Qui habillera les hommes de Hawkesbury?

La dernière boutique de vêtements pour hommes à Hawkesbury fermera ses portes le 25 février. Après une longue carrière à se dévouer à leur métier, Denis Charlebois et François Joanisse accrochent leur cravate. La main-d’œuvre pour ces heures de travail atypiques étant rarissime, ils n’ont pas pu trouver de relève pour poursuivre la tradition.

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Charles Fontaine

IJL – Réseau.Presse –Le Droit

Même si la dernière année a été la plus lucrative de leur histoire, les deux hommes veulent passer à autre chose. Leur fidèle clientèle restera leur plus beau souvenir.

«C’est difficile de laisser aller nos clients, dit M. Charlebois. On espère qu’ils comprendront. On ne fait pas ça parce qu’on est écoeurés, on fait ça parce qu’on est rendus là dans notre vie.»

«On ne fait pas ça de gaieté de cœur», ajoute M. Joanisse.

«Amazon nous a détruits»

La clientèle est restée fidèle mais s’est aussi renouvelée à travers les années. La petite entreprise a dû s’adapter à la venue du commerce en ligne. «Amazon nous a détruits, lance M. Charlebois. Ça a été un très gros problème. Le monde ne se casse plus la tête à se déplacer. C’est merveilleux pour le client, mais pour nous autres, c’est de la m… Ça nous a affectés, c’est certain. Ceux qui viennent nous voir sont des gens sérieux.»

Il fut un temps où il y avait cinq merceries pour hommes à Hawkesbury. Maître Charle était la dernière encore debout. Bientôt, il n’y en aura plus.

Denis Charlebois a ouvert Maître Charle en 1977 rue Spence. En 1986, il a acheté le local de l’ancienne boutique de vêtements pour hommes Ben Younger en bordure de la rue Principale. François Joanisse et la comptable Gabrielle Cardinal se sont joints à son équipe et le trio sert la clientèle au 365 rue Principale depuis ce temps.

Le propriétaire, Denis Charlebois, est retraité depuis un an. Le gérant, François Joanisse, a atteint la soixantaine. Le dévouement à temps plein dans un commerce n’est plus pour eux. «Ça fait quelques années qu’on en parle, dit M. Joanisse. J’ai travaillé les fins de semaine pendant plusieurs années et j’avais de la misère à trouver du personnel prêt à travailler le week-end. [...] Mon épouse est déjà à la retraite et il y a des choses qu’on veut faire.»

Le gérant fera une pause de quelques mois après la fermeture de Maître Charle et ira travailler au Sports Experts quelques kilomètres plus loin sur la route 17 avec la comptable Gabrielle Cardinal. Il aura un horaire allégé et bénéficiera de plus de vacances.

La difficulté à trouver du personnel

«Il y a cinq ans, on avait une pile haute comme ça de CV, illustre le gérant, mais maintenant, plus personne ne vient nous voir.»

Au cours des dernières années, les deux hommes ont rencontré divers acheteurs potentiels qui auraient pu reprendre leur commerce. Chaque fois, c’est la charge de travail qui les repoussait. «Du personnel, on en a à temps partiel. Mais quelqu’un qui est prêt à travailler à temps plein, qui est prêt à faire des concessions et être ici toutes les fins de semaine, c’est difficile à trouver. C’est un domaine niché aussi, tu l’apprends, c’est un métier», témoigne M. Joanisse.

Est-ce si inconcevable de travailler les fins de semaine? «Ça ne ruine pas ta vie, on l’a fait pendant 36 ans, indique François Joanisse. Mais tu es plus limité dans ce que tu peux faire. Tu vas manquer des soupers de famille, des sorties, des activités sociales. Je suis rendu à un point où je veux avoir plus de temps pour sortir avec les amis et la famille.»

Survivre au commerce en ligne

Les nouvelles habitudes de consommation en ligne n’ont pas épargné le valeureux commerce de Hawkesbury. Mais le duo a su s’adapter. L’inventaire a été réduit pour s’assurer que l’entreprise soit assez rentable. Et il n’y a rien comme un service exemplaire pour conserver sa clientèle.

«Les gens qui nous rendent visite, on les a habillés quand ils étaient jeunes. Les parents se sont mariés, maintenant ce sont les enfants qui se marient. On est une petite communauté, on se connaît tous. Un client rentre et c’est comme si c’était un ami de longue date», dit M. Joanisse.

«Je vais pleurer!, lance Benoit Paré à la blague, un fidèle client. C’est de valeur pour Hawkesbury. Ils offrent un bon service.»

«C’est triste, c’est la seule place où l’on peut louer des uniformes pour les grandes occasions, dit Benoît Perrault, qui fréquente Maître Charle depuis 40 ans. C’est l’endroit où il y a le plus de vêtements adaptés au monde des affaires. Le service est impeccable, c’est très personnel.»

Les deux hommes assurent qu’il y a amplement de place pour un autre magasin de vêtements pour hommes à Hawkesbury.

La clientèle est là. Il manque seulement quelqu’un de dévoué pour la servir.

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Photos

Denis Charlebois et François Joanisse, de chez Maitre Charle, fermeront boutique le 25 février prochain, après l’année la plus lucrative de leur histoire. (Patrick Woodbury, Le Droit)

Après une longue carrière à se dévouer à leur métier, Denis Charlebois et François Joanisse accrochent leur cravate. (Patrick Woodbury, Le Droit)

La dernière boutique de vêtements pour hommes à Hawkesbury, Maître Charle, fermera ses portes le 25 février. (Patrick Woodbury, Le Droit)

Vente de fermeture chez Maitre Charle (Patrick Woodbury, Le Droit)

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  • Date de création 12 février, 2023
  • Dernière mise à jour 12 février, 2023
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