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Qui sera le héros du Campus Saint-Jean ?

Saint-Jean va-t-il être sauvé ? La situation financière du Campus de l'Université de l’Alberta demeure pour le moins agitée, avec un déficit de plus de 1,5 M$, malgré la mobilisation de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) au mois de mai. En parallèle, le gouvernement albertain a récemment annoncé investir des milliards de dollars dans les infrastructures à travers la province, dans un contexte de relance  économique. Deux chefs de file franco-albertains, anciens étudiants de la faculté, ont accepté de réagir aux défis que doit relever l’institution.

Inès Lombardo

Initiative de journalisme local – APF - Ouest

Un mois et demi après la campagne de mobilisation de l’ACFA, « Sauvons Saint-Jean », la situation demeure inchangée. Le Campus cherche son sauveur qui tarde à venir. Il le faudrait rapidement, car l’établissement traverse l’une des crises financières les plus notables de son histoire.

En 2019-2020, les compressions budgétaires du gouvernement de Jason Kenney représentaient une baisse de 4,7 % du budget du Campus Saint-Jean. En 2020-2021, ce sera de 8,6 %.

Pas d’avancée sans reconnaissance provinciale

« Cette situation pourrait mener à sa mort », craint Claudette Tardif. Cette ancienne sénatrice de l’Alberta est plus qu’une habituée de l’institution, après y avoir été successivement étudiante, professeure, doyenne de la faculté Saint-Jean, puis de l’Université de l’Alberta, de 1995 à 2003.

Le campus ne peut utiliser ses fonds de réserve, la province lui interdit. S’il n’obtient pas le financement adéquat du Campus Alberta Grant ou une aide fédérale, 44% des cours prévus seront coupés en 2020-2021. On parle ici de cesser 180 cours sur une possibilité de 409.

« Saint-Jean n’est pas une faculté traditionnelle. Elle a un rôle unique à jouer dans la conception de l’identité francophone et dans l’épanouissement des futurs travailleurs bilingues de notre province », poursuit Claudette Tardif. Selon elle, tant que le gouvernement albertain ne comprend pas et ne reconnaît pas ce rôle, il ne peut y avoir d’avancée sur le plan financier.

Elle ajoute, en référence aux annonces de financements infrastructurels que « combler le déficit de la faculté (plus de 1,5M$) n’est rien, comparé à l’argent investi en ce moment dans la relance. C’est avant tout dans l’humain qu’il faut investir. Et ce dernier vient d'être clairement mis de côté à travers ces décisions de coupes. »

L’autre solution serait l’aide fédérale. Même s’il y a une reconnaissance plus visible de sa part, selon Claudette Tardif, il faut que le gouvernement continue d’appuyer le programme d’aide pour ce campus. « Mais il ne faut pas que chaque fois que le campus reçoit de l’argent du fédéral, le provincial y voit une excuse pour abaisser son aide. Ce qui est malheureusement le cas », s’indigne-t-elle.

« L’enfant oublié de la famille »

Deni Lorieau partage l’avis de l’ancienne doyenne. L’ex-étudiant en sociologie et en sciences au campus au début des années 70, est aussi un ancien sénateur de l’Université de l’Alberta, de 1993 à 2002, et membre du Comité consultatif du Doyen du Campus Saint Jean, de 1993 à 2020. « On dirait que ce campus est devenu l’enfant oublié dans la famille, témoigne-t-il. Surtout vers la fin des années 80, lorsque le sous-financement s’est accru. Au fil du temps, on perd du terrain. »

Pour l’ancien directeur de la Fondation des ressources historiques de l'Alberta, le Peter Lougheed Leadership College, créé en 2015 lors de la collaboration entre le campus Saint-Jean et l’Université de l’Alberta, aiderait à « rappeler les valeurs du Campus Saint-Jean au sein de l’Université de l’Alberta ». La mission de ce collège est de développer le sens du leadership chez les étudiants.

Il est toutefois plus réservé sur les investissements annoncés dans les différentes infrastructures à travers l’Alberta. « Il est compréhensible que le gouvernement provincial investisse à ce niveau. Je pense cependant que l’éducation, notamment francophone, doit rester au premier rang, nuance-t-il. Ce n’est pas pour dire que le gouvernement ne fixe pas les bonnes priorités, mais plus d’un million de dollars de déficit du campus à combler, ce n’est pas beaucoup. Cela fait 30 ans qu’un investissement décent pour ce campus aurait dû tomber. »

Claudette Tardif abonde dans le même sens. « La faculté Saint-Jean était déjà sous-financée lorsque j’en étais la doyenne. Je tentais de trouver des moyens de financement en ciblant des enseignements. Je vois que la situation ne s’améliore pas », se désole-t-elle.

À savoir qui du fédéral ou du provincial devra investir prochainement, c’est une question de compétence. Le premier répète que c’est celle du second. Le second s’appuierait sur le premier pour abaisser son propre apport. Le serpent se mord toujours la queue.

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  • Date de création 10 juillet, 2020
  • Dernière mise à jour 10 juillet, 2020
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