Non, ce n’est pas illégal de traverser une ligne double pour dépasser en Ontario

Au Canada, il est interdit de traverser une ligne jaune double pour effectuer un dépassement… sauf en Ontario, où ces lignes sont plutôt une «suggestion». Mardi, un député a annoncé qu’il tentera de changer la donne.


Par Émilie Gougeon-Pelletier, IJL - Réseau.Presse - Le Droit

 

Chad Bélanger n’a aucun souvenir de ce qui lui est arrivé le 12 janvier 2022.

Alors qu’il se trouvait sur l’autoroute 11, à Kapuskasing, au nord de l’Ontario, un véhicule commercial a traversé une ligne jaune double, en pleine pente, pour en dépasser un autre.

Il faisait -20 °C, et entre les deux camions, Chad Bélanger s’apprêtait à frôler la mort.

Ce n’est que quelques jours plus tard que ce Franco-Ontarien s’est réveillé, à l’hôpital de Sudbury, avec la mâchoire et le cou cassés, les poumons et le cœur blessés et les côtes brisées.

Chad Bélanger (Courtoisie)

Ce n’était pas la première fois qu’il voyait des véhicules effectuer des manœuvres dangereuses, ou tenter de dépasser en traversant une ligne jaune double sur l’autoroute 11.

«C’est arrivé plusieurs fois que j’ai vu des exemples de ça», note-t-il.

Comme bon nombre de personnes, il a été très surpris d’apprendre que contrairement aux États-Unis et à toutes les autres provinces canadiennes, il n’est pas interdit de traverser une ligne jaune double pour effectuer un dépassement, en Ontario.

Au Québec, par exemple, c’est bel et bien illégal, sauf si c’est pour dépasser une machine agricole, un véhicule muni d’un triangle orange avertissant la circulation lente, un véhicule à traction animale, un cycliste ou un piéton.

En Ontario, la ligne est là pour indiquer aux conducteurs qu’il n’est peut-être pas sécuritaire de dépasser dans cette zone de l’autoroute, mais ce n’est techniquement pas contraire à la loi, même si la police a l’autorisation d’imposer une contravention à un conducteur pour un dépassement dangereux.

Changer la donne

Le député de Mushkegowuk-Baie James, Guy Bourgouin, veut changer cela.

«Tout le monde pense que c’est illégal, mais ce n’est qu’une suggestion. Moi aussi, je pensais que c’était la loi»

—  Le député néo-démocrate Guy Bourgouin

Il a déposé mardi un projet de loi intitulé «la loi de Chad», inspiré par le récit de M. Bélanger, visant à rendre illégal le dépassement d’un autre véhicule en traversant les lignes pleines.

«Nous avons besoin d’une telle mesure pour éviter des blessures ou des décès insensés. [...] La majorité des gens respectent les lignes doubles, mais il y a trop de cabochons qui créent ce genre de problèmes que Chad a vécu», a indiqué le député du nord de la province.

Si l’Ontario rend ce genre de manœuvre illégale en vertu du Code de la route, les conducteurs seront incités à être plus prudents, croit Guy Bourgouin.

Son projet de loi prévoit une pénalité minimale de 400$ et d’au moins trois points d’inaptitude pour un conducteur reconnu coupable d’un dépassement sur une ligne double.

Dans le nord de l’Ontario, plusieurs conseils municipaux ont appuyé son initiative, affirme le député provincial.

Il espère aussi le soutien du gouvernement Ford, même s’il dit être «réaliste» en sachant que le NPD n’a pas eu beaucoup de succès à faire adopter les projets de loi déposés par les membres du parti depuis que les progressistes-conservateurs sont au pouvoir.

«Les lois de l’Ontario offrent déjà la possibilité de sanctionner les infractions lorsqu’un conducteur conduit son véhicule de manière dangereuse, notamment en désobéissant à la signalisation ou en dépassant de manière inappropriée», a soutenu le ministère des Transports, dans une déclaration envoyée au Droit, mardi.

Le ministère remarque que l’Ontario s’est classé parmi les cinq territoires ayant les taux de mortalité par 10 000 conducteurs titulaires d’un permis les plus bas en Amérique du Nord, «pendant 22 années consécutives».

Près de deux ans plus tard

Les choses ont beaucoup changé pour Chad Bélanger depuis le 12 janvier 2022.

Ce jour-là, il était parti acheter des outils pour l’entreprise de plomberie pour laquelle il travaillait.

Il y travaille toujours, mais il occupe maintenant un poste administratif.

Il vit désormais avec le syndrome de stress post-traumatique et de l’anxiété, mais il dit qu’il se porte beaucoup mieux.

«Si le projet de loi peut aider à réduire les accidents comme celui-là, ce serait bien. J’espère que ça va arriver», conclut M. Bélanger.

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  • Date de création 22 novembre, 2023
  • Dernière mise à jour 22 novembre, 2023
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