Protection de l’écosystème : examen de conscience

L’Université du troisième âge de Sudbury organise le 3 mars une conférence sur le thème «Sudbury, ville verte : 50 ans plus tard». David Lesbarrères, écologiste et spécialiste de la biodiversité à Environnement et Changement climatique Canada et Daniel Campbell, professionnel en environnement et président de Birchbark Environmental Research Ltd, examineront ce qui a été fait pour la sauvegarde de l’écosystème. 

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Venant Nshimyumurwa

IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur

 

Les deux experts  ne manqueront pas de relever des défis environnementaux qui persistent, autres peut-être que ceux liés au raffinement du nickel et du cuivre. Les participants auront également l’occasion de partager leurs expériences.

«50 ans, c'est à partir de 1973 exactement. Quand le comité de reverdissement de la ville a été créé. Au cours de ces 50 ans, on a planté 10 millions d'arbres à Sudbury. Ça représente 80 000 hectares d'arbres qui ont été plantés», précise David Lesbarrères. Il dit apprécier des «changements notables» de l'environnement de Sudbury durant les 20 dernières années qu’il est dans cette ville.

«Le fait d'avoir réussi à planter tous ces arbres-là, c'est devenu un exemple, aussi bien dans les livres que dans les écoles», mentionne-t-il.

Il salue tout le travail qui a été fait pour réparer un sol qui avait été détérioré par les activités minières précédentes.

«Beaucoup de travaux sont faits sur les bactéries qui permettent de nettoyer les métaux et la pollution active pour permettre un reverdissement encore mieux de Sudbury», ajoute M. Lesbarrères. Pour lui, la leçon de Sudbury se transporte et s’exporte, aujourd’hui.

À l’origine des dégâts

Comme le rappelle l’ancien professeur à l’Université Laurentienne, la Ville de Sudbury a été créée il y a 125 ans quand le train, le chemin de fer essayait de construire sa voie d'est en ouest. Elle est parmi les villes qui au départ devaient être des villes temporaires pour héberger ceux qui travaillaient sur le chemin de fer.

«Sudbury n’a pas disparu après le passage du train. Avec sa production de cuivre et d'autres métaux, elle est devenue une entreprise globale qui fournissait des métaux pour l’armement. Il y avait la guerre mondiale», fait savoir David Lesbarrères.

Il indique que beaucoup de minerais ont été extraits et qu’à l'époque l'extraction était très polluante.

«On mettait les rochers qu'on extrait du sol sur des grands lits de bois qu'on enflammait, et les hautes températures permettaient de séparer la roche du minerai avec toutes les pollutions au travers de la fumée qui s'en allaient à l'extérieur. Elles ont ainsi brûlé l'ensemble du bassin de Sudbury pendant des années», explique-t-il.

Pour résoudre la question, en 1972, la grande cheminée, l’Inco Superstack, a été construite. Son collègue Daniel Campbell souligne que cette cheminée a permis que les «gens puissent avoir des pelouses, puis des jardins à Sudbury».

David Lesbarrères complète que cette infrastructure était bien pour Sudbury, mais moins bien pour les alentours.

«On déplaçait le problème ailleurs en s'assurant que le nuage de pollution ne retombe pas sur Sudbury, mais retombe à des distances plus lointaines», fait-il remarquer.

Il mentionne que c'est pour ça que quand on fait des études d'impact de la pollution, on s'aperçoit que dans la région de Killarney, il y a aussi des effets de la pollution de Sudbury qui se sont fait ressentir à partir du moment où cette cheminée a été construite.

Des réalisations satisfaisantes

Les deux conférenciers reconnaissent que des résultats mesurables sont là en ce qui concerne la protection de l’environnement à Sudbury.

«En termes de pollution, avec 80 000 hectares sur lesquels on a planté des arbres, on a réduit la quantité de sulfure qui était dans l'oxygène. On est passé de 2000 tonnes à 500 tonnes d'émissions par an. Le pH de beaucoup de lacs est remonté», explique l’écologiste Lesbarrères.

«Pour vous donner un exemple, poursuit-il, il y avait beaucoup de lacs dans les années 1970 dont le pH était de quatre. Un pH de 4, c'est à peu près ce qu'on a dans une bouteille de coca-cola. C'est très acide, ça ne permet pas qu'il y ait grand-chose qui vive. Les lacs sont revenus à 7, ou 6.5, ce qui est à peu près l'eau du robinet».

Selon lui, la plantation d’autant d’arbres à Sudbury a permis de doubler la quantité d'oxygène dans l'atmosphère. Elle a un effet dépolluant, mais elle est aussi bénéfique pour les sols environnants, pour l'ensemble de l'écosystème.

Beaucoup reste à faire

Daniel Campbell, qui affirme qu’on est plus ou moins dans les normes, avec différents programmes de réduction de la pollution et des lois et des politiques environnementales plus sévères, suggère de poursuivre le reverdissement de Sudbury.

«Ça va prendre plusieurs années encore, car il y a des endroits plus reculés, moins visibles, mais qui font partie de notre environnement. Il y a encore des métaux rejetés dans l'environnement du nickel, du cuivre…», dit-il.

David Lesbarrères est du même. «On estime qu’il reste à peu près 30 000 hectares à couvrir de végétation et d'arbres dans les environs de Sudbury», précise-t-il.

Il fait remarquer que si on s'écarte un peu des centres visibles, on peut trouver encore des endroits où la roche est noire, où il n'y a aucune végétation. Il affirme qu’on peut même retrouver des troncs d'arbres très âgés, qui ont une centaine d'années, dont il ne reste plus que les souches complètement brûlées par les pluies acides qu'il y a eu dans les années 1950 et 1960.

Bien qu’il y ait encore beaucoup à faire, Daniel Campbell est optimiste.

«Sudbury est l’une des rares villes dans le monde où les jeunes sont associés aux échanges sur des questions environnementales. Ils apprennent l'historique environnementale de Sudbury, et comment on peut en réparer les dégâts», laisse savoir M. Campbell.

David Lesbarrères termine, lui, sur un message aux résidents de Sudbury. Pour lui, la restauration des arbres et de l'environnement de Sudbury est une bonne chose, mais il faut qu'on s'attache aussi à protéger ce qui nous entoure, à protéger les environnements qui n'ont pas été affectés.

«Pas très loin de Sudbury, il y a Wolf Lake, une forêt dont les arbres ont 310 ans, qui sont beaucoup plus vieux que l'histoire de Sudbury et qui sont menacés d'être coupés par les industries forestières», déplore-t-il.

«L'avenir de l'histoire de Sudbury, c'est de continuer à restaurer ce qu'on a, mais également de protéger ce qu'on a aux alentours», insiste David Lesbarrères.

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David Lesbarrères, écologiste et spécialiste de la biodiversité à Environnement et Changement climatique Canada — Photo : Courtoisie

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  • Date de création 24 février, 2024
  • Dernière mise à jour 24 février, 2024
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