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Nicolas Duvernois, concierge devenu roi du monde de la vodka

Comment Nicolas Duvernois est passé de concierge à créateur de la meilleure vodka du monde ? Ce francophone à la tête de la marque Vodka Pur animait une conférence lors du Rendez-vous d’affaire 2020 du CDÉA, ce 8 février à Calgary. Un récit rocambolesque qui déchire le costume habituellement taillé aux PDG d’entreprises.

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Geoffrey Gaye - Initiative de journalisme local – APF - Ouest

Chandail noir et jean, regard pétillant et sourire aux lèvres. Nicolas Duvernois est décontracté dans la salle de conférence du Sheraton Cavalier Hotel. «J’ai dormi deux heures cette nuit, je vous préviens, je ne suis pas responsable de ce que je vais dire ». Ce Québécois de 40 ans a subi les retards de vol dûs à la tempête de neige qui s’abat sur le Québec. D’une façon décalée, à la manière d’un One man show, il entraîne le public dans son passé.

Une quinzaine d’années auparavant, une envie d’entreprendre luit déjà dans son esprit. Elle serait née en lisant une revue spécialisée. « Je lisais une entrevue de la créatrice de la chaîne de restaurants Cora». Il se souvient encore du titre de l’article : « J’étais obligé de me lancer en affaires». Cette phrase le fascine.

Nouvelle lecture quelques mois plus tard. Une statistique l’attire. « Chaque jour un milliard d’hommes se lèvent et mettent une cravate». Nicolas en est persuadé, le marché est là, il suffit de vendre à au moins 1% des acheteurs pour faire fortune. Il entame l’écriture de son plan d’affaires «de trois pages». Trois jours plus tard, il laisse tomber.

« Le pire échec de l’histoire de la restauration»

En 2006, à l’Université de Montréal, Nicolas Duvernois vient d’obtenir son baccalauréat en Sciences politiques. Lui et trois de ses amis s’associent et ouvrent un restaurant-bar à Montréal. «Dans l’histoire de la restauration mondiale, ça a été le plus grand échec», ironise-t-il. «On a fermé trois mois après, sans jamais avoir réussi à payer un loyer». Mais cette fois, l’échec est formateur. «J’ai découvert le succès de la Vodka, les caisses de bouteilles partaient vraiment vite.»

À l’époque de ce nouvel échec entrepreneurial, il venait de rencontrer Karoline, sa blonde de l’époque avec qui il est marié aujourd’hui. Dépité en rentrant à son appartement, il lui explique son nouvel échec. «Que vas-tu faire maintenant?», lui demande-t-elle ensuite. «Je vais faire de la vodka», répond-il, peu sûr de lui. «Et comment ça va s’appeler?». Instantanément, Nicolas, surpris par la question, reprend : «ça s’appellera Pur Vodka ».

Le concierge de l'hôpital pour enfants fabrique de la vodka

En attendant, Nicolas continue son « job de survie», qu’il conserve, à mi-temps, depuis le début de ses études : concierge à l’hôpital Sainte-Justine. «Je nettoyais le plancher dans un hôpital pour enfants». Endetté par l’argent investi dans le restaurant, il demande à ses responsables d’allonger ses horaires. Dans le même temps, il confectionne sa vodka.

Nicolas Duvernois dit n’avoir jamais beaucoup consommé cet alcool au cours de sa jeunesse. «Pour être entrepreneur, il ne faut pas forcément être spécialiste d’un sujet. On a tous un cerveau pour apprendre». Il se renseigne auprès de certains magasins d’alcool qui lui indiquent qu’aucune vodka du terroir n’existe sur le marché. Sa vodka québécoise à lui, sera faite avec de l’eau de source et du maïs, à la place du blé ou de la pomme de terre de la recette traditionnelle. «Le maïs, c’est l’ingrédient parfait ici en Amérique», dit-il.

Trois ans plus tard, ce Québécois aux racines françaises (Bourgogne) se décide à acheter des bouteilles. « Le minimum c’est un container, c’est-à-dire 10 800 bouteilles», lui explique le vendeur. Deux énormes problèmes se posent à l’entrepreneur : le prix et l’espace.  Pour acheter les bouteilles, il s’endette à nouveau après avoir conclu un marché avec le fournisseur. Pour ce qui est du stockage, il dit avoir entreposé ces 10 800 bouteilles dans son appartement au coeur de Montréal.

Sa vodka sur le toit du monde

Bouteilles en mains, ou plutôt dans son salon, il en remplit quelques-unes. Il décide d’en envoyer une pour candidater à la compétition internationale The Vodka Masters, organisée chaque année à Londres. «C’est comme les Jeux olympiques de la vodka». Pour s’inscrire, il falsifie les documents d’inscriptions pour faire croire aux organisateurs que son entreprise compte déjà plusieurs employés.

Un soir, la directrice du jury l’appelle. «Préparez-vous, les journalistes vont arriver. Votre vodka vient d’être élue meilleure vodka du monde». Nicolas n’en revient pas. «Je n’avais jamais vendu une seule bouteille».

Depuis, l’affaire de Nicolas Duvernois tourne bien. L’usine se situe à Rougemont, au Québec. Son entreprise «d’une quarantaine d’employés» est leader sur le marché de la vodka au Canada. Son spiritueux a remporté 71 prix internationaux, dont deux World Master Vodka (2013, 2017) et un double Gold au San Francisco world spirit.

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  • Date de création 11 février, 2020
  • Dernière mise à jour 11 février, 2020
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