Rhéal Robineau, une jeune vie perdue à la guerre

Des ressources en ligne aident à reconstituer l'histoire des soldats

Isabel Mosseler

IJL – Réseau.Presse

Tribune : la Voix du Nipissing Ouest

Avez-vous un ancêtre ou un parent qui a perdu la vie dans l'un des conflits ou l'une des missions de maintien de la paix dans lesquels le Canada s'est engagé? Anciens Combattants Canada dispose d'un ensemble remarquable de ressources en ligne qui permettent d'effectuer des recherches dans les dossiers militaires. La Tribune a fait des recherches dans les dossiers de Nipissing Ouest et a trouvé 21 dossiers de la Seconde Guerre mondiale pour la seule ville de Sturgeon Falls. Cet article est centré sur les informations trouvées dans le dossier de Rhéal Robineau. Bien que certains des dossiers numérisés soient difficiles à lire, il est possible de glaner de nombreuses informations.

Joseph Gilbert Euclide Rhéal Robineau a été porté disparu au combat et présumé mort lors de son premier déploiement, suite à un bombardement au-dessus d'Augsbourg, en Allemagne, le 26 février 1944. Il n'avait que 23 ans. Né à Sturgeon Falls, ses parents étaient Leonel Robineau et Leda Mallette. Rhéal est né le 31 août 1922 à la Paroisse Sacré-Coeur. Les détails de son dossier révèlent que Rhéal a terminé sa 9e année en 1940 à Sturgeon Falls. Dans la vie civile, il a travaillé comme cuisinier chez McNamara Construction à Timmins, de 1940 à 1942, et comme «chargeur de wagons» à la mine de nickel de Levack de 1942 à 1943. Il a quitté son emploi au début de 1943 et s’est inscrit à l'Aviation royale du Canada (ARC) le 3 mars. Son formulaire de demande indique qu'il voulait faire partie d'un équipage aérien. Ses passe-temps étaient le hockey, la balle molle et la natation. Rhéal jouait du violon, de la guitare et du piano. Il avait huit frères et sœurs, dont deux sont décédés jeunes (Henri et William). Les autres étaient Adrien (qui s'est également engagé dans l'ARC à Goose Bay, au Labrador), Léopold, Léona, Gilberte, Alice et Clairette.

Après son inscription, Rhéal Robineau est allé s'entraîner à Brandon, au Manitoba, pendant trois mois. En juin, il s’est rendu à Mont-Joli au Québec, puis à Halifax en octobre. Il partait pour l'Angleterre le 30 octobre1943. Ayant reçu son insigne d'artilleur aérien, il a été affecté au 432e Escadron. Il s’est entrainé dans un avion Wellington, avec des canons à air Browning. Rhéal effectuait sa première mission les 25 et 26 février lorsque son avion a été abattu en plein vol. Les rapports initiaux laissaient entendre qu'il avait peut-être survécu à l'écrasement et qu'il serait mort plus tard dans un hôpital allemand, mais cela a été clarifié à la suite d'une enquête plus approfondie de l'ARC. Lorsque l’avion s’est écrasé, deux hommes ont été tués, cinq ont survécu et sont devenus prisonniers de guerre.

Après avoir trouvé ces informations dans les dossiers d’Anciens combattants Canada (ACC), la Tribune a contacté Yvan Robineau, de Sturgeon Falls, pour lui demander l'autorisation de poursuivre l'article. M. Robineau est un cousin du défunt, et il disposait de nombreux autres détails, compilés par un autre cousin, Roger Robineau de Toronto. Roger Robineau est le neveu de Rhéal, le fils d'Adrien et l'archiviste de la famille. Il est également vice-président de la Société généalogique de l'Ontario.

Dans les dossiers de l'ACC, on trouve une lettre officielle de condoléances écrite à une certaine R. Léger de Cornwall, Ontario, qui était manifestement la petite amie de Rhéal. Yvan Robineau a fourni à la Tribune une lettre écrite par Rhéal Robineau à son frère Adrien, 25 jours avant son décès. Dans cette lettre, il demande à son frère d'encourager Rita pour qu'elle ne s'inquiète pas, et mentionne qu'il lui avait envoyé des fleurs pour Noël. Il parle aussi de son équipage, «des bons gars.»

Le Sgt Robineau et le Sgt Thompson, un Anglais, sont les deux soldats qui ont été tués au cours de la mission. Les survivants étaient le pilote, le lieutenant Lubold, un Américain, et les lieutenants Richards et Torton, deux Canadiens, puis les sergents Cannon et Bean, deux Anglais. Après la guerre, des enquêtes ont été menées pour trouver les survivants. Des enquêteurs de l’ARC ont été envoyés pour découvrir s'il y avait des pistes à suivre. Un seul incident avait été enregistré à Frankenhofen, le site du crash, dans les dossiers de la ville.

Un certain Herrn Eierstueck rapporte : «Vers 02h00 dans la nuit du 25/26.2.1944, je me trouvais devant ma maison et je regardais l'attaque aérienne contre Augsbourg, quand soudain j'ai remarqué un avion en flammes qui s'approchait et qui volait dans la direction de la cible. Après avoir survolé notre village, il a commencé à descendre vite en tourbillonnant... il a fait trois fois le tour de Frankenhofen avant de plonger dans les bois... Des équipes de recherche sont immédiatement parties à la recherche d'éventuels aviateurs qui auraient pu être parachutés dans notre paroisse et se sont également rendues sur les lieux du crash... C'est là, au milieu des débris largement dispersés, que deux avions gravement endommagés et carbonisés ont été retrouvés (…). Dans l'heure qui a suivi le crash, trois aviateurs ont été amenés chez moi, tous trois ayant été capturés dans les environs immédiats du village... Ces hommes ont passé la nuit chez moi... le lendemain matin, ils étaient emmenés au Rathaus (hôtel de ville) où deux de leurs camarades les ont rejoint.» Plus tard, les cinq prisonniers étaient transférés à l'aérodrome d'Ersingen, puis au Stalag Luft III, où ils sont restés jusqu’à la fin de la guerre. (Le Stalag Luft III est la même prison de guerre d'où s'est produite l’évasion spectaculaire immortalisée dans le film La grande évasion). L’avion écrasé était un Halifax L597. Les deux mitrailleurs, qui opéraient depuis une tourelle, ont été tués, et il a également été rapporté qu'ils avaient probablement été tués avant le crash.

Roger Robineau a découvert l'existence d'un livre écrit en 2013 sur cet événement, par l'historien Otmar Gotterbarm, spécialiste de Frankenhofen, dont la couverture présente une photo de l'avion de Rhéal qui s'est écrasé. Dans son livre, Gotterbarm décrit le bombardement d'Augsbourg les 25 et 26 février 1944 et le crash de trois bombardiers canadiens lors de leur vol de retour au-dessus du Jura souabe. Écrit en allemand, il combine les rapports originaux des membres d'équipage et les souvenirs d'un ouvrier de la Défense, ainsi que les descriptions de la population rurale.

D’après l’auteur, les 25 et 26 février 1944, les Alliés ont effectué trois raids aériens sur Augsbourg. Les Américains ont d'abord attaqué la ville pendant la journée avec 196 Super forteresses, puis le commandement britannique a dirigé 594 bombardiers Lancaster et Halifax vers la ville pour deux attaques nocturnes dévastatrices. La description du livre indique que «lors de la nuit de terreur d'Augsbourg, près de 800 personnes sont mortes et 90 000 se sont retrouvées sans abri.» Trois bombardiers impliqués dans les attaques nocturnes ont été abattus par des chasseurs de nuit allemands au-dessus du Jura souabe lors de leur vol de retour vers l'Angleterre ; seuls sept des membres d'équipage ont survécu [cinq d'entre eux de l'avion de Rhéal]. Bien que les villages du Jura souabe ne soient que des zones de survol, les raids aériens ont changé la vie quotidienne de leurs habitants, et dans les villages où les bombardiers se sont écrasés, les gens parlent encore de leurs rencontres avec ces ennemis qui sont littéralement tombés du ciel.»

Otmar Gotterbarm a fait des recherches pendant une dizaine d'années pour retrouver les survivants de l'Angleterre et du Canada. Roger Robineau raconte que la photo de son oncle Rhéal figure dans ce livre. «Je ne savais pas qu'il y avait d'autres membres de l’équipage qui avaient survécu. En fait, deux des membres survivants ont vécu jusqu'en 2007 et 2010 respectivement. L'un d'eux, R.A. Richards, vivait à moins d'une demi-heure de chez-nous!» Il regrette de n'avoir jamais eu l'occasion de parler à M. Richards.

Le Jour du Souvenir est l'occasion de se rappeler que chaque personne qui a donné sa vie a une histoire.

Si vous souhaitez faire des recherches sur un ancien combattant, commencez par les Archives canadiennes, https://www.veterans.gc.ca/fra/remembrance/how-to-find-service-records

Légendes :

En mars 2013, un historien de Frankenhofen, où l'avion de Rhéal Robineau s'est écrasé, a écrit un livre sur le crash de 1944. Sur la couverture figure l'avion qui s'est écrasé, et la photo de Rhéal est à l’intérieur.

Joseph Gilbert Euclide Rhéal Robineau. Documents et photos d'Anciens Combattants Canada

Lettre écrite 25 jours avant que Rhéal Robineau ne soit tué alors qu'il effectuait un raid aérien au-dessus d'une ville allemande en 1944. La lettre est adressée à son frère Adrien et fait référence à sa petite amie Rita, qu'il était impatient de retrouver. Malheureusement, le jeune de 23 ans n'est jamais revenu de la guerre. La lettre a été fournie par la famille Robineau.

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  • Date de création 10 novembre, 2023
  • Dernière mise à jour 10 novembre, 2023
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