont voués à l’échec», écrit M. Lamrock.

 Protéger les lanceurs d’alerte

Kelly Lamrock propose également une modification législative pour protéger les lanceurs d’alerte.

Selon lui, les résidents ou leurs familles qui portent plainte à un établissement de soins de longue durée peuvent parfois subir des représailles de la part d’un foyer ou de ses employés, ou être renvoyés de l’établissement.

Selon lui, le fait d’intimider ou de décourager quelqu’un à porter plainte devrait être une infraction provinciale inscrite dans la loi.

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Photo : Le défenseur des aînés, Kelly Lamrock, a raconté le parcours du combattant d’une résidente de foyer de soins qui voulait simplement manger une banane pour déjeuner. - Acadie Nouvelle: Alexandre Boudreau

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  • Date de création 15 mars, 2024
  • Dernière mise à jour 15 mars, 2024
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