Pensionnat de Chooutla : quinze sites « potentiels » de tombes aux alentours de l’ancienne école

Le Projet des enfants disparus des pensionnats du Yukon (The Yukon Residential School Missing Children Project - YRSMCP) a été créé pour faciliter les recherches dans les pensionnats autochtones à l’échelle du Yukon. Les résultats des études et des recherches au sujet de l’école de Chooutla, à Carcross, ont été annoncés le 26 septembre dernier.

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Maryne Dumaine

IJL – Réseau.Presse – L’Aurore boréale

 

 

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L’école résidentielle de Chooutla a ouvert ses portes en 1903, administrée par l’Église anglicane. Située sur deux emplacements distincts, elle a opéré jusqu’en 1969, année où les pensionnats autochtones ont cessé d’être subventionnés par le gouvernement fédéral.

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Le bâtiment a été démoli en 1993. Aujourd’hui, seul un morceau de l’escalier en béton qui donnait accès au dortoir des garçons est resté sur place, pour la mémoire collective. Aux alentours, les travaux de recherches suggèrent que, sous terre, plusieurs sites d’inhumation sans sépulture pourraient exister.

Le travail de recherche

Suite à l’invitation et en partenariat avec la Première Nation de Carcross/Tagish (C/TFN), le YRSMCP a élaboré un plan de recherche pour l’école Chooutla. Les recherches sur le terrain, effectuées en juin 2023 par l’entreprise GeoScan, ont été faites grâce à des méthodes géophysiques « de pointe ». Elles ont été réalisées et mises en relation avec des recherches documentaires et des témoignages de personnes survivantes de l’école, colligées par l’organisation Know History.

L’organisme a indiqué avoir travaillé avec 4 555 documents depuis janvier 2022, et envoyé près de 180 demandes d’accès à l’information et protection de la vie privée, dont près de 70 n’ont abouti qu’à un accès partiel.

Depuis le début 2022, les travaux de GeoScan se déroulent sous la direction de Brian Whiting, géophysicien docteur spécialisé en géophysique archéologique, notamment pour plusieurs recherches concernant la fouille de cimetières ou dans les recherches sur les sites de pensionnats.

Afin de pouvoir sonder le sol, l’équipe de recherche a utilisé un géoradar. C’est donc à pied, méticuleusement, que l’équipe a été déployée pour sonder les sites identifiés au préalable. Au total, 37 188 m2 de terrain ont été étudiés.

Quinze tombes potentielles

« Aucun géoradar ne permet d’identifier si le sol contient des os », a expliqué le géophysicien. Le processus d’interprétation des données se base donc sur les anomalies dans la composition du sol, qui pourraient notamment indiquer que le sol a été creusé et replacé.

Sur le site de Chooutla, GeoScan a estimé qu’un total de quinze sites pourraient potentiellement correspondre à des tombes, compte tenu de la composition du sol différente de celle de son état naturel. Ces éléments couvrent environ 58 m2.

« Douze de ces éléments étaient situés sur un terrain plat et assez ouvert qui semble propice à l’implantation d’une tombe; ceux-ci se trouvaient tous à une certaine distance du complexe scolaire et auraient probablement été hors de vue de l’école au moment où elle fonctionnait. De plus, ces douze emplacements se trouvent tous dans des endroits qui ont été mentionnés par les personnes survivantes des écoles et les membres de la communauté comme pouvant être des lieux d’inhumation. Les trois autres éléments ressemblant à des tombes potentielles sont beaucoup plus proches du complexe scolaire, où le sol a été perturbé à plusieurs reprises au fil des ans par la construction et la démolition », a expliqué le scientifique.

Derrière des tombes potentielles, des enfants…

Know History a pu identifier 33 décès survenus au pensionnat de Chooutla. Les recherches ont été principalement menées dans les Archives territoriales du Yukon, les archives du Synode général anglican et Bibliothèque et Archives Canada.

Le rapport de Know History conforte les soupçons de la communauté selon lesquels davantage d’enfants sont morts alors qu’ils fréquentaient le pensionnat de Chooutla que ce qui avait été estimé par le Registre national des étudiants à la mémoire des étudiants du Centre national pour la vérité et la réconciliation, qui avait indiqué que 20 décès étaient survenus à l’école.

« Nous n’en sommes encore qu’au début. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour apporter des réponses aux familles et la justice pour ces enfants, mais nous pensons que ces rapports nous rapprochent davantage », indique Know History.

« Découvrir la vérité n’a jamais été facile », a déclaré Judy Gingell, présidente du Yukon Residential School and Missing Children Project. « Notre peuple vit avec les horribles souvenirs de l’époque des pensionnats depuis des générations. Mes pensées aujourd’hui vont aux familles des enfants qui ne sont jamais rentrés chez eux et aux survivant·e·s qui portent un lourd fardeau. J’espère que la mise à jour d’aujourd’hui contribuera au cheminement vers la guérison. »

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Photos

Titre : Chooutla.JPG

Légende : Know History et GeoScan ont annoncé les résultats de leurs recherches devant le groupe Yukon Residential School Missing Children Project le 26 septembre dernier. Plusieurs personnes survivant·e·s ou de la famille des enfants qui sont morts dans ces écoles font partie de ce groupe.

Photo : Maryne Dumaine

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  • Date de création 13 octobre, 2023
  • Dernière mise à jour 11 octobre, 2023
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