Quand nourriture et immigration se rencontrent

L’Association franco-yukonnaise (AFY) organisait une série de trois ateliers de Eat Art au mois de mai, l’occasion pour des personnes nouvellement arrivées de retracer leur parcours migratoire. Le dernier rendez-vous, sous forme de représentation, a eu lieu le mardi 30 mai, dans la salle communautaire du Centre de la francophonie.

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Manon Touffet

IJL – Réseau.Presse – L’Aurore boréale

 

Animée par Annie Maheux, artiste de Eat Art, la série d’ateliers portait sur le thème de l’immigration. Et lors du dernier atelier, les participantes ont dévoilé leur travail : cinq stations avec six artistes différentes ont été mises en place.

Courant artistique apparu dans les années 1960, le Eat Art a pour but de mettre en scène des aliments, à des fins artistiques.

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Une autre série d’ateliers de Eat Art s’était déjà tenue en janvier 2023. À cette occasion, le concept avait été dédié au thème de l’âge. Pour cette nouvelle série, c’est le sujet de l’immigration qui a été choisi. Selon Annie Maheux, ce sont des thèmes reliés à l’alimentation et riches en émotions. « C’est ce qu’on veut dans une représentation. Ces sujets parlent du corps, ça nous renvoie aux sens, comme le toucher ou [l’odorat], mais surtout par les souvenirs », explique-t-elle. Selon Patricia Brennan, gestionnaire pour les services aux ainées et ainés à l’AFY, il y a un lien entre l’âge et la nourriture, et l’atelier du mois de janvier permettait de mettre cela de l’avant.

La série d’ateliers organisée par le service immigration de l’AFY en mai dernier a été pensée pour les personnes nouvellement arrivées au Yukon. « Les nouveaux arrivants ont beaucoup de choses à dire, c’est souvent une période qui n’est pas facile à vivre. Faire une performance d’art, c’est un beau rituel pour mettre en avant ce qu’on ressent », conclut l’animatrice des ateliers.

Une activité d’accueil

Pour Diana Romero, agente de projets en immigration pour l’AFY, avec cette nouvelle série d’ateliers, il était question d’intégrer ces personnes à la communauté. « On voulait partager un espace d’expression, et à travers cet espace, on voulait sensibiliser la population », raconte-t-elle.

Tout au long de la soirée, Susanna Beaudin, gestionnaire de recherche principale pour Prairie Research Associates (PRA), a pu faire une évaluation de l’événement au nom d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). Le but étant d’examiner l’initiative des quatorze communautés francophones accueillantes, de voir comment les personnes nouvellement arrivées sont accueillies, et si elles sont bien intégrées.

Projet pilote dirigé par IRCC et les communautés francophones en situation minoritaire, l’objectif principal de l’initiative des communautés francophones accueillantes est de favoriser l’intégration et la rétention des personnes nouvellement arrivées. C’est en 2019 que la ville de Whitehorse a rejoint ce programme pancanadien.

Pour Susanna Beaudin, les ateliers de Eat Art figuraient comme un exemple d’activité qui aide à l’intégration des nouvelles personnes. Elle explique qu’à travers les prestations des participantes, elle a pu observer des « défis qu’on ne voit pas dans les statistiques lorsqu’on parle d’immigration ».

Maya Chartier, une participante, va dans le même sens : l’atelier donnait un aperçu du parcours de chaque artiste. « Ça aide à comprendre la réalité de l’immigration », ajoute-t-elle.

« J’ai pu partager un peu de leur culture, de leur trajet, mais j’ai surtout constaté que c’était une activité qui rassemblait », ajoute Susanna Beaudin.

Une « démarche intime »

Si le thème général de l’atelier portait sur l’immigration, une des artistes présentes lors de la soirée affirme que c’était une démarche très intime. En effet, en privant les visiteurs et visiteuses de leur sens de la vue, elle leur faisait retracer son chemin d’immigration au travers de plusieurs pays. Les personnes devaient alors utiliser leurs autres sens afin de deviner quel était le pays en question.

« Ça les a beaucoup déstabilisés », explique-t-elle. « En les privant de la vue, leurs autres sens sont beaucoup plus développés. Ils partent à l’inconnu, comme quand on change de pays, tout est nouveau, on doit s’adapter. Je voulais faire ressortir ça. »

L’artiste d’un soir ajoute cependant qu’il a été dur de trouver une idée, le fait de se dévoiler devant une personne inconnue n’étant en effet pas naturel pour elle. « C’est un inconnu qui nous découvre », précise-t-elle.

Selon Diana Romero, un autre atelier de Eat Art pourrait être organisé l’an prochain : « pour nous, c’était vraiment un succès ».

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Photos

Titre : EAT_ART_MT-01.jpg

Légende : Pour Meriem Kraba, il était question de parler de l’arrivée de ses filles, au travers d’un plat typique qui célèbre la naissance.

Photo : Manon Touffet

Titre : EAT_ART_MT-02.jpg

Légende : En utilisant l’effet de surprise, Annie Maheux s’est levée, emportant avec elle ce qu’il y avait sur la table.

Photo : Manon Touffet

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  • Date de création 16 juin, 2023
  • Dernière mise à jour 15 juin, 2023
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