Ontario: la crise des virus respiratoires chez les tout-petits se poursuit

ÉMILIE GOUGEON-PELLETIER

Initiative de journalisme local — Le Droit

Alors que l’Ontario recommande fortement le port du masque à l'intérieur pour gérer la saison des virus respiratoires chez les enfants, le premier ministre de l’Ontario Doug Ford et la plupart des députés progressistes-conservateurs étaient sans masque à Queen’s Park, mardi, au grand désarroi de l’opposition.

En annonçant qu’il recommandait fortement le port du masque, lundi, le médecin hygiéniste en chef de l’Ontario Kieran Moore a insisté que «nous devons revenir aux bases» pour «soutenir le système de santé pédiatrique de l'Ontario».  

N’empêche, la ministre de la Santé insiste: le port du masque est un choix personnel. 

Mardi, Sylvia Jones était l’une des seules qui portait un masque à l’intérieur de l’Assemblée législative de l’Ontario.

La majorité de ses collègues, y compris le premier ministre Doug Ford, ont préféré ne pas tenir compte de la recommandation du médecin hygiéniste en chef, choisi par la province et en poste depuis juin 2021.

Dimanche, Doug Ford a dit aux journalistes qu’il suivait les instructions du Dr Kieran Moore, que les gens devraient «porter un masque chaque fois qu’il est possible» et qu’il faut s’assurer d’être à jour dans sa vaccination.

«Depuis le début de cette pandémie, il n'y a rien que le premier ministre n'ait fait pour protéger nos enfants et nos plus vulnérables», a martelé Mme Jones, défendant bec et ongles son gouvernement.

Le chef du Parti libéral de l’Ontario John Fraser estime qu’en omettant son masque, le premier ministre démontre qu’il est indifférent face aux enfants malades de la province. «Il a peur d’être impopulaire», a lancé M. Fraser en mêlée de presse, mardi.

Son collègue libéral Adil Shamji accuse la ministre de la Santé de «vivre dans une autre réalité».

Le NPD ontarien juge que Doug Ford fait preuve d’un manque de leadership.  

Plaidoyer

À travers la province, les virus respiratoires qui circulent actuellement, particulièrement chez les plus petits, engorgent les salles d'urgences et les hôpitaux pour enfants.

L’afflux d’infections et de maladies respiratoires chez les petits entraîne des temps d’attente record et force certains hôpitaux à placer les adolescents de 14 ans et plus qui en ont besoin dans des lits pour adultes.

Sans donner trop de détails, le PDG du Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario (CHEO) Alex Munter a fait savoir sur les réseaux sociaux que ses urgences ont été la scène de quatre réanimations dimanche et de trois, lundi. En deux jours, ce sont donc sept jeunes enfants dont le cœur a cessé de battre pendant un moment.

Dans la même veine, Alex Munter a tenu à réitérer son plaidoyer demandant aux Ontariens de porter le masque et de se faire vacciner afin d’aider à «freiner la propagation des maladies infectieuses évitables».

Au CHEO, des familles attendent plusieurs heures avec leur enfant malade aux urgences avant de pouvoir voir un médecin.

Au cours de la dernière semaine, l'indicateur de la période d'attente la plus longue pour voir un médecin du CHEO a affiché des temps d’attente atteignant les 17 heures.

Le CHEO «connaît actuellement plus du double de son volume normal de patients plus jeunes, et ils se présentent en étant encore plus malades qu’à l’habitude», selon l’administration. 

Le centre hospitalier pour enfants explique que la haute saison virale est arrivée plus tôt qu’à l’habitude.

La semaine dernière, le CHEO a annoncé l’ouverture d’une deuxième unité de soins intensifs pédiatriques en raison du trop grand afflux de bébés et de jeunes enfants «gravement malades».

À Toronto, l’hôpital pour enfants malades SickKids a annoncé la semaine dernière l’annulation de chirurgies pour augmenter la capacité dans ses unités de soins intensifs, débordées d’enfants atteints d’infections respiratoires.

Entre 50 à 100 enfants seraient touchés par cette décision, selon l’administration. Et ce nombre pourrait augmenter.

Vendredi, le PDG Ronald Cohn a demandé à la population de «faire ce qu’il faut» et de porter un masque dans les espaces intérieurs.

Le retour du masque doit se faire, croient des parents d'enfants malades

Zaid et sa femme sont venus à l'urgence du CHEO avec leur fils d'âge primaire, mardi soir. Le jeune garçon fait de la fièvre depuis vendredi dernier. 

Rencontré par Le Droit à l’extérieur de l’urgence de l'établissement, le père de famille a indiqué suivre l'évolution de la capacité des salles d'urgence en Ontario dans les médias et savoir que le temps d'attente est élevé. Au moment où Zaid a quitté la maison, le temps d'attente de la salle d'urgence était d'environ six heures, indique-t-il. «Mais je sais que ça peut être, beaucoup, beaucoup plus long.»

Se rendre à l'urgence était ainsi la solution de dernier recours, puisque Zaid ne voulait pas imposer cette attente à son fils. «Ça fait seulement 1h30 qu'on est là et il est déjà épuisé», s'est-il désolé. 

« Ça se propage trop rapidement, trop facilement. Pour limiter la propagation, entre autres chez les enfants, le masque obligatoire, ça peut être un début. »

Zaid

Fatma, de son côté, a dû attendre huit heures mardi avant de voir un médecin pour son bébé âgé d'à peine 20 jours. «C'est très long pour un bébé de cet âge», a-t-elle souligné, lorsque nous l’avons accostée à sa sortie de l’urgence. La situation dépasse simplement la capacité hospitalière, malgré les bonnes intentions du personnel, a-t-elle martelé. «C’est hors de leur contrôle. Il y a beaucoup trop de gens à l’intérieur.» 

Pour Zaid, l’une des solutions pour désengorger les urgences et surtout protéger les enfants, est effectivement le retour d’un mandat gouvernemental de port du masque. «Ma femme est aussi malade. Et moi, je ne peux pas me permettre financièrement de tomber malade. Mon fils, on ne sait pas encore ce qu’il a. Mais quand je vois qu’on parle de ramener le masque dans les écoles, là, on tient quelque chose!» 

«Les virus deviennent plus forts, maintenant que nous nous côtoyons à l’intérieur, a ajouté Fatma, qui abonde dans le même sens. Ça se propage trop rapidement, trop facilement. Pour limiter la propagation, entre autres chez les enfants, le masque obligatoire, ça peut être un début.»

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  • Date de création 16 novembre, 2022
  • Dernière mise à jour 16 novembre, 2022
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