Réduire, réutiliser, recycler et… réformer

Le Yukon envisage de réformer sa gestion du recyclage et demande à la population de soumettre ses commentaires dans le cadre d’une consultation publique. L’adoption d’un système transférant davantage de responsabilités aux grandes entreprises est au cœur du projet.

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Laurie Trottier

IJL – Réseau.Presse – L’Aurore boréale

 

Le Yukon étudie la question d’adopter le modèle de la responsabilité élargie des producteurs (REP) pour assurer une meilleure gestion du recyclage au territoire. L’instauration d’un tel modèle est prévue d’ici 2025, selon la stratégie du Yukon sur les changements climatiques, l’énergie et l’économie verte, adoptée en 2018. Ce serait le premier territoire à aller de l’avant avec la REP. Toutes les provinces canadiennes ont déjà mis des systèmes similaires en place.

Qui produit, paie

La REP transfère les responsabilités en matière de recyclage aux grandes entreprises, explique Jennifer Dagg, du ministère de l’Environnement. « Le financement et la gestion du recyclage reviennent aux producteurs des produits, par opposition à un gouvernement municipal ou territorial », simplifie-t-elle.

Dans cette optique, le recyclage incomberait aux grandes entreprises œuvrant au Yukon, comme Save-on-Foods ou Walmart. Le coût – des fractions de centimes, selon le gouvernement – serait donc enfoui dans le prix de chaque produit ou aliment acheté, et les entreprises paieraient pour le traitement et la collecte des matières recyclables. La consultation publique vise à comprendre les intérêts de la population yukonnaise quant aux cibles, à la manière et à la quantité de produits qu’il serait possible de recycler.

Mettre fin à la volatilité

Selon le gouvernement territorial, le système actuel, qui dépend des organisations comme Raven Recycling Society ou PNM Recycling, est fragile et insoutenable. Véritable cheville ouvrière dans le domaine, l’organisation à but non lucratif Raven Recycling Society gère le dépôt et traite les matières recyclables au territoire depuis plus de 30 ans. Depuis de nombreuses années, l’organisation environnementale persévère en permettant à la population de recycler ses produits, mais a aussi dû fermer à plusieurs reprises.

En 2019, Raven Recycling a envoyé une lettre au gouvernement territorial, l’avisant que le mode de financement actuel ne lui permettait pas de poursuivre ses activités. Selon la directrice Heather Ashthorn, c’est le marché des matières premières qui pose problème : « le montant auquel on peut vendre [les matières recyclées au dépôt] ne couvre plus le coût de fonctionnement du programme. Aussi, le prix que nous obtenons pour ces produits change tout le temps ».

Pour Jennifer Dagg, la REP règle cet enjeu : « C'est un modèle d'utilisateur-payeur, par opposition à l'utilisation de l'argent des contribuables pour que tout le monde paie pour le recyclage. Plus vous utilisez de produits, plus vous payez pour le recyclage. Si vous utilisez moins de produits, vous payez moins. C'est plus équitable pour les citoyens et les consommateurs ».

À chacun son REP

Si la REP est devenue la norme dans la majorité des provinces, chaque modèle diffère d’une région à l’autre et établit des exigences différentes. Jennifer Dagg affirme que le Yukon étudie le modèle de la Colombie-Britannique, la première entité à s’être dotée d’une REP, pour jeter les bases du programme yukonnais. « Ils ont plus d'expérience sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. En plus, ils sont nos voisins les plus proches et nous pouvons travailler avec eux, en particulier parce qu’ils desservent leurs communautés du Nord, comme Lower Post et Atlin », explique-t-elle.

Heather Ashthorn émet des doutes quant à ce modèle, puisque les grandes entreprises ont davantage de contrôle sur la quantité de tonnes de matières qu’elles souhaitent recycler que dans d’autres localités canadiennes. Selon elle, une telle autonomie transforme la REP en une « politique de gestion de l’argent », plutôt qu’une politique environnementale. Les cibles, soit le nombre de tonnes de matériaux recyclés souhaité par année, deviennent de plus en plus faibles chez ce voisin du sud, selon la directrice. « Ça revient à déterminer quel pouvoir, quelle autorité et quelle autonomie les producteurs seront autorisés à avoir dans ce système », met-elle en garde.

Raven Recycling Society a déjà fait part de la plupart de ses préoccupations au gouvernement yukonnais, toutes environnementales : « Faites ceci parce que c'est bon pour l'environnement, fixez des objectifs élevés pour que nous recyclions plus, faites en sorte que les producteurs doivent recycler tous les produits, ou qu'ils doivent compenser les communautés s'ils ne le font pas, etc. », énumère Heather Ashthorn.

Les entreprises locales dans le néant

Si Raven Recycling Society et Blue Bin Recycling, une entreprise de collecte du recyclage en bordure de rue desservant les quartiers de Whitehorse, ont accueilli favorablement le développement d’un modèle de REP au Yukon, les deux organisations n’ont aucune idée du rôle qu’elles pourront jouer une fois le système mis en place. Une fois les entreprises responsables de la collecte et du traitement des matières, elles pourront faire affaire avec les compagnies qu’elles désirent.

« Ce que cela va changer, potentiellement, c'est que si la compagnie qui va gérer [la REP] décide qu'elle veut faire le ramassage en bordure de rue, nous pouvons potentiellement le faire pour elle, ou ne plus le faire du tout », souligne Daniel Lessard, directeur de Blue Bin Recycling. « Nous n’avons aucune certitude », mentionne quant à elle Heather Ashthorn.

La consultation publique se déroule en ligne jusqu’au 27 janvier, sur le site Web du gouvernement du Yukon. Les gens peuvent notamment donner leur opinion sur les produits ou sources de déchets spécifiques que la réglementation devrait viser; les attentes quant au niveau de service; les exemptions pour les petites entreprises; et la planification et l’approbation des programmes, indique le sondage. Une séance d’information publique se tiendra en personne le mercredi 14 décembre de 17 h 30 à 18 h 30, à la Bibliothèque publique de Whitehorse.

 

LECTURE SIMPLE

Changer la façon de recycler

Grande nouvelle! Le Yukon pense changer sa façon de faire du recyclage.

Si le projet est approuvé, le Yukon deviendrait le premier territoire (toutes les provinces l’ont déjà fait) à développer le REP. Le REP, ça veut dire Responsabilité élargie des producteurs. Dans ce système, ce sont les entreprises qui sont responsables de gérer le recyclage des produits qu’elles proposent, au lieu que ce soit la responsabilité des gens qui les achètent. Ainsi, plus une compagnie crée des déchets, plus elle paie pour le recyclage.

Selon les personnes rencontrées pour écrire l’article, ce système serait une bonne idée!

Voici un exemple : si on achète du lait, un sac de pommes et une boîte de céréales à l’épicerie à Whitehorse, avec le système REP ce serait à l’épicerie de s’occuper du recyclage et donc de s’assurer que la bouteille vide, le sac et la boîte en carton soient recyclés au bon endroit. L’épicerie pourrait payer une entreprise pour organiser la collecte de recyclage si elle le souhaite. Mais ce serait à elle de gérer ça, et non plus à ses clients.

Plusieurs choses risquent de changer

En ce moment, il y a une consultation publique à ce sujet sur le site Web du gouvernement du Yukon. Tout le monde peut donner son avis et ses commentaires, donc toi aussi!

Par exemple, est-ce qu’on veut développer un système de collecte du recyclage chez nous, comme pour le compost et les déchets à Whitehorse? Est-ce qu’on veut recycler le verre, comme avant?

Si tu as des idées, c’est le moment de les partager. Le sondage est disponible en français sur le site du gouvernement du Yukon.

On a jusqu’au 27 janvier pour donner notre opinion.

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Photos

Titre : RavenRecycling7

Légende : Pour Raven Recycling Society, l’important est que le modèle de gestion du recyclage puisse permettre à la population de recycler plus facilement, et qu’il encourage les entreprises à réduire leurs déchets.

PHOTO : LAURIE TROTTIER

 

Titre : Blue Bin2

Légende : S’il y a beaucoup d’incertitude, Daniel Lessard mentionne que Blue Bin Recycling est prête à continuer son travail et à adapter son modèle de gestion pour répondre aux besoins des entreprises une fois la REP adoptée.

PHOTO : LAURIE TROTTIER

  • Nombre de fichiers 3
  • Date de création 9 décembre, 2022
  • Dernière mise à jour 7 décembre, 2022
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