Où se rassemble votre francophonie?

Il a souvent été évoqué que pour exister, une culture doit être visible. Elle doit avoir pignon sur rue. Notre culture a besoin de lieux pour se manifester. Il n’y a que Céline Dion qui da-da-da-danse dans sa tête. Pour nous tous, communs des mortels, nous avons encore besoin d’un plancher, des murs. Aussi, pour renforcer ce besoin basique, la francophonie ontarienne a mis sur pied maintes campagnes pour augmenter la présence publique de notre langue, porteuse culturelle. Vous vous souvenez des petites affiches : «Ici on parle français». En fait, la dernière campagne n’a pas plus que quelques années. Inspirée par la démolition prochaine de la salle paroissiale de Lafontaine, regardons de ce point de vue l’importance de nos marqueurs culturels.

_______________________
Joëlle Roy
– IJL – Réseau.Presse
– Le Goût de vivre

Que représentent les lieux pour notre expression culturelle? D’abord, ces lieux sont les facilitateurs de notre existence culturelle. La salle de Lafontaine, avec son esthétique douteux, était tout de même un flambeau franco. Son affiche d’un autre siècle affichait clairement qu’à Lafontaine, existe une communauté assez francophone pour qu’on nomme la bâtisse «SALLE PAROISSIALE». Si on tourne la tête et qu’on voit l’église avec son drapeau franco-ontarien, on sait qu’il y a des Francophones dans le coin.

À Penetanguishene, quand on descend la côte et que l’on aperçoit la vieille «poste office» que tous connaissent sous le nom de Centre d’activités françaises. C’est grand comme symbole et on ne peut pas manquer La Clé. Toutes ces briques affirment : «Nous sommes là! Bien installés pour y rester!» Peu importe qui débarque à Penetanguishene, un gros édifice témoigne de notre existence et présence.

Que dire de Perkinsfield qui a été éprouvé dans ce domaine en perdant son école et son presbytère. Et pourtant, une communauté vibrante a tout fait pour sauver son école primaire qui était aussi un lieu de rencontre pour les familles. Les activités scolaires et parascolaires réunissent régulièrement la communauté. Quant au presbytère, un bon matin, sans avertir, on jette par terre le dernier lieu où se rencontraient les organisateurs communautaires.

Interrogée sur ce sujet, Bonita Desroches nous livre une boule d’émotion, même après plus de vingt ans. «La fermeture de notre école nous a arraché le cœur». Après avoir été conseillère scolaire plusieurs années cette maman et citoyenne préoccupée a été au coeur des débats lors de la fermeture de l’école Saints-Martyrs-Canadiens. On comptait sur une solidarité francophone : «les communautés francophones environnantes se sont tues, craignant d’être les prochaines à être visées». Ce qui fait le plus mal, c’est l’interprétation que les francos de Perkinsfield ont pu y apposer. «L’étranglement de l’École Sts-Martyrs Canadiens nous a dit que la communauté francophone de Perkinsfield n’était pas assez ‘française pour être sauvée’, ni assez importante. C’est honteux.»

La fermeture de l’école a eu de grandes répercussions car elle venait anéantir la possibilité de rassemblement de la communauté dans de multiples prétextes scolaires-communautaires : souper spaghetti, concerts de Noël, de fin de l’année, graduations ainsi que les joutes sportives. De plus le gymnase de l’école servait de salle communautaire après les funérailles. Perkinsfield n’a pas moins de communauté francophone mais qui le saurait sans la moindre trace? Si nous n’allons pas à la messe française pour voir les agneaux rassemblés, nous pourrions traverser cette communauté sans le moindre indice qu’une communauté franco s’y dissimule.

Au nord de notre région, les chefs de file de la communauté francophone de Sudbury ont travaillé d’arrache-pied durant les dernières années pour qu’un lieu unique rassemble plusieurs organismes. Ces multiples locaux permettent à leur communauté de se rassembler pour diverses raisons sociales et culturelles. Où se rassemble la francophonie à Sudbury? Entre autres, à la Place des Arts! Ce lieu magnifique témoigne de la vitalité d’une communauté qui a affirmé mériter ce qu’il y a de mieux pour l’expression de sa francophonie.

Quant à la démolition probable de la salle paroissiale de Lafontaine, le deuil c’est de ne plus avoir d’endroit pour rassembler les familles. La soirée de contes, organisée jadis le jeudi du Festival du loup ne se déménage pas ailleurs. Organiser un musée dans une salle qui a vu les générations y passer avec les baptêmes, les noces, les funérailles, les rassemblements de familles c’est irremplaçable.

Suzanne Rose a coordonné pendant quelques années le Musée vivant de Lafontaine déployé dans ladite salle. «S’il y a une place qui renferme l’histoire de nos familles, nos traditions et notre héritage francophone c’est bien cette salle construite en 1939 au cœur du village. C’était l’endroit pour les rassemblements communautaires francophones». Et c’est précisément cette association qui en fait un marqueur francophone. Suzanne nous étale la feuille de route de cette cabane : réunions d’information, prise de décisions (culture de la patate, coopérative, école secondaire francophone, les fameux bazars, le Villageois, Festival du loup entre autres), repas des dames de Ste-Anne après les funérailles, les soupers de pâtés de poulet organisés par la paroisse, ensuite par le Comité de parc et récréation et par la suite par le club de l’âge d’or. «La salle a permis à la communauté francophone de se rassembler pour célébrer sa culture à travers la musique, la danse, le conte, l’artisanat, le théâtre… les gens parlent encore des cafés chantants et des pièces de théâtre.»

Il ne faudrait pas passer sous silence l’impact qu’a eu la pandémie sur cette salle qui avait déjà un grand besoin de rénovations afin de répondre aux normes de sécurité de plus en plus exigeantes de nos jours. De plus, l’édifice est géré par le diocèse de Toronto au même titre que l’église. Ainsi le comité paroissial s’est retrouvé face à l’ultime décision soit rénover la salle paroissiale ou l’église. Le choix de rénover l’église s’imposait!

Le but n’est pas de radoter le passé mais plutôt de se questionner sur l’avenir qui ne peut se réaliser dans les airs. Notre culture a besoin d’espaces pour se manifester et s’épanouir.

-30-

Photo

Titre : Salle paroissiale
Légende : La salle paroissiale de Lafontaine hébergeait le Musée vivant dans le cadre de la programmation du Festival du loup.
Crédit : Thérèse F. Maheu

  • Nombre de fichiers 2
  • Date de création 6 avril, 2023
  • Dernière mise à jour 6 avril, 2023
error: Contenu protégé, veuillez télécharger l\'article