Prix du lait, une «hausse artificielle»

Le 1er septembre dernier, le prix du lait a grimpé pour la deuxième fois cette année, de 2 cents le litre.  Cette hausse de 2,5 % se répercute sur le panier d’épicerie des consommateurs.  Pour Sylvain Charlebois, professeur en agroalimentaire à l’Université de Dalhousie en Nouvelle-Écosse, cette augmentation n’est pas justifiée, et pourrait conduire à la disparition de nombreuses fermes laitières.

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Propos recueillis par Marine Ernoult

IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne

 

 

 

Le prix du lait a grimpé de 2 cents le litre, jeudi 1er septembre.  Cette hausse, décidée par la Commission canadienne du lait qui supervise le système de gestion de l’offre laitière, est la seconde de l’année.  Les prix avaient en effet déjà augmenté de 6 cents le litre, soit environ 8,4 %, le 1er février.

Sylvain Charlebois, directeur principal du laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire à l’Université de Dalhousie en Nouvelle-Écosse, nous explique les tenants et les aboutissants de cette augmentation historique.

Quelles sont les causes de cette hausse sans précédent du prix du lait?

En premier lieu, il faut insister sur son caractère exceptionnel.  Deux augmentations consécutives en moins d’un an, cela n’a dû arriver que deux ou trois fois au cours des cinquante dernières années.

Les exploitants laitiers ont réclamé une hausse du prix à cause de la forte inflation.  Ils affirment qu’ils sont confrontés à des envolées inédites de prix sur les biens et services dont ils ont besoin pour produire le lait.  Ils parlent de flambée du coût des aliments pour animaux, de l’énergie, mais aussi des engrais.

Est-ce que vous estimez cette augmentation justifiée?

Ce n’est pas fondé, c’est une hausse artificielle qui pénalise les consommateurs.  Des données de la Commission canadienne du lait ont récemment fuité et ont révélé que les coûts de production ont en réalité baissé entre 2021 et 2022.

Selon les résultats de l’enquête 2021 menée par la Commission, certains coûts ont augmenté, comme ceux des aliments pour animaux, à 0,76 $ par hectolitre, et du carburant, à 0,28 $ par hectolitre.  Mais d’autres coûts unitaires ont baissé, ce qui l’emporte sur les éléments qui valent plus cher.  Par exemple, les tarifs de la main-d’œuvre ont diminué de 0,91 $ par hectolitre.

Les premiers résultats de l’enquête 2022 suggèrent que les coûts augmentent, mais cela devrait avoir une incidence sur les prix en 2023, et non cette année.

L’idée que la production laitière puisse être moins coûteuse peut sembler contre-intuitive…

L’inflation touche tous les aspects de notre vie.  Pourtant, la réalité est que de nombreuses fermes laitières fonctionnent aujourd’hui pratiquement sans aucun être humain.  La technologie prend en charge les aspects les plus intensifs de l’élevage.

Selon Agriculture et Agroalimentaire Canada, le Canada comptait 977 000 vaches laitières en 2021 et produisait 95 millions d’hectolitres de lait.  En 1990, le Canada disposait d’environ 1,4 million de vaches laitières et produisait 73 millions d’hectolitres de lait.  Cela représente 43 % de vaches en moins, pour une augmentation de 31 % de la production.  C’est un facteur qui devrait permettre de réduire les coûts.

Cette hausse n’est-elle pas une bonne nouvelle pour les agriculteurs qui sont ainsi mieux rémunérés?

Effectivement, par rapport à février, les producteurs laitiers reçoivent 11 % de plus pour leur lait.  C’est formidable pour nos agriculteurs, mais dans le même temps les prix des produits laitiers en épicerie ont grimpé en flèche.  Depuis février, selon BetterCart Analytics, les prix du lait liquide ont augmenté d’environ 25 %.  Les tarifs du yogourt, du fromage, de la crème sure et de la crème glacée sont également beaucoup plus élevés depuis février, et nous nous attendons à un autre bond dans les semaines à venir alors que les enfants retournent à l’école.  Cela ne pouvait pas arriver à un pire moment.

Les exploitants veulent être payés plus à cause de l’inflation.  Mais s’il y a une demande plus faible dans les épiceries à cause de la hausse des prix, cela pourrait aussi faire disparaître des fermes.  Des produits laitiers disparaissent déjà des étals avec les hausses record de cette année.  À mon avis, la faible demande va entraîner une réorganisation des quotas.

 

 

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Photos

 

Sylvain Charlebois est directeur principal du laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire à l’Université de Dalhousie en Nouvelle-Écosse.  (Photo : Gracieuseté)

 

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  • Date de création 7 septembre, 2022
  • Dernière mise à jour 7 septembre, 2022
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