Résidents saisonniers non grata à l'Île-du-Prince-Édouard
La nouvelle est tombée le 20 mai et a pris tout le monde par surprise. Les résidents saisonniers de l’Île-du-Prince-Édouard seront autorisés à venir dans la province dès le 1er juin. La décision ne fait pas que des heureux.
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Laurent Rigaux
Initiative de journalisme local – APF – Atlantique
«Normalement, nous passons cinq mois à l’Î.-P-É. Nous étions censés venir dès le 23 mai et rester jusqu’à fin octobre», raconte Allison Nicolle, qui vit à Atlanta le reste de l’année. «Nous ne savons pas encore quand nous pourrons venir, c’est très frustrant.» Elle et son mari ont une maison à Cape Bear. Allison Nicolle estime avoir des «liens forts» avec l’Île. Le couple a de la famille sur place, ne reste pas inactif et affirme dépenser environ 50 000 dollars pendant l’été.
Le 20 mai, le premier ministre Dennis King a annoncé que les résidents saisonniers de l’Île pourront s’y rendre à compter de juin. Mais personne ne sera là dès le premier jour. Lundi prochain, ces habitants estivaux pourront seulement demander l’autorisation de venir. Itinéraire, date d’arrivée, preuve de résidence, accord pour s’isoler deux semaines, soutien sur place pour l’épicerie, ils devront montrer patte blanche avant de partir.
Autant de précautions qui poussent Linda Gallant à la prudence : «On va attendre avant de réserver les billets d’avion», explique la Fransaskoise, originaire de Mont-Carmel, où elle a un chalet. «Nous, on fait attention, on porte des masques, on peut rester au chalet pendant deux semaines sans problème, poursuit-elle. Ma cousine m’a dit que les gens de l’Île ne sont pas d’accord.»
C’est le moins qu’on puisse dire. La décision prise mercredi par les autorités fait réagir les Insulaires sur les réseaux sociaux, de manière parfois virulente. Une pétition en ligne a également été lancée, demandant à Dennis King et à la médecin hygiéniste en chef Heather Morrison de faire marche arrière. 3920 personnes l’avaient signée vendredi après-midi, sur un objectif de 5000.
Ces craintes sont relayées par des responsables des partis d’opposition. Les Verts, par exemple, déclarent sur Twitter que Dennis King met «les vacances pour les personnes ayant des chalets avant le bien-être général des Insulaires».
Réponse du gouvernement aux craintes
Toutes ces critiques, après neuf semaines de crise et des résultats sanitaires très enviables, ont fait réagir Dennis King vendredi dernier : «Je comprends que les gens soient inquiets, je le suis aussi, mais nous ne devons pas être paralysés.» Le premier ministre estime cependant que certains commentaires contre Heather Morrison ont «dépassé les limites». La médecin hygiéniste en chef était très ébranlée pendant le briefing. «Soyez patient, soyez gentil», a-t-elle imploré, de l’émotion dans la voix. Dennis King a également eu du mal à terminer son intervention, après une question sur la venue à son domicile, durant son absence, d’une personne visiblement en désaccord avec la venue des résidents saisonniers.
«Ils ont peur qu’on apporte le virus avec nous», comprend Marguerite Gallant, qui vit à Hamilton, en Ontario, le reste de l’année avec son mari Glorice. Le couple espère pouvoir venir à Cap-Egmont fin juin. «Ma fille a dit qu’elle ferait les formalités pour nous.»
Allison Nicolle s’inquiète aussi des commentaires «corrosifs et méchants» sur les réseaux sociaux envers les résidents saisonniers. «C’est horrible, ce n’est pas l’Île que l’on connaît. Les gens ne nous veulent pas», regrette-t-elle. Jointe chez elle à Atlanta, elle prévient : «Si nous ne pouvons pas venir cet été, nous demanderons le remboursement des taxes que nous payons pour notre maison.» Son mari et elle pourraient avoir des difficultés supplémentaires, compte tenu de la fermeture de la frontière canado-américaine jusqu’au 26 juin, au moins : «Je pense qu’on aura de toute façon du mal à obtenir l’autorisation de venir à l’Île avant le 26, même si qu’en tant que citoyens canadiens, on pourrait passer la frontière.»
Tous les résidents saisonniers contactés affirment qu’ils respecteront l’isolement de deux semaines en arrivant. «C’est pas un problème, lance Marguerite Gallant avec le sourire. Je suis contente de rester à la maison, je dois la peinturer, ça va me prendre un couple de semaines anyway.»
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- Date de création 22 mai, 2020
- Dernière mise à jour 23 mai, 2020