Se faire soigner en dehors du Yukon : un casse-tête pour une partie de la patientèle

Pour recevoir certains traitements médicaux, des personnes doivent se déplacer en dehors du Yukon. Bien qu’il existe divers soutiens financiers du gouvernement, plusieurs rapportent que ces subventions ne sont pas suffisantes. En plus de l’aspect financier, ils ou elles doivent adopter toute une logistique pour assurer leurs déplacements.

_______________________

Gwendoline Le Bomin

IJL – Réseau.Presse – L’Aurore boréale

 

Josée Fortin est atteinte de la maladie de Crohn, une maladie inflammatoire chronique de l’intestin. Elle se déplace chaque année à Vancouver pour consulter son spécialiste et avoir un suivi.

« Ça fait 15 ans que je suis au Yukon et au début, ça a été très compliqué d’avoir un spécialiste. Même encore parfois c’est juste compliqué de faire des coloscopies à Whitehorse. C’est une opération pourtant banale, on me l’a déjà faite ici, mais les résultats ne se sont pas rendus au gastroentérologue qui consulte à Vancouver. Donc maintenant, je voyage toujours à Vancouver », explique-t-elle.

Josée Fortin n’est pas la seule à devoir se déplacer pour recevoir des soins, puisque « pour l’exercice financier 2022-2023, 3 184 cas de voyages pour raison médicale se sont déroulés à l’extérieur du territoire », rapporte Ken Hegan, analyste des communications au ministère des Affaires sociales.

Des aides financières insuffisantes

Pour plusieurs, les subventions ne reflètent pas la réalité des coûts de déplacement.

C’est le cas d’Audrey Pflug, mère de jeunes enfants : « Je me suis déplacée trois fois cette année pour rencontrer un pédiatre. Ma chambre m’a coûté 375 $ par nuit sans compter les repas sur place. J’ai également dépensé 35 $ pour le bus et le train. En fait l’argent est vite passé. »

Une autre mère de famille, qui a souhaité garder l’anonymat, reconnaît que « les hôtels à Vancouver sont très chers, ça nous a coûté 400 $ par nuit. Les subventions ne couvrent pas du tout les frais. Tout est cher là-bas. Je reconnais que le gouvernement nous aide, mais tu dois contacter une assistante sociale. Des hôtels nous donnent des rabais, mais c’est limité. Je n’ai pas pu en bénéficier, car tout est déjà booké. »

De plus, les patient·e·s ou leur famille doivent avancer l’argent et attendre plusieurs semaines pour obtenir un remboursement de la part du gouvernement.

Selon Ken Hogan, « l’objectif de la subvention est d’aider les patients à payer leurs frais d’hébergement, de repas, de taxi et toutes autres dépenses de voyage encourues lors d’un déplacement pour raison médicale ».

Le 1er avril 2023, la subvention journalière pour les déplacements à des fins médicales de plusieurs jours à l’extérieur du territoire a été augmentée à 166 $ par jour (par le passé elle était de 75 $, puis 155 $). Dans certains cas, une personne accompagnante peut également avoir droit à une indemnité de déplacement d’un montant de 84 $ par jour. Les patient·e·s et les personnes accompagnantes autorisées n’ont toutefois pas à débourser les frais pour payer leur billet d’avion.

Le taux de la subvention pour les déplacements à des fins médicales de plusieurs jours à l’extérieur du territoire est révisé et ajusté le 1er avril de chaque année civile pour s’aligner sur l’indice des prix à la consommation (IPC), précise Ken Hegan.

Josée Fortin ajoute que le crédit d’impôt pour personnes handicapées existe depuis plusieurs années pour les personnes reconnues handicapées comme elle, mais ne les empêchant pas de travailler. Celles-ci peuvent bénéficier d’un crédit pouvant atteindre 8 000 $.

Logistique et autres coûts

En plus de devoir assumer des coûts plus ou moins conséquents, les personnes qui se font soigner en dehors du Yukon doivent s’organiser pour se déplacer.

Josée Fortin a demandé à être accompagnée, mais sa maladie n’est pas considérée comme « assez importante ». Elle admet : « Il faut que tu prennes l’avion, que tu te rendes à tes rendez-vous, c’est de la gestion de temps aussi. Pour ceux qui ont un cancer, c’est tout un management. »

« C’est un grand inconvénient de vivre dans le Nord, il faut avoir une santé stable », estime-t-elle.

De plus, pour se déplacer pour des soins, faut-il encore avoir la possibilité de le faire. Pour les personnes qui travaillent, ce n’est pas toujours évident. « Ça dépend de l’employeur, j’ai de la chance parce que je travaille pour le gouvernement, affirme Audrey Pflug, mais il faut quand même que je prenne des congés pour ça, car je voyage. C’est donc comme un autre coût, car je dois utiliser des congés pour ça. Si tu ajoutes tous les autres frais, c’est difficile. »

Elle poursuit : « C’est toujours un peu compliqué de choisir les tranches horaires pour voyager avec de jeunes enfants parce que soit tu pars tôt le matin, soit en pleine journée à 13 h, ou à 20 h. C’est super contraignant. Ça t’impose beaucoup d’organisation et à toi d’essayer de planifier tout ça. »

Pour s’en sortir, Josée Fortin rapporte que certaines personnes font des collectes de fonds : « Les gens sont très généreux. Ils savent qu’on n’a pas le choix de se rendre hors du Yukon pour se faire soigner. »

« Il est important de bien se renseigner et de parler aux bonnes personnes, explique la maman anonyme. Par exemple, toutes les personnes à qui j’ai parlé au Yukon Medical Transport sont extrêmement compétentes, sympathiques et ont répondu même au-delà de mes attentes. Il faut prendre le téléphone et leur parler. »

-30-

 

Photos

Titre : Avion

Légende : En plus d’assumer des coûts financiers parfois conséquents, les personnes qui doivent se faire soigner en dehors du territoire doivent gérer toute une logistique.

Crédit : Maryne Dumaine

Titre : Audrey-Pflug

Légende : Audrey Pflug et son fils Léo ont dû se déplacer plusieurs fois à Vancouver pour recevoir des soins de santé. Elle a reçu la subvention journalière du gouvernement seulement trois semaines après son dernier voyage.

Photo : Fournie

  • Nombre de fichiers 3
  • Date de création 13 octobre, 2023
  • Dernière mise à jour 12 octobre, 2023
error: Contenu protégé, veuillez télécharger l\'article