Sa nouvelle patinoire, Field en rêve et y travaille depuis 50 ans

Isabel Mosseler

IJL – Réseau.Presse - Tribune : la Voix du Nipissing Ouest

À chaque étape de la construction du nouveau toit au-dessus de la patinoire de Field, Michel LaBelle affichait fièrement des photos, nourrissant la fierté et l’excitation des résidents impatients de pouvoir enfin glisser sur la surface éclairée à l’abri des intempéries. Le grand moment est arrivé enfin la semaine dernière; la structure de 1,2 million de dollars était prête à accueillir ses premiers patineurs sous le regard rayonnant de satisfaction de Michel LaBelle.

Le pompier volontaire organise le tournoi de hockey du carnaval de Field depuis six ans, et cette année, la nouvelle patinoire sera certainement la plus grande attraction au seul carnaval d'hiver qui subsiste au Nipissing Ouest.

Bien avant lui, Michel se souvient que son oncle Florian «Flo» Jarbeau avait entretenu l'ancienne patinoire pendant des années. «J’y allais tout le temps quand j’étais enfant, souvent seul, quand mon oncle s'occupait de la glace (...) Il en était si fier. Il est décédé maintenant, mais il aurait été très fier de voir ça aujourd’hui.»

Michel LaBelle, âgé de 30 ans, tient cet attachement à la patinoire de Field de son père, Denis LaBelle, chef des pompiers de Field, qui caresse le rêve d’une patinoire couverte depuis des décennies. «Mon père parle de ce toit depuis que je suis enfant,» souligne-t-il. En effet, le projet perdure depuis près de 50 ans, initié dans les années 1970 lorsque les gens de Field avaient l’ambition de construire une arène. La vision a évolué au cours des années, mais ce qui est certain, c’est qu’elle ne s’est pas réalisée du jour au lendemain; il a fallu trois générations de bénévoles dévoués pour y donner vie.

En 2016, le groupe Field Recreation and Economic Development (FRED) a créé un nouveau comité, appelé Raise the Roof [Soulevons le toit), présidé par Julie Ann Bertram et composé de nombreux bénévoles, dont Michel LaBelle. Ce groupe a pris le relais des efforts précédents, organisant des levées de fonds pour recueillir 700 000$, coût projeté du toit à l’époque. Bientôt, ces bénévoles et les précédents pourront fêter leur succès. Une inauguration est prévue le 26 janvier, en présence de dignitaires, des principaux bailleurs de fonds, de certains des anciens qui avaient lancé le projet initial, aujourd'hui octogénaires, et bien sûr des membres de la communauté. Des feux d'artifice sont prévus.

Denis LaBelle y sera sans faute, et n’hésitera pas à rappeler que le mérite revient à la collectivité entière et que ce sont tous les habitants de Nipissing Ouest – pas seulement de Field – qui en profiteront. «Dans les années 1970, un groupe de personnes souhaitait créer un aréna. Elles ont beaucoup travaillé : elles ont coupé du bois, l'ont scié et l'ont vendu. La collecte de fonds s'est poursuivie, mais ce n’était pas suffisant. Le projet n'a pas abouti,» raconte Denis. «Lorsque j'ai déménagé à Field dans les années 1980, j'ai rejoint ce groupe (...) À l’époque, la patinoire avait désespérément besoin d’être réparée (...) Nous l'avons donc déplacée [à l'endroit où elle se trouve aujourd'hui].» Le plan initial prévoyait la construction d'une arène complète, mais «nous avons manqué d'argent. Nous avions assez d'argent pour construire un nouveau bâtiment [cantine et vestiaires] et préparer le terrain pour un toit. Le terrain avait donc été préparé (...) Nous avons économisé de l'argent grâce à cela. Les fondations étaient là (…) depuis des années déjà.»

Denis LaBelle raconte que Field a été durement touché par un certain nombre de catastrophes et de revers au fil des ans : une inondation, une tornade, la fermeture de la scierie, la fermeture de l'école, une population vieillissante, une économie basée sur le tourisme avec peu d'intérêt pour la vie hivernale. Par conséquent, le groupe chargé de la collecte de fonds s'est quelque peu découragé. Certaines personnes ont quitté la région, d'autres sont décédées. Denis, lui, n'a jamais cessé d’y croire. «Le [groupe] s'est démantelé, il était fatigué. Mais je continuais à en rêver; pour une raison ou une autre, je m'accrochais.»

Le projet a abouti grâce à un nouveau groupe, mais Denis LaBelle n'oublie pas les personnes à l'origine de l’initiative. «J'aimerais les mentionner parce que ce sont eux qui ont lancé le projet (…). Ils sont vieux maintenant, ces gars, et il y en a encore quelques-uns ici qui ont plus de 80 ans, et ils m'en parlent encore. Lorsque nous avons formé le nouveau groupe dans les années 1980 (...), Pierre Langevin était le préfet de Field, et il en faisait partie.» Ce groupe était assis sur l'argent recueilli au fil des ans, puis l’a utilisé pour la nouvelle patinoire, le bâtiment adjacent et la fondation pour le toit.

Pourquoi ce toit était-il si important ? «J'emmenais toujours mes enfants à la patinoire, tout le temps, et j'étais frustré parce que soit il neigeait, soit il faisait -40 quand l’on voulait y aller. (...) Aujourd’hui, sans toit, il est difficile de maintenir une patinoire en plein air. Si vous voulez qu’elle soit utilisée, il faut un abri.» Les bénévoles ont revu leurs attentes, conscients qu’il serait impossible de construire une arène. «Nous avons commencé à voir des toits dans d'autres municipalités et nous nous sommes dit que ce serait une bonne idée (...) Et puis [le comité] FRED est arrivé.»

Le groupe de développement économique et récréatif était un bon véhicule pour relancer les efforts parce qu'il était incorporé et pouvait faire des demandes de financement. Certains de ses membres, comme Mario Rousseau et Ken Paquette, siégeaient au conseil d'administration de la Caisse populaire, et celle-ci disposait de fonds pour soutenir une initiative communautaire. «La Caisse donnait beaucoup d'argent et elle a décidé de choisir Field cette année-là comme bénéficiaire.» Motivé par ce don de 100 000$, Denis LaBelle se souvient d’avoir pensé : «C'est le moment de bâtir notre toit! Nous en avons parlé au comité FRED et ils ont tous été emballés immédiatement. Nous avons décidé de créer un comité de travail appelé le comité ‘Raise the Roof’ (Soulevons le toit).»

Julie Ann Bertram a été choisie pour présider le nouveau comité. Elle déclare : «Lors d'une réunion de FRED en 2017, nous avons décidé à l'unanimité qu'un groupe de travail ciblé serait nécessaire pour collecter les fonds requis pour soulever ce toit. Cinq ans plus tard, des subventions, des dons et des collectes de fonds nous ont permis d'atteindre cet objectif. Une partie de notre mission initiale consistait à créer un plan [pour les usages multiples de l’installation.] Le toit n'est pas seulement pour protéger la glace en hiver, c'est maintenant un espace toutes saisons qui peut être utilisé à diverses fins, comme un marché agricole, une scène musicale ou un terrain sportif.»

Denis LaBelle ajoute que, même pour FRED, le chemin a été semé d'embûches. Alors qu'ils commençaient à gagner du terrain, la pandémie a frappé. «COVID est arrivé et a tout bloqué. Et les prix ont grimpé en flèche! Avant COVID, nous envisagions 800 000$ en coûts,» raconte-t-il. Après des années de levées de fonds et de dons (dont 25 000$ de plus de la Caisse), puis l’octroi de fonds provinciaux, ils avaient réuni les 800 000$, mais le but continuait de leur échapper : il leur fallait maintenant 1,2 million de dollars. La municipalité a comblé le manque à gagner pour terminer le projet. Denis LaBelle explique que la ville devait dépenser pour remplacer les vieilles bandes de la patinoire de toute façon, alors «autant faire un investissement plus durable dans une installation qui devient multifonctionnelle.»

La patinoire couverte accueillera bien plus que des tournois de hockey. Pensez aux concerts, au marché agricole, aux mariages, aux événements communautaires, au basket-ball d'été; les idées fusent, des idées qui redynamisent la communauté. Denis LaBelle parle de l'état d'esprit qui règne à Field, de l'enthousiasme suscité par cette entreprise. «J'ai déjà des gens qui me disent «Je vais m'inscrire. Je veux faire ceci ou cela et me joindre à tel ou tel groupe.» L'excitation commence à se faire sentir. Oui, beaucoup de gens sont enthousiastes.» Les gens parlent même d’autres projets pour la patinoire : installer des gradins, construire un hangar pour la Zamboni, d'autres collectes de fonds. Et bien sûr, plus de hockey.

«Le hockey est très populaire aujourd'hui. Cette année, nous avons une ligue féminine (...) quatre équipes de femmes, pour la première fois. Et j'ai entendu dire que les Lynx voulaient aussi venir faire un match d'ouverture l'année prochaine (...) Nous voulons installer une horloge (...) et il y a de la place pour construire des gradins (...) Il faut que ça continue d'avancer,» lance Denis. «Nous sommes un petit groupe mais nous sommes très dévoués ; il y a des gens qui sont là depuis longtemps, comme les pompiers, le comité FRED, des gens comme Linda Leduc [organisatrice du carnaval] qui travaillent depuis aussi longtemps que moi.»

Denis précise aussi que la bonne planification dès le départ a contribué à ce succès. «Je suis heureux que nous ayons préparé le terrain, car lorsque nous avons eu la réunion avec l'ingénieur, ils ont mentionné le sol et je leur ai dit qu'il n'était pas nécessaire de toucher au sol, qu’il était déjà prêt pour un toit car nous l'avions fait dans les années 80.» S'il n'y avait pas eu cette prévoyance, la nouvelle structure aurait pu coûter 500 000$ de plus, estime-t-il.

Les habitants de Field attendent avec impatience le vendredi 26 janvier; la fête débutera à 19 heures. Denis LaBelle a hâte. «Pour moi, c'est incroyable. L'autre jour, j'étais au milieu de la patinoire, seul. J'ai pleuré. J'ai eu une larme. [L'ouverture] va être très émouvante. Oui, ça va être dur pour moi.  (...) Je n'arrive pas à croire que c'est arrivé de mon vivant. J’ai cru parfois que ça n’arriverait jamais. (...) Il faut dire un grand, grand merci à la Caisse, elle a été l'étincelle parce qu'un don de cette ampleur a permis d'y croire à nouveau et d’y arriver.»

Il refuse d’en accepter une bonne part du mérite. «C'est une grande réussite pour une petite communauté comme celle-là, et ce n'est pas l'affaire d'un seul homme. (...) Les habitants de Field sont très résilients. (...) Nous avons perdu notre école, notre moulin (...) Ces gens n'ont jamais lâché, et ceci est la meilleure chose qui nous soit arrivée, de sentir qu’une bonne chose nous arrive enfin (...), c'est toujours catastrophe après catastrophe, perte de l'école, perte du moulin, perte de ceci, perte de cela. Maintenant, nous avons un bâtiment tout neuf! (...) Et je vois beaucoup de nouvelles personnes. J'ai quelques nouveaux pompiers, plus jeunes que la trentaine, et les nouveaux sont très gentils et ils sautent dans le train en marche. Ils sont enthousiastes et je pense que tout cela crée une communauté. (...) C'est un tel accomplissement pour tout le monde, un grand effort de groupe.»

-30-

 

 

Photo : Le 13 janvier, des patineurs profitaient de la patinoire nouvellement couverte à Field, avant son ouverture officielle prévue le 26 janvier.  Photo soumise par Michel LaBelle.

  • Nombre de fichiers 2
  • Date de création 19 janvier, 2024
  • Dernière mise à jour 19 janvier, 2024
error: Contenu protégé, veuillez télécharger l\'article