Quand la vie devient trop chère

Après plus de deux années de restrictions sanitaires, la plupart des ménages canadiens pensait retrouver une vie normale, c’était sans compter sur l’inflation qui vient impacter les budgets des foyers.  Rencontre avec la famille Ferrer.

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Ophélie Doireau

INITIATIVE DE JOURNALISME LOCAL – La Liberté

Essence, gaz, aliments, rien n’échappe à l’augmentation des prix. Pour certains ménages, cette augmentation est synonyme d’une inquiétude constante. C’est le cas de Mélanie et John Ferrer qui ont accepté pour La Liberté de donner leur témoignage sur les impacts de l’inflation dans leur ménage.

Le couple travaille tous les deux à temps plein, John Ferrer pour l’Université de Saint-Boniface et Mélanie Ferrer pour la Division scolaire franco-manitobaine. Ils ont deux enfants qui poursuivent leurs études. Somme toute, Mélanie et John Ferrer représentent un ménage moyen canadien. Les récentes augmentations les ont poussés à prendre des décisions pour économiser. Mélanie Ferrer travaille à Lorette, son emploi l’oblige à prendre la route tous les jours, elle en était consciente au moment où elle l’a accepté. « J’étais loin de m’imaginer que le coût de la vie allait augmenter autant. La voiture revient vraiment beaucoup trop chère, entre l’assurance, le crédit de la voiture et l’entretien. On a aménagé nos horaires avec John pour faire du covoiturage. Grâce à cet aménagement, on a pu vendre une de nos voitures, celle qui nous revenait le plus cher pour essayer de joindre les deux bouts. C’est une chance d’avoir pu aménager nos horaires. »

En effet, avec un emploi à Lorette, Mélanie Ferrer était obligée de faire le plein d’essence toutes les semaines. En date du 9 juin, le prix de l’essence à Winnipeg était en moyenne de 2,07 $/litre, avec une voiture qui peut contenir 55 litres, il faut compter environ 100 $ par plein.

Inflation et salaires

Si le couple fait des économies grâce à la vente de la voiture, c’est une solution sur du court terme. Mélanie Ferrer soulève la difficile question des salaires. « Les salaires n’augmentent pas par rapport à l’inflation. Bien sûr on ne remet pas la faute sur nos employeurs. On sait très bien qu’on ne peut être augmenté au même niveau. Mais la réalité c’est que nos salaires actuels ne correspondent plus au coût de la vie actuelle. Alors il faut qu’on soit proactifs pour ne pas se retrouver dans une situation difficile. Cette année, on a vendu une voiture, l’année dernière on avait accueilli quelqu’un en colocation. On fait des budgets. Pour la nourriture, on fait des menus et on fait la liste par rapport à ce menu tout en vérifiant ce qu’on a dans les placards et au congélateur. S’il y a des promotions aussi, on va la prendre pour l’incorporer dans le menu de la semaine d’après. »

John Ferrer ajoute. « On n’achète presque plus de viande rouge parce que c’est trop cher, le poulet non plus. On ne se fait presque plus plaisir. Même les légumes et fruits frais, c’est devenu cher à un certain point. »

Un poids sur la santé mentale

« On ne va plus au restaurant, on ne va pas au cinéma, on ne commande plus de nourriture. » La dernière inquiétude de Mélanie et John Ferrer a été causée par l’augmentation du gaz par Manitoba Hydro. Depuis le 1er mai 2022, le m3 est passé de 13,43 $ à 20,55 $, ce qui va entraîner une hausse 20,5 % sur la facture annuelle des clients. « On n’a pas le choix de chauffer au Manitoba avec le grand froid pour éviter que les tuyaux gèlent. »

Cette augmentation des prix de tous les produits entraîne une situation d’insécurité alimentaire pour le couple. De plus, avec la privation de certains loisirs, Mélanie et John Ferrer sont cantonnés au travail et à la maison, un véritable poids sur la santé mentale. Mélanie Ferrer : « On essaye donc de faire des choses par nous-même comme le pain, la pizza, les pâtes. Mais parfois après une journée de travail, on n’a pas toujours envie de se mettre à cuisiner.

« On a deux enfants, un en pleine croissance, un avec des besoins spéciaux qui doit s’alimenter correctement. Donc maintenant dès qu’on nous propose quelque chose on se dit : Ok ça fait tant de repas donc non désolé, on ne va pas pouvoir. C’est pénible de se priver de tout. Et puis il y a un petit tabou financier. »

John Ferrer : « On n’a jamais vécu de chèque en chèque sauf qu’on est arrivé à cette situation. On se prive de tout. La classe moyenne est en train de se creuser, il y en a certains de cette classe moyenne qui vont s’appauvrir. Ce qui est inquiétant c’est que c’est mondial, tout le monde est touché. Ça va devenir un problème de santé mentale, moi j’ai de l’eczéma qui me pousse. »

De nature optimiste, John Ferrer se tente à relativiser la situation. « Par contre, avec Mélanie et les enfants maintenant on ne gaspille plus. Au moins, on achète moins de sacs poubelles. »

Comme parents, l’avenir inquiète aussi John et Mélanie Ferrer. « Quand on voit le prix des maisons, on se demande qui va être capable d’acheter une maison à 400 000 voire 500 000 $? Avec un apport de 10 % minimum, je me dis que jamais mes enfants ne pourront s’acheter une maison. Notre maison on l’a achetée il y a six ans, à 289 000. Notre voisin qui, a exactement la même, vient de la vendre à 499 000 $. Plus de 200 000 $ de différence, c’est fou et c’est aussi très inquiétant pour notre avenir et pour l’avenir de nos enfants. »

 

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Photos : 

  • photo : Marta Guerrero. Mélanie et John Ferrer.
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  • Date de création 17 juin, 2022
  • Dernière mise à jour 17 juin, 2022
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