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O'Toole : le défi d’un parti conservateur géographiquement plus équilibré

À 47 ans, l’Ontarien Erin O'Toole a surpris en étant choisi chef du Parti conservateur du Canada, le 23 août dernier. La répartition géographique des représentants du cabinet fantôme conservateur, qui apparaît plus harmonieuse, sera-t-elle un pas dans la bonne direction dans l’éventualité d’une élection fédérale? Et sera-t-elle suffisamment bien ficelée pour que le parti gagne en popularité dans l’Est - l’Ontario, le Québec et l'Atlantique - tout en conservant ses fortes attaches dans les Prairies - l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba ?

Marie-Paule Berthiaume

Initiative de journalisme local – APF - Ouest

Les essentiels : l’Alberta et la Saskatchewan

« Le centre du pouvoir reste dans l’Ouest canadien », affirme le politologue Peter Graefe de l’Université McMaster, à Hamilton, une idée que le député de Calgary Shepard et président du caucus conservateur national, Tom Kmiec, et l’ensemble des politologues approchés partagent. Selon Graefe, la majorité des membres du parti, la force organisationnelle et une portion importante de la base financière y sont rattachés.

Erin O'Toole, avec ses valeurs représentatives de la base du parti dans l'Ouest canadien, se rapproche des racines du Parti réformiste basé dans les Prairies plutôt que de celles du Parti progressiste-conservateur au Canada central, explique la politologue Bianca Jamal de l’Université de Saskatchewan.

Le politologue à l’Université de Saskatchewan, Joseph Garcea, soulève une similarité importante entre l'Alberta et la Saskatchewan. « Elles ne veulent pas juste un changement de politique, explique Garcea, elles veulent un changement de régime ». Selon lui, ces deux provinces veulent rayer les libéraux de la carte et accueillir à bras ouverts les conservateurs afin qu’ils redéfinissent le fédéralisme en leur faveur, à travers la péréquation entre autres.

Aussi, plusieurs des politologues approchés soulignent l’importance du soutien du premier ministre albertain, Jason Kenney, dans la victoire d’O’Toole. Lors d’une conférence de presse en date du 6 mars dernier, Kenney déclarait qu’il «doit y avoir un changement en Ontario et O'Toole est le mieux qualifié à cet effet ».

Opération charme : l’Ontario

Pour l'Ontarien Peter Graefe, le discours conservateur qui s’organise autour du libre-échange depuis la fin des années Harper est plutôt déconnecté de la réalité ontarienne. Graefe entrevoit désormais une incursion possible du parti en Ontario. Pour y arriver, explique-t-il, le parti doit adopter une stratégie plus agressive face aux défis du changement climatique et proposer des infrastructures publiques, comme les transports en commun ou des investissements sociaux, pour aider à la conciliation travail-famille, par exemple. Il rappelle qu’une vidéo d’Erin O’Toole en l’honneur de la Fête du travail 2020, sensible aux défis actuels dans le secteur manufacturier, présente un discours plus apte à attirer les votes dans la région de Toronto où se trouvent plusieurs emplois dans ce secteur.

Le tour de force : le Québec

La majorité des politologues approchés mentionnent l’importance pour O’Toole d’apprendre à mieux communiquer avec les Québécois en continuant à améliorer son français et en leur présentant une plateforme séduisante. Politologue à l’Université Simon Fraser, Sanjay Jeram rappelle l’échec du Parti conservateur à s’engager auprès des Québécois sous le gouvernement Harper. Selon lui, rien n’indique jusqu’à présent que le parti soit capable d’étendre sa base présente au pourtour de la ville de Québec.

Et le reste du Canada

La nomination de la Manitobaine Candice Bergen, en tant que chef adjointe de l’équipe du leadership du parti aux Communes, démontre une volonté d’équilibrer la répartition géographique du parti dans le paysage canadien.

Selon le politologue au collège Saint-Paul de l’Université du Manitoba, Christopher Adams, , le Parti conservateur a l’opportunité de développer son électorat de la banlieue de Winnipeg et de s’appuyer sur la portion sud du Manitoba rural déjà acquise au parti. Joseph Garcea note que les conservateurs devront  développer un plan spécifique pour la partie nord du Manitoba tout en s’imposant un exercice similaire pour les autres provinces.

Il prévoit également que le parti travaillera à consolider sa base occidentale tout en reprenant certains messages clé de ses principaux adversaires pour séduire l'Ontario, le Québec et l'Atlantique.

Quant à la Colombie-Britannique et les territoires, explique Garcea, une présence conservatrice forte exige une vision progressiste et une gestion des enjeux plus exigeante, ce qui semble hors de portée pour l’équipe O’Toole.

Le verdict

La majorité des spécialistes en science politique consultés aux fins de cet article ne perçoivent donc pas de glissement du Parti conservateur vers le centre du Canada. Par contre, les députés conservateurs interrogés, dont le leader de l’opposition officielle à la Chambre Gérard Deltell, insistent sur l’importance d’une juste représentation de l’ensemble des régions canadiennes.

Le politologue de l’Université de la Colombie-Britannique, Alex B. Rivard, conclut qu’une «chose est claire : il y a une base dans l’Ouest qui est fidèle aux conservateurs, mais cela reste à voir si O’Toole est prêt à se distancier de leurs préoccupations pour présenter un parti conservateur qui reflète les vœux et les besoins du Canada entier. »

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Bas de vignette :

O'Toole prend un appel dans le bureau de son chef de l'opposition sur la Colline du Parlement.

Crédit photo :

Bureau du chef de l’Opposition officielle

 

 

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  • Date de création 17 septembre, 2020
  • Dernière mise à jour 18 septembre, 2020
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