Réaffectation des budgets policiers : il reste du travail
Le ministre albertain de la Justice Kaycee Madu d’un côté, les maires de Calgary et d’Edmonton de l’autre. Tel pourrait être le tableau des faits récents, depuis que le premier s’est dit fortement opposé à la révision du budget de la police que souhaitent mettre en place les seconds, au point de verser directement des fonds à la police s’il le faut. De leur côté, les organisations communautaires attendent un dénouement qui fera - peut-être - changer d’un cran la police de demain.
Inès Lombardo
Initiative de journalisme local – APF - Ouest
Le directeur général de Francophonie albertaine plurielle (FRAP), Alphonse Ahola, et son homologue à l’Alliance jeunesse famille de l’Alberta Society (AJFAS), Luketa M’Pindou, sont tous deux à la tête de structures qui luttent pour davantage d’inclusion, de diversité. En tant que témoins et victimes de commentaires racistes, ils comprennent le mouvement de couper dans le budget de la police, si c’est pour le redistribuer à des organisations communautaires, sociales et de santé, notamment de santé mentale. Tous deux expliquent aussi que la police est consciente de la tension ambiante accrue depuis mai, soit après la mort de Georges Floyd aux États-Unis. La question n'en reste pas moins entière : comment allier gouvernement, municipalités et police sur la question du budget.
Pour l’instant, la collaboration entre les maires de Calgary et d'Edmonton fonctionne. Coupes budgétaires, constitution de groupes de réflexion, rapports en cours, consultations publiques sur l’utilisation des deniers sont bien avancés dans les deux villes.
L’éducation des policiers de demain avant tout
Selon Alphonse Ahola, qui « parle en tant qu’individu et non en tant que directeur général de la FRAP», le comportement du ministre est à l’image des multiples tensions que ce sujet cristallise. Au-delà de la coupe dans le budget de la police municipale, c’est en éducation qu’il faudrait investir dans l'avenir, indique-t-il. Il soutient que la réaffectation de l’argent dans les coffres d’organismes en soutien aux minorités visibles sert à prévenir les problèmes plutôt qu’à les résoudre.
« Il y a très peu de choses à faire pour les policiers d’aujourd’hui, précise-t-il. L’une des solutions serait une réflexion globale sur le rôle exact de la police, car il y a une certaine perception des Noirs en Alberta. Cette perception se retrouve autant dans les écoles que dans les familles. C’est cette même perception qui fabrique les policiers de demain. » À Edmonton, ce sont 11 millions de dollars sur deux ans qui vont être retirés pour être réaffectés, soit moins de 3% du budget total de la police en 2021 qui s’élève à 388,8 millions de dollars.
Alphonse Ahola est beaucoup plus nuancé. « Je réfléchis d’abord en termes de principes, explique-t-il. La Ville d’Edmonton a admis qu’il fallait diminuer le budget de la police pour l’affecter à d’autres services. Pour moi ce qui compte, c’est cette avancée. Ensuite bien sûr, nous espérons que le montant redistribué s’alourdira au fil des ans, mais c’est l’attitude qui importe».
Réaffectation : la santé mentale au premier plan
La réaction du ministre de la Justice, Kaycee Madu, n’est pas passée inaperçue. Partisan de la réforme du Police Act, il a néanmoins assuré qu’il veillera à ce que des fonds soient versés directement à la police si les deux municipalités coupent les budgets de leurs services policiers.
«Que ce soit des sommes reçues par la Ville ou par la province, la police pourra toujours rediriger les sommes reçues vers différents organismes, croit Luketa M’Pindou. Pour cela, il faut que les parties collaborent. Pour l’instant, chacun joue sa partition dans son coin. Il faut qu’ils s’accordent. »
Cet accord, s’il est possible, servirait aussi la santé mentale. Luketa M’Pindou souligne avoir été témoin d’une hausse des problèmes liés à la santé mentale ces derniers mois dans le sillage de la COVID-19, mais aussi à cause du profilage et de la discrimination raciale qui sévit.
Lorsque les mouvements pour démanteler les budgets policiers se sont embrasés à la suite de la mort de Georges Floyd en mai dernier, beaucoup de personnes ont ressenti du stress et de la peur. « Le gouvernement provincial n’a pas affecté de fonds dans le domaine de la santé mentale, déplore Luketa M’Pindou, alors que nous devons mettre toutes les ressources sociales possibles dans ce secteur ! »
En attendant, la Ville de Calgary déterminera le mois prochain quel montant exact sera alloué à quels organismes communautaires.
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Photos et légendes:
Le directeur général de Francophonie albertaine plurielle (FRAP), Alphonse Ahola, soutient qu'il faut réaffecter l'argent dans l'éducation des jeunes, notamment dans la formation des futurs policiers.
(crédit photo: Geoffrey Gaye, Le Franco)
Le fondateur et directeur général de l’Alliance jeunesse famille de l’Alberta Society (AJFAS), Luketa M'Pindou, souligne que les deux maires et le ministre jouent « de la même partition, mais doivent trouver un moyen rapide de s'accorder ».
(photo courtoisie)
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- Date de création 21 septembre, 2020
- Dernière mise à jour 21 septembre, 2020