Que des solutions à court terme au problème de l’itinérance

No More Tears se constitue en société pour élargir ses services

Christian Gammon-Roy

IJL – Réseau.Presse - Tribune : la Voix du Nipissing Ouest

La situation des sans-abris au Nipissing Ouest a évolué depuis le début de la nouvelle année. Avec le froid extrême, les campements ont été abandonnés et la plupart des sans-abris trouvent d'autres lieux d'hébergement, bien que temporaires, selon les bénévoles du groupe d’aide No More Tears. La nouvelle année pourrait également apporter des changements pour ce groupe, car il a obtenu le statut de société à but non-lucratif le 21 décembre. Bien qu'il n'y ait toujours pas de solution permanente à l'horizon, il semble que les choses soient stables pour le moment.

Au dernier décompte, Josée Rainville, présidente de No More Tears, estime que seules deux des 36 personnes sans abri dans le Nipissing Ouest sont toujours sans hébergement. Selon elle, sept personnes sont actuellement abritées dans des roulottes, quatre ont été logées dans un motel local et deux se trouvent dans des abris de fortune tels qu'un hangar et une cabane dans un arbre. Si l'on ajoute les deux personnes qui ne sont pas abritées, il reste environ 21 personnes qui passent la nuit sur un canapé ici et là.

Mme Rainville ajoute que ces personnes qui font du «surfing de canapés» peuvent en fait être victimes de trafiquants de drogue opportunistes. «Le bruit court dans la rue que si vous avez de l'argent pour vous droguer, vous avez un canapé où dormir. Si vous n'avez pas d'argent, vous dormez dehors,» raconte Mme Rainville. Elle ajoute qu'elle n'est pas en mesure de confirmer ce que certains de ses clients lui ont dit, sans l'avoir vu de ses propres yeux, mais qu'il s'agit d'une situation «pas mal triste.»

En ce qui concerne les personnes qui errent encore dans les rues la nuit, les choses sont difficiles ; l’un de ces sans-abris a récemment commencé à travailler, mais le manque de sommeil nuit à sa performance professionnelle. «C'est triste parce que nous avons même reçu une lettre de son employeur disant qu'il était prêt à travailler avec lui, mais il s'assoupit parce qu'il ne dort pas la nuit, il n'a pas d'endroit où dormir,» déplore Mme Rainville. No More Tears essaie de faire loger ces deux dernières personnes, mais selon elle, l’organisme LIPI (Low Income People Involvement of Nipissing) leur a dit qu'il n'y avait plus d’argent dans le budget pour des chambres de motel supplémentaires.

C’est le Conseil d'administration des services sociaux du district de Nipissing (CASSDN) qui octroie les fonds prévus à l’hébergement temporaire, mais c'est LIPI qui en fait la distribution. «Nous finançons les hébergements temporaires par l'intermédiaire de LIPI. Ils [les sans-abris de Nipissing Ouest] sont en fait hébergés au Paradis Motel, qui reçoit donc des fonds directement de LIPI,» explique Mark King, président du CASSDN. Interrogé sur les questions budgétaires liées à l'hébergement des deux personnes restantes, M. King a déclaré qu'il n'était pas au courant de ces cas particuliers.

De plus, l’hébergement est bel et bien temporaire, garanti seulement jusqu'au 1er avril. Il s'agit clairement d'une solution limitée à l'hiver. Toutefois, la saison hivernale étant imprévisible, la Tribune a demandé à M. King s'il était possible de prolonger la durée si le froid perdure. «Il n'y a absolument aucun doute à ce sujet. Ce genre d’ajustement a lieu tout le temps, ce n'est pas nécessairement une règle absolue. Le personnel a des budgets qu'il doit respecter, mais en même temps, s'il y a des ajustements à faire, ils seront faits. Les gens ne seront pas mis à la porte,» assure-t-il.

Puisque la plupart des itinérants sont maintenant abrités, No More Tears travaille différemment sur le terrain. Récemment, les bénévoles ont été plus occupés à nettoyer les campements abandonnés qu'à livrer des fournitures à ces sites. Mais ils continuent à offrir un soutien direct aux personnes. «Nous sommes toujours très, très occupés. On ne peut pas simplement prendre quelqu'un dans la rue, l'installer dans un endroit et l'y laisser. Malheureusement, ils ont besoin de soutien, et nous sommes donc toujours très actifs auprès de ceux qui sont dans le motel. Nous y allons quatre jours par semaine pour leur rappeler de nettoyer, de ne pas fumer dans les chambres, et ainsi de suite. Nous les aidons et les amenons à leurs rendez-vous médicaux, à leurs rendez-vous de santé mentale,» explique Mme Rainville. Elle ajoute que la plupart des clients ont maintenant des vêtements chauds, de sorte que les bénévoles n'ont plus à transporter autant de matériel lourd pendant les visites. Dans l'ensemble, la charge de travail n'est pas moins lourde, elle est simplement différente, souligne-t-elle.

Une autre différence importante pour le groupe, c’est son nouveau statut de société à but non lucratif. Depuis le 21 décembre, le groupe est devenu No More Tears West Nipissing Society, une étape importante vers ses objectifs à long terme. Selon Mme Rainville, ce changement permet au groupe d'avoir une assurance responsabilité pour ses bénévoles et de présenter des demandes de financement afin de pouvoir en faire plus. «Nous ferons des demandes de subventions; nous avons un plan d'affaires qui décrit les services que nous voulons offrir,» dit la présidente.

L'une de ses priorités est d'ouvrir un bureau, qui servirait de centre d’accès pour les services et pour offrir des ateliers d'apprentissage général et de formation professionnelle. «C'est notre objectif à long terme. Nous ne pouvons pas nous contenter de sortir les gens de la rue et de les placer quelque part sans leur donner les compétences dont ils ont besoin. Nous voulons aussi créer un endroit où ils se sentent à l'aise et d’où nous pourrons ensuite les mettre en contact avec les services appropriés,» décrit-elle. Mme Rainville explique qu'il est souvent intimidant pour les itinérants de se présenter dans des bureaux administratifs, des hôpitaux ou des cliniques. En outre, les prestataires de services disposeraient ainsi d'une adresse pour envoyer du courrier aux personnes qui n'ont pas le luxe d'avoir une adresse fixe.

Le groupe espère également qu'avec son statut plus officiel, il pourra commencer à établir des partenariats avec la municipalité et d'autres organismes, notamment le CASSDN. «C'est en cours. Je vais contacter Mark King pour l'informer que nous sommes maintenant enregistrés en tant qu'organisme à but non lucratif et que nous avons une assurance responsabilité civile, afin de voir comment nous pouvons mieux travailler ensemble pour apporter aux clients ce dont ils ont besoin. Il s'agit de bien répondre aux besoins des gens, et No More Tears est là pour combler les lacunes,» affirme Mme Rainville.

Interrogé sur la possibilité d'une collaboration avec No More Tears, M. King se dit ouvert à cette idée. «Je peux vous dire honnêtement que lors de mes discussions avec les cadres supérieurs, cet organisme a été mentionné à plusieurs reprises et qu’elle a est jugée très compétente. Je pense qu'il y aura une collaboration continue avec eux. Je suis certain que cela se fera,» assure-t-il.

M. King souligne que la formation si rapide d'un groupe comme No More Tears est justement révélatrice de la crise actuelle et de la rapidité avec laquelle elle a pris de l'ampleur. Le groupe a officiellement vu le jour en février 2023. M. King ajoute que le Nipissing Ouest est loin d’être seul à affronter ce problème. Lors de réunions récentes avec d'autres organismes, il a entendu des plaintes similaires de plusieurs districts concernant l'augmentation rapide du nombre de sans-abris. «Ces plaintes fusent de tous les coins du nord de l'Ontario; les petites communautés (…) commencent à être confrontées au problème des sans-abris. Sturgeon Falls en est un parfait exemple, ils n'ont aucune installation pour gérer ce problème. Il n'y a rien, pas de centre de réchauffement, pas d’abri de transition, et c'est ce qui se passe dans tout le nord de l'Ontario,» décrit-il.

Depuis que le problème est devenu très visible en raison des campements, le gouvernement municipal de Nipissing Ouest s'est attiré la foudre de nombreux résidents en raison du manque de services locaux. Lors de réunions et d'entretiens antérieurs, la mairesse et le conseil municipal ont affirmé que ces services relèvent du CASSDN et que, malheureusement, ils se trouvent à North Bay. Plus récemment, le conseil municipal a discuté d'un plan d'intervention en cas de froid extrême, mais il s'agit d'un plan général pour tous les résidents en cas de conditions météorologiques extrêmes, atteignant moins de -40 degrés. Au grand dam de certains habitants qui espéraient y voir une solution pour les sans-abris, le plan ne les mentionne qu'en passant comme une «population vulnérable» parmi d'autres.

Pour des solutions spécifiques au sans-abrisme, la municipalité est à la merci du CASSDN, qui reçoit le financement destiné aux services sociaux pour toute la région. Si elle voulait développer ses propres services, la ville devrait débourser de l'argent en plus de ce qu'elle paie déjà pour les services du CASSDN, à même le budget municipal. M. King est compréhensif, soutenant que ce problème a grandi plus rapidement que quiconque n’aurait pu l'anticiper, surtout dans les plus petites communautés. «Je suis président du CASSDN depuis 7 ou 8 ans, et j'ai vu venir le problème il y a 5 ou 6 ans, mais je n'ai jamais pensé qu'il atteindrait la proportion qu’il prend aujourd'hui. C'est un véritable défi pour ces communautés,» reconnaît-il.

Toutefois, il garde espoir, surtout à l’approche de la conférence de l’Association des municipalités rurales de l’Ontario (ROMA) du 21 au 23 janvier, où il espère susciter un plus grand engagement provincial pour lutter contre le sans-abrisme. «Je vais rencontrer le ministre du Logement [Paul Calandra]. Nous allons lui expliquer les défis auxquels nous sommes confrontés au niveau local, l'impact que le sans-abrisme a sur nous, sur nos budgets et sur les budgets des municipalités,» déclare M. King.

En même temps, Kathleen Thorne Rochon, maire de Nipissing Ouest, dit que la délégation municipale va demander une modification à la Loi sur les conseils d'administration des services sociaux de district, afin d’augmenter la représentation du Nipissing Ouest au CASSDN. «Notre rencontre avec le ministre [Michael] Parsa [ministre des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires] a pour but de demander un siège supplémentaire au CASSDN. Nous en avons actuellement un, mais nous sommes sous-représentés considérant notre population et notre contribution financière,» explique-t-elle. "Algonquin Sud, qui compte 1 000 habitants, a la même représentation au conseil d'administration que nous,» compare Mme Thorne Rochon. La maire ajoute que Mark King a donné son aval à la requête. «Il a envoyé une lettre au ministre pour appuyer notre demande.»

M. King admet que la conférence ne garantit rien, mais le fait que les agences et les municipalités puissent plaider leur cause directement auprès du ministre est un moyen d'attirer rapidement l'attention du gouvernement. «Cela permet d'ouvrir le dialogue directement avec le ministre, plutôt qu'avec des fonctionnaires subalternes,» pense-t-il. L’espoir, c’est que la combinaison d'une plus grande représentation au CASSDN et un financement accru permettrait au Nipissing Ouest d'obtenir plus facilement des services offerts et administrés localement. Mme Thorne Rochon et M. King ont promis de partager plus de détails à leur retour de la conférence.

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Photo : Corrine et Mike Guenette, bénévoles du groupe d’aide aux sans-abris No More Tears, au Paradis Motel à Cache Bay, où quatre sans-abris locaux sont désormais hébergés. Le couple est retraité de l'Hôpital général de Nipissing Ouest et continue à rendre service à sa communauté en aidant les personnes vulnérables.

Crédit : Christian Gammon-Roy

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  • Date de création 19 janvier, 2024
  • Dernière mise à jour 19 janvier, 2024
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