Si les routes pouvaient parler – partie 2/5

Si les routes pouvaient parler – partie 2/5

 

Pour le 100e de la Ville de Hearst, plusieurs activités en lien avec l’histoire de la capitale de l’orignal ont été organisées par des sous-comités. L’un d’entre eux a soumis l’idée de faire un parcours, style rallye, dans lequel les gens pourraient découvrir l’origine historique des noms donnés à certaines rues de la municipalité.

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Par Renée-Pier Fontaine

IJL – Réseau.Presse – Journal Le Nord

 

Le choix des rues qui allaient figurer dans le rallye a été effectué dans l’optique de toucher des catégories différentes de l’histoire de la Ville, qui font ce qu’elle est aujourd’hui.

 

La famille Blais représente les agriculteurs de la région

 

Le chemin Blais, pas très loin de La Petite Gaspésie, est aussi annexé à la route 583 Sud. C’est sur ce chemin, autrefois nommé Concession 8, que Édouard Blais et ses trois fils (Arthur, Joseph et Philippe) se sont installés à leur arrivée en 1923.

 

Deux ans plus tard, en 1925, les autres membres de la famille viennent les rejoindre : neuf enfants (Origène, Marie, Suaire, Édouard, Camille, Euloge, Louis, François, Délia) et leur mère, Amanda, s’ajoutent aux hommes arrivés plus tôt.

 

Sur le lot 5, tous s’y retrouvent et en 1929, Origène s’installe près du ruisseau et bâtit même une grange qui existe encore.

 

Arthur, de son côté, épouse Marie Rose Camiré à l’été de 1930. Ensemble, ils construisent une ferme qui est située à la croisée des chemins Roy et Blais. En 1932, une fois la ferme terminée, l’aventure agricole de la famille Blais s’amorce !

 

Les premiers arrivants de la famille Blais devaient « monter au bois » pour travailler pendant l’hiver, puisqu’à Hearst les agriculteurs avaient besoin d’une autre source de revenus. Les femmes et les garçons trop jeunes pour aller bucher restaient à la maison et s’occupaient du roulement de la ferme.

 

Parmi les Blais, les premiers à faire de l’agriculture leur gagne-pain seront les enfants d’Arthur et d’Origène, grâce à une modernisation des techniques d’élevage et de la production agricole. En 1957, Armand, le fils d’Arthur, s’installe dans la maison de son père avec sa femme, Léonie Roy. Dans les premières années, ils auront cinq enfants : Yvon, Robert, Francine, Guy et Lucille.

 

Armand devient le propriétaire de la ferme qu’il achète de son père en 1965, et trois enfants s’ajoutent à la famille : Marielle, Pierre et Louis. En 1992, Louis et Robert reprennent le flambeau de la ferme, mais ils laissent leurs parents habiter dans la maison de la ferme familiale. Mainenant, Armand y habite toujours.

 

La famille Blais a connu des jours tristes au cours des dernières années : Louis, l’un des propriétaires de la ferme est décédé subitement, suivi de sa mère, Léonie, en 2022.

 

Plusieurs des maisons des filles et des fils de la famille Blais ont disparu avec le temps, mais il faut se rappeler que ce sont quatre générations de Blais qui y vivent depuis 1923. Et c’est pour cela que la concession 8 porte fièrement leur nom.

 

Depuis les années 1930, l’entreprise agricole produisait du lait, et ce, jusqu’en 2016. La ferme Blais acheminait son lait à Cochrane uniquement, et avec le temps ce sont plus de 40 laiteries de la région, dont celle de Hearst, qui utilisaient le lait des Blais pour leur production.

 

En 2016, les vaches laitières ont fait la place à l’élevage de bovin.

 

La famille Blais est aussi très connue pour son amour de la musique. Danielle Blais Lauzon décrit les Blais comme étant des gens reconnus à Hearst et dans la région pour leurs talents musicaux. Cela ne date pas d’hier, comme en témoignent d’anciennes photographies où l’on peut voir Armand à la guitare, Arthur à l’accordéon ou à la musique à bouche et Philippe au violon. Ces gars-là ont légué à leurs héritiers le cœur aux chansons, le sens du rythme et des veillées endiablés. Selon Danielle, les Blais sont toujours prêts à chanter, danser et mettre une ambiance de fête sur des airs un peu country.

 

La promenade Fontaine souligne les entrepreneurs

 

L’emplacement de la promenade Fontaine n’est pas anodin : elle longe le chemin de fer près de la route 11, dans un secteur plus industriel de la ville. L’une des premières choses que les passants remarquent en arrivant à Hearst est sans équivoque l’impressionnante montagne de billots de bois coupés en longueur. La grue jaune de 100 pieds de hauteur fascine les gens qui l’aperçoivent pour la première fois et surtout lorsqu’elle est en fonction, car mobile, elle transporte la matière première de la pile jusqu’à la scierie.

 

La promenade Fontaine, tout comme le chemin de la Passe-à-Fontaine, a été nommée en l’honneur de Noé Fontaine. La promenade est située au nord du chemin de fer, fait près de trois kilomètres et traverse les installations du moulin à scie, le dernier moulin ayant appartenu à la lignée d’entrepreneurs forestiers de la famille Fontaine.

 

Originaire de Weedon dans les Cantons de l’Est, une ville québécoise près des lignes américaines, Noé se lance dans la transformation du bois là-bas. Par la suite, il déplace ses opérations vers Sully dans la Kamouraska. Après trois incendies successifs des moulins qu’il a construits, il se décide à joindre le mouvement migratoire de l’époque et déménage avec sa famille à Kapuskasing. Noé Fontaine s’installe dans le Nord de l’Ontario avec sa femme, Phébée, et leurs enfants au début des années 1920. Contrairement à d’autres, ce n’est pas la promesse de terres agricoles par le clergé qui l’intéresse, mais bien l’industrie forestière.

 

Les quatre premières années après son arrivée, la famille avait installé un moulin au nord de Kapuskasing et continue ses activités dans la forêt. En 1926, la famille déménage à Harty, un petit village à l’ouest de la ville modèle et y restera pendant dix ans.

 

Son fils Zacharie se marie avec Laura Legault en 1933 et ils auront René dans une maison de ce village la même année. Trois ans plus tard, Zacharie et Laura déménagent à Mattice ; ils accueillent trois autres enfants, soit Marielle, Lauryanne et Jeannine. Ce n’est qu’en juin 1939 qu’ils s’installent à Hearst, qui sera leur dernière destination. En 1943, Laura et Zacharie ont leur cinquième et dernier enfant, Fleurette.

 

En 1936, Noé Fontaine est le premier scieur de la région de Hearst à obtenir un permis et des droits de coupe sur les terres de la Couronne, ce qui l’amène à installer ses moulins autour de la ville, à Ryland, Lac Ste-Thérèse et au bout de la Passe-à-Fontaine.

 

L’entreprise forestière possède plusieurs sites où les travailleurs et leurs familles y vivent tout l’hiver, un magasin général, une cuisine et une étable pour les chevaux sont construits dans les endroits isolés. Les hommes restent « au bois » pendant de longue période, et ils amènent parfois femme et enfants dans les camps pour vivre avec eux.

 

En 1941, les scieurs installent un moulin au Lac Ste-Thérèse qui fonctionne seulement en été. Un magasin, les bureaux, la cuisine et deux dortoirs sont situés en face de l’église. Les opérations cessent en 1955. Le planeur de Mattice est déménagé à Hearst en 1942, juste à côté de l’emplacement actuel du moulin.

 

Zacharie prend les rênes de l’entreprise après le décès de son père en 1946, René n’est jamais loin pour lui donner un coup de main. En 1958, René achète le moulin de la Passe-à-Fontaine et le déménage au nord de Calstock.

 

En 1964, René entame la construction de la scierie à Hearst. L’année suivante elle est en fonction et l’est toujours, 58 ans plus tard, sous la bannière Green First. L’année suivante, Zacharie décède et c’est Émile Joanis qui s’associe avec René jusqu’à sa mort accidentelle en 1968. Lauryanne, la sœur de René, se joint à lui. L’année suivante, Rolland Cloutier et Charles Lecours s’ajoutent. Ensemble, ils forment la United Sawmill, et ce, jusqu’à la vente du moulin en 1990. Il y a toujours des descendants de Noé Fontaine qui travaillent de près ou de loin dans l’industrie forestière ; ils sont bucherons, employés du moulin, propriétaires d’un magasin de matériaux de construction, camionneurs dans le bois, etc.

 

Selon Marie LeBel, historienne, l’inauguration d’une usine moderne au cœur même de la ville marque, au milieu des années 60, un changement notable : la forêt vient à nous désormais. « Les moyens de la coupe, du transport et de la transformation prennent un tour accéléré, mécanique et industriel. »

 

Plusieurs autres pionniers de l’industrie forestière se sont vus attribuer des parcs, des rues, des concessions comme les Selin, Levesque, Lecours, Doucet, Alary, Payeur, Lacroix, Gosselin, Hamann, Villeneuve, etc.

 

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Crédits photos : Centre d’archives de la Grande Zone argileuse, à Hearst

 

Légende

 

Photos famille Blais : Photo prise en 1923 sur le lot 5, dans la concession 8 (le chemin Blais) de gauche à droite : Édouard, Arthur, Joseph et Philippe Blais.

 

Photos de Famille Fontaine : Noé et Phébée.

 

Photos d’employés : Sur le camion à droite, assis sur le derrière du camion, Zacharie Fontaine et le bébé est René.

 

 

  • Nombre de fichiers 4
  • Date de création 23 novembre, 2023
  • Dernière mise à jour 23 novembre, 2023
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