Saint-Isidore: un village sans épicerie

Le départ du Valu-Mart en décembre 2021 a fait mal à la petite communauté de Saint-Isidore et ses environs. Sans épicerie dans leur village, les résidents doivent se rendre à Casselman, à une quinzaine de minutes de voiture, pour faire leurs courses. 

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Charles Fontaine

IJL – Réseau.Presse – Le Droit

Après une trentaine d’années en affaires, Lyne et Jacques Roy, ancien propriétaire du Valu-Mart, ont décidé de prendre leur retraite en décembre dernier. Six mois plus tard, personne ne s’est manifesté pour reprendre les rênes du marché d’alimentation.

Ce qui crée un grand deuil et une difficulté d’adaptation pour cette petite communauté.

«C’est un très gros problème de ne pas avoir d’épicerie. Pour les gens qui n’ont pas de voiture, c’est très malheureux. On essaie d’aider notre communauté, mais des fois c’est très dur. J’envisage de vendre, justement parce qu’on n’a pas d’épicerie. J’allais au Valu-Mart tous les soirs après le travail. C’est très triste», témoigne Linda Séguin qui vit à Saint-Isidore depuis 2002.

Pour Mireille Leroux, cet endroit était aussi un lieu de rassemblement.

«Ce n’est pas juste l’épicerie, c’est l’esprit de village, de rencontrer les aînées et de leur jaser deux, trois minutes, en plus très certainement de faire l’épicerie. Nos menus à la maison ont changé en lien direct avec la fermeture de l’épicerie.»

Malgré tout, la population peut compter sur Full Bullies, un marché de fruits et de légumes. Mais cela, il faut quand même ajouter la hausse du coût de la vie.

«Avec le prix de l’essence, c’est très difficile. J’habite à l’extérieur de Saint-Isidore, près de Dunvegan. J’avais l’habitude de m’arrêter au Valu-Mart en rentrant du travail ou avant le travail. Maintenant, je dois soit aller en voiture à Alexandria, à Casselman ou à Hawkesbury. J’utilise parfois Full Bellies pour certains produits», mentionne Jessica Thauvette, résidente de la région depuis six ans.

Pouvoir de la municipalité

Le maire de La Nation, François St-Amour, affirme que la municipalité n’a pas de pouvoir direct pour installer une nouvelle épicerie. Par contre, le département du développement économique et touristique est à la recherche de relève.

La propriété n’a toujours pas trouvé preneur, malgré plusieurs offres qui ont toutes été proposées avant Noël. «La rigueur du dossier a été réduite vu que le magasin a fermé il y a six mois, mais l’idée n’est pas morte pour autant», souligne le gestionnaire du développement économique et touristique à la municipalité de la Nation, Benjamin Bertier.

Mais avant même de trouver un acheteur pour la propriété, l’enjeu reste la main-d’œuvre. «Le plus gros défi est de trouver un gérant qui est capable de s’occuper d’une équipe de 20 à 40 personnes», affirme M. Bertier.

Aucune offre sérieuse

Le promoteur immobilier chargé de vendre l’ancienne épicerie, Sylvain Lalonde, rapporte qu’il reçoit des appels chaque semaine par des acheteurs potentiels, mais qu’il n’y a aucun développement. Après avoir reçu sept offres écrites l’an dernier, personne d’autre ne s’est manifesté pour acheter la propriété affichée depuis septembre 2021. Certains étaient prêts à louer, mais le propriétaire actuel tient absolument à vendre la bâtisse.

«C’est un bon commerce, parce que c’était toujours très occupé, ça fonctionnait très bien», dit M. Lalonde qui tente de vendre le terrain et la propriété de 10 264 pieds carrés à 949 000$.

Des fruits et légumes pour tous

Pour pallier certains besoins alimentaires, les résidents du village peuvent se rendre chez Full Bellies, qui vend des fruits, des légumes, du fromage, du pain, des pâtes et quelques aliments secs. La fondatrice, Amy Willis, se rend au CanadaWide à Montréal deux fois par semaine pour acheter des fruits et légumes au prix du gros. Les gens qui visitent son local à Saint-Isidore peuvent remplir un panier à prix fixe avec les produits qu’ils désirent. Et la fondatrice s’assure que tout le monde puisse bien s’alimenter.

«Nous gardons le prix le plus bas possible pour les familles. Nous faisons des levées de fonds et des événements spéciaux pour être capables de couvrir tous nos coûts. Nous permettons aux personnes qui sont dans un budget serré de payer moins. Ceux qui peuvent payer plus vont payer le prix régulier.»

La mère à la maison rapporte qu’elle ne génère pas de profit avec cette petite entreprise, même si elle est très populaire auprès de la population. Elle a d’ailleurs choisi d’installer un de ses quatre marchés à Saint-Isidore après l’annonce de la fermeture de l’épicerie.

«Quand les gens ont réalisé qu’il n’y aurait plus d’épicerie, c’était la panique. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons décidé d’y installer notre magasin [en février 2022]. C’était désastreux de voir les personnes âgées qui ne seront plus capables de marcher à l’épicerie ou les parents seuls incapables de fournir un repas pour leurs enfants.»

Mais ce petit marché ne fournit pas assez pour garnir le garde-manger d’une famille.

«Ce que j’entends souvent c’est que nous sommes une option dans le village. C’est très difficile de ne pas avoir une épicerie. Je ne fournis pas tout ce qu’il y aurait dans une épicerie. Je n’ai pas de lait, je n’ai pas tous les aliments en canne. J’ai assez pour être capable de faire un repas», témoigne la fondatrice.

Si l’on prend exemple sur Amy Willis, la solution doit peut-être venir des citoyens eux-mêmes.

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Photos

Karine, Amy Willis et Mélissa du marché de fruits et légumes Full Bellies. (Patrick Woodbury, Le Droit)

Pour pallier certains besoins alimentaires, les résidents du village peuvent se rendre chez Full Bellies, qui vend des fruits, des légumes, du fromage, du pain, des pâtes et quelques aliments secs. (Patrick Woodbury, Le Droit)

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  • Date de création 6 juin, 2022
  • Dernière mise à jour 6 juin, 2022
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