Reconnaissance des femmes au théâtre : «Il reste de la job»

En théâtre comme ailleurs, les femmes et leurs créations ont historiquement été moins reconnues et mises en valeur. Pour recueillir de l’information pour écrire La chienne, une pièce de théâtre sur la prise de parole des femmes dans la culture franco-ontarienne, Emmanuelle Gingras a mené une discussion dans le cadre du festival Feuilles vives. Elle demandait : Les enjeux identitaires et linguistiques ont-ils éclipsé la prise de parole des femmes dans le théâtre franco-ontarien?

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Julien Cayouette

IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur

 

Les trois femmes de théâtre qui ont participé à la réflexion — Brigitte Haentjens, Marie-Thé Miron et Miriam Cusson — sont d’accord que la reconnaissance des autrices et metteuses en scène est un phénomène récent. «Même au Québec, ça fait une dizaine d’années que les créations des femmes sont reconnues», dit Mme Haentjens. 

Entre la naissance de la culture franco-ontarienne dans les années 1970 et cette nouvelle reconnaissance, elles n’ont tout de même pas été absentes du milieu. Mais elles étaient plus souvent reléguées à des rôles de coordination, d’administration et de développement communautaire. Des aspects qui ont tout de même été essentiels au développement du théâtre franco-ontarien, insiste Miriam Cusson.

Si elles étaient visibles dans la création, c’était surtout dans des œuvres collectives, note Marie-Thé Morin. Elle déplore que plusieurs textes de pièces de théâtre écrites par des femmes n’aient jamais été montés.

Dans ces premières années, les femmes étaient déjà occupées à mener plusieurs combats pour leurs droits. Plusieurs groupes de revendication, même de gauche, raconte Brigitte Haentjens, étaient très machos. 

Le problème n’était peut-être pas qu’un enjeu était plus important que l’autre, mais que les hommes ne laissaient pas de place aux femmes dans ces discours.

Sans compter que «les tabous étaient partout» dans les années 1970 et 1980, lance Brigitte Haentjens. «Si on sortait du cadre de sauvegarde de la langue et de la foi, on se faisait critiquer.» 

Marie-Thé Morin croit que ce climat social faisait en sorte que les femmes se sentaient moins autorisées à écrire. 

Peut-être un signe d’évolution, Miriam Cusson affirme qu’elle a toujours senti qu’elle avait la permission d’écrire. Elle a par contre ressenti une responsabilité de parler de la réalité des femmes, trop souvent éclipsée par d’autres sujets. 

La situation est plus reluisante aujourd’hui. Par exemple, des neuf mises en lectures, laboratoires et table ronde présentés à Feuilles vives 2022, six étaient des projets menés par des femmes. 

Mais les droits de femmes ne sont jamais totalement acquis, rappelle Brigitte Haentjens, alors il ne faut pas baisser les bras. 

Surtout que l’illusion que le combat est gagné est bien présente. L’ancien directeur artistique du Théâtre français de Toronto, Joël Beddows, a souligné qu’il était parvenu à présenter une saison où 50 % des pièces présentées avaient été mises en scène par des femmes il y a quelques années. Mais quand il a tenté de souligner ce fait auprès d’un journaliste, sa réaction avait été faible, comme si c’était déjà normal.

 

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Brigitte Haentjens (écran), Emmanuelle Gingras, Marie-Thé Morin et Miriam Cusson — Photo : Julien Cayouette

 

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Emmanuelle Gingras, Marie-Thé Morin et Miriam Cusson

 

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  • Date de création 23 septembre, 2022
  • Dernière mise à jour 23 septembre, 2022
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