Pas de consensus sur la réglementation des logements de location à court terme

Isabel Mosseler

IJL – Réseau.Presse - Tribune : la Voix du Nipissing Ouest

L’arrêté municipal proposé sur les logements de location à court terme (LLCT), dont une deuxième ébauche a été présentée à la réunion du conseil municipal de Nipissing Ouest le 5 mars, pourrait s'avérer aussi litigieux que le règlement sur les caravanes des deux années précédentes. Un comité spécial a été formé pour élaborer la proposition, mais les conseillers Fern Pellerin (Verner) et Jérôme Courchesne (Lavigne) l’ont rejetée, la jugeant trop restrictive à la lumière des préoccupations de leurs électeurs.

La Tribune a également entendu plusieurs critiques de la part d'opérateurs de logements à court terme, qui ont choisi de ne pas être cités directement, certains d'entre eux estimant que le conseil abuse de son pouvoir. L’arrêté proposé exigerait un nouveau permis d’opération qu’il faudra payer et plusieurs nouvelles restrictions et obligations, puis des sanctions en cas de non-respect des règles, le tout imposé à un secteur qui a fonctionné sans réglementation municipale jusqu'à présent. Un propriétaire de LLCT a déclaré à la Tribune que les restrictions limiteront les possibilités d'achat de propriétés au bord de l’eau, car de nombreux acheteurs dépendent des revenus de location pour alléger leurs coûts d’hypothèque.

Lorsque les membres du conseil municipal ont été invités à commenter l’ébauche de l’arrêté, le conseiller Fernand Pellerin n’a pas caché son opposition au texte. «Par où commencer? Je trouve cette politique bien trop restrictive. (...) Au paragraphe 52,2, la preuve d'assurance, nous ne demandons même pas cela aux opérateurs de motels ou de camps de touristes. Pourquoi donc toutes ces obligations?» La greffière Melanie Ducharme a répondu que la ville demande effectivement une preuve d'assurance à plusieurs commerces, dont les taxis et les kiosques de restauration itinérants. «Nous avons une certaine responsabilité et la municipalité veut être assurée de la présence d’assurance et de la sûreté du logement loué,» a-t-elle affirmé.

M. Pellerin n’était pas convaincu, soulignant d'autres exigences qu'il jugeait excessives. "Et un plan du site? Cela signifie-t-il que le propriétaire doit embaucher quelqu'un pour faire des plans afin que l’on approuve l’utilisation du site?» On lui a répondu que ce serait le même processus que pour les permis de construire, c'est-à-dire que le contribuable fournirait un croquis de sa propriété indiquant l'emplacement du bâtiment à louer. M. Pellerin jugeait aussi trop contraignant d’obliger que la surface de stationnement soit pavée (…) ou en gravier. «Le terrain est déjà là (...), c'est mon problème [comme propriétaire] si [le locataire] endommage le terrain. Pourquoi sommes-nous aussi pointilleux?" Mme Ducharme a répliqué que le paragraphe sur le stationnement était conforme au règlement de zonage actuel.

M. Pellerin s'est ensuite interrogé sur les conditions d'utilisation d'un chemin privé par les locataires d’un LLCT. «Quelle est la différence entre une maison sur un chemin privé, un chalet ou une location à court terme?» L’administration a souligné que l'entretien des chemins privés fait l'objet d'un accord entre les propriétaires d’un même chemin. «Si la route passe sur la propriété privée de quelqu'un qui a accordé le droit de passage au propriétaire de cette habitation particulière, dans ce cas, le propriétaire étend ce droit à des clients payants (...). Le propriétaire [de la route] n'accorde le droit de passage qu'au propriétaire [du LLCT], pas à un tas d'autres personnes. Cette question a fait l'objet de plaintes et de quelques demandes de service [...concernant] l'utilisation imprudente de la route,» a expliqué Mme Ducharme.

Le conseiller Roch St-Louis a dit qu'il comprenait l’obligation de garder les chemins privés ouverts et accessibles aux véhicules d'urgence, mais il a demandé «si une partie de cette responsabilité n'incombe pas au propriétaire et à l'assureur de la personne qui possède le LLCT ? (...) Cela devrait être énoncé dans le contrat de location à court terme,» interdisant aux locataires de bloquer la route, a-t-il suggéré. Il a également souligné que les LLCT sur les îles n'ont pas d'accès routier du tout.

Stephan Poulin, directeur des services sociaux et communautaires, a expliqué : «Si vous êtes sur un chemin privé et que vous voulez faire un LLCT, vous devez obtenir le consentement de toutes les personnes qui se trouvent sur ce chemin. (...) Nous disons simplement qu'avant que la municipalité n’accorde ce permis (...) il faut obtenir la permission de tous vos voisins pour pouvoir attirer des clients en utilisant ce chemin privé.»

L’administration a toutefois rappelé que toutes les dispositions de l’arrêté proposé pouvaient encore être modifiées si c’était le souhait du conseil.

Le conseiller Courchesne, qui représente Lavigne et Monetville Nord, dont une bonne partie longe le lac Nipissing, a entendu de nombreuses préoccupations de la part de ses électeurs. «Ils ont soulevé des points très valables. (...) Nous devons trouver un équilibre entre la sécurité et le bien-être des résidents, le droit de profiter de sa propriété, l'aspect environnemental et la nécessité d'assurer que nos cours d'eau (...) ne subissent pas la prolifération d'algues bleues à partir de la fin du mois de juin. (...) Si nous acceptons la proposition telle qu'elle est rédigée aujourd'hui, nous y allons un peu trop fort. Certains de ces propriétaires opèrent en toute légitimité depuis 15 à 20 ans, et ils sont également résidents de la municipalité. Avons-nous examiné la possibilité d’une clause grand-père» pour protéger les droits acquis, a-t-il demandé.

Selon M. Courchesne, l’arrêté devrait viser les quelques «pommes pourries», et non causer des difficultés à la majorité des propriétaires responsables. Il a mentionné des personnes handicapées aux revenus limités qui ont décidé de louer des logements pour arriver à boucler leur fin de mois, et il a voulu «trouver un équilibre sain en respectant les droits des contribuables» à profiter de leur propriété sans exposer les autres à des bruits ou des déchets excessifs. «Il y a différents degrés d'impact sur les gens si nous l'adoptons tel quel et ce que je recommanderais, c'est (...) d'inclure une clause de non-conformité légale (...) Il ne faut pas pénaliser ce qui existe déjà. Ensuite, avec le système de points d'inaptitude (...), il faut s'attaquer aux pommes pourries et traiter les problèmes au cas par cas (...), sinon nous allons nuire à certaines personnes et certains opérateurs.»

Mme Ducharme a fait remarquer que dans les versions antérieures de l’arrêté, il avait toujours été prévu que les exploitants auraient besoin d’un permis. M. Couchesne persistait à dire que le texte restait trop radical pour les exploitants actuels. La conseillère Anne Tessier a recommandé d'autres consultations publiques, afin d'entendre le point de vue des personnes touchées. Le conseiller Jamie Restoule a rappelé que toute consultation viserait aussi les voisins des LLCT pour entendre leurs préoccupations. Mme Tessier était bien d'accord qu’il fallait entendre tous les points de vue.

La mairesse Kathleen Thorne Rochon a rappelé que, lors de consultations antérieures, les exploitants avaient accepté d'emblée que le taux d’occupation soit dicté par la capacité de leur système septique, car ils «comprennent l'importance de garder nos cours d'eau propres et beaucoup d'entre eux ont compris la demande d’une preuve d'assurance parce qu'ils reconnaissent que leur exploitation peut entrainer une responsabilité légale.»

Néanmoins, elle voulait voir la municipalité concevoir un règlement qui ne pénaliserait pas les gens sans raison. «Je serais favorable à ce que (...) nos exploitants actuels aient la priorité dans l’accès aux permis (...) Ils auront toujours besoin d'un permis d’exploitation, d'une fosse septique et d'un permis d'occupation (...). Nous voulons que les visiteurs qui viennent dans notre municipalité en tant que touristes séjournent dans des logements sûrs. Je veux que ces logements soient équipés de détecteurs d'incendie et de fumée, de détecteurs de monoxyde de carbone et d'extincteurs. (...) Tout ce que nous faisons ici à cette table ne doit pas être trop contraignant pour les bons exploitants. (...) Ce sont eux qui apportent le tourisme dans cette communauté,» a reconnu la mairesse.

Voyant les discussions tourner en rond, l’administrateur municipal Jean-Pierre Barbeau a suggéré au conseil de ne pas s'éparpiller en essayant d'accepter le règlement dans son intégralité, mais plutôt d'aborder chaque paragraphe individuellement afin de parvenir à un consensus sur chacun d'entre eux. «D'une manière générale, souhaitez-vous avoir un règlement? Il semble que vous tourniez un peu en rond (...), sans parvenir à un consensus pour trouver une solution. (...) Ma recommandation, c’est de discuter de chaque partie, de parvenir à un consensus sur chaque point séparément - droits acquis, chemins privés, caravanes de camping (...) Il s'agit d'un document qui provoquera à la fois des avantages et des inconvénients pour les membres du public,» a-t-il conseillé.

Le conseil a accepté la recommandation et l’arrêté proposé sera examiné en détail lors de la prochaine réunion, avant qu'une décision finale ne soit prise.

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Photo : Kathleen Thorne-Rochon, mairesse de Nipissing Ouest.

Crédit photo : Courtoisie

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  • Date de création 15 mars, 2024
  • Dernière mise à jour 15 mars, 2024
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