Quand la province se mêle des affaires municipales

ÉMILIE GOUGEON-PELLETIER

Initiative de journalisme local — Le Droit

Doug Ford ne s’est jamais gêné de se mêler des affaires municipales depuis son arrivée au pouvoir. Mais à Ottawa, le maire Jim Watson dit qu’au moment où des citoyens ont le plus besoin d’une intervention de la province, le premier ministre «a trahi sa parole».

Quand Doug Ford est devenu premier ministre de l’Ontario, après quatre années comme conseiller municipal de Toronto, sa décision de réduire de près de moitié la taille de ce conseil municipal n’a pas fait l’unanimité.

La loi adoptée par son gouvernement progressiste-conservateur s’est même rendue en Cour suprême, qui a finalement conclu (dans une décision partagée de 5 contre 4) qu’elle était valide.

Et plus récemment, M. Ford a décidé d’offrir aux maires de Toronto et d’Ottawa des pouvoirs de «maires forts», leur donnant un certain droit de veto qui doit leur permettre notamment de faire construire plus de logements.

Mais personne à Ottawa n’avait demandé une telle intervention de la part de la province.

Les trois principaux candidats à la mairie l’ont d’ailleurs réitéré au débat organisé par CTV, jeudi soir: ni Catherine McKenney, Mark Sutcliffe ou Bob Chiarelli n’a l’intention d’utiliser ces nouveaux pouvoirs s’ils sont élus.

Le maire sortant Jim Watson s’oppose lui aussi à cette idée. «Personne pense que c’est une priorité», a-t-il réitéré lors d’une entrevue accordée au Droit, cette semaine.

Aide demandée

Il y a bien une chose que Jim Watson avait demandée à Doug Ford: de l’aide financière pour réparer les dégâts causés par le Derecho de mai dernier.

« Malheureusement, on n’a pas encore reçu un sou. [...] Le personnel du ministère des Affaires municipales et du Logement dit qu’il n’y a pas d’argent pour la municipalité. »

Jim Watson, maire sortant d'Ottawa

En traversant la capitale, cette tempête a fait des dommages qui sont évalués à plus de 20 millions dollars en frais municipaux et à 30 millions pour la réparation du réseau électrique lourdement endommagé d’Hydro Ottawa.

Le maire Watson assure que le premier ministre lui avait promis que la province allait couvrir tous les frais engendrés par cette catastrophe naturelle.

Mais Doug Ford «a trahi sa parole», accuse Jim Watson.

«Malheureusement, on n’a pas encore reçu un sou. [...] Le personnel du ministère des Affaires municipales et du Logement dit qu’il n’y a pas d’argent pour la municipalité.»

Après le déploiement d’équipes provinciales d’évaluation des catastrophes dans les régions touchées, la Ville d’Ottawa a été jugée non admissible au programme d’aide à la reprise après sinistre du ministère des Affaires municipales et du Logement.

Pourtant, le canton d’Uxbridge qui, comme Ottawa, a subi le plus gros des dégâts, a bénéficié de ce programme.

Le maire sortant dit ne pas comprendre pourquoi, dans ce cas précis, la province refuse d’agir.

Capable d’intervenir

Le maire Watson pense pourtant que le gouvernement Ford a déjà démontré qu’il est capable d’intervenir auprès des municipalités en temps opportuns.

Au cours de la pandémie, les bureaux du premier ministre et de l’ex-ministre de la Santé Christine Elliott ont toujours su répondre aux demandes de la Ville d’Ottawa, assure-t-il.

«Pendant la COVID-19, on avait beaucoup de communications, par téléphone, par Zoom, par lettres, et je pense que la province a fait du bon travail pour communiquer avec mon bureau et celui de Santé publique Ottawa, comme quand on a demandé pour plus de vaccins, par exemple.»

Les lettres

Jim Watson a récemment envoyé une deuxième lettre à la province pour réitérer sa demande de fonds pour appuyer les efforts de reconstruction à la suite du Derecho.

Le maire souligne d’ailleurs qu’il reçoit rarement des réponses directes à ces lettres qu’il envoie au bureau du premier ministre, puisque celui-ci les transfère aux ministères concernés.

Mais selon le député d’Orléans Stephen Blais, ces lettres servent surtout à attirer l’attention.

«La lettre pour le financement du Derecho, elle survient après des mois et des mois de demandes répétées à la province. Les lettres sont vraiment une façon d’atteindre l’intérêt des médias, honnêtement, pour un sujet en particulier. Quand le maire envoie une lettre, c’est parce que les essais plus privés, les appels, les téléphones et les courriels n’ont pas fonctionné et que tu veux démontrer à la population qu’il y a eu des efforts.»

Communiquer

Le député libéral juge que pour assurer que les interventions de la province dans les affaires municipales soient efficaces et pertinentes, il faut communiquer.

«Avec des changements comme la réduction du conseil municipal à Toronto et l’octroi des pouvoirs de maires forts, on voit qu’il y a des changements que le gouvernement provincial a le pouvoir de faire dans les lois qui touchent l’administration des municipalités pour améliorer les façons de fonctionner. Mais je pense que le problème, c’est que ce sont de petits gestes posés sans explications du résultat escompté. Il faut une conversation, des consultations. Si le gouvernement provincial était plus ouvert à discuter de ce qu’il veut réaliser, on aurait de meilleurs résultats.»

Le ministère des Affaires municipales et du Logement croit plutôt que «ces changements aideraient les maires à présenter des budgets qui pourraient réaffecter des fonds à des éléments prioritaires à Toronto et à Ottawa et ajouteraient au bilan de notre gouvernement en matière de soutien et de coopération avec les municipalités».

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  • Date de création 17 octobre, 2022
  • Dernière mise à jour 17 octobre, 2022
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