Neuf familles sans abri après la destruction d’un immeuble à Sturgeon Falls

La crise du logement complique les services de relocalisation

Christian Gammon-Roy

IJL – Réseau.Presse

Tribune : la Voix du Nipissing Ouest

Plusieurs personnes sont maintenant sans abri comme résultat d’un incendie ravageur survenu le matin du 19 juillet dans un immeuble de Sturgeon Falls. L’édifice au 192, rue Church comptait neuf appartements. Les pompiers ont combattu les flammes de 6 h le matin jusqu’à 20 h le soir. Greater Sudbury Hydro a émis un avis à 7 h pour dire qu’il coupait l’électricité à environ 45 foyers dans le quartier pendant l’intervention.

Le nouveau chef des pompiers de Nipissing Ouest, Frank Loeffen, dit que son service a reçu l’appel à 5h45 le matin. Il a fallu 25 pompiers de trois casernes pour maîtriser le feu et l’empêcher de reprendre. Ils ont réussi à contenir le feu dans le grenier et l’empêcher de se propager aux bâtiments voisins. Alors que la cause du feu reste à déterminer, le chef indique qu’il n’est pas d’origine douteuse et il n’y aura pas d’enquête menée par le Commissaire aux incendies. Il estime les pertes à environ 700 000$.

Micheline Dubé, gérante de l’immeuble appartenant à Norman Tao, confirme qu’au moins 13 personnes y habitaient. La plupart des résidents étaient âgés entre 40 et 60 ans, mais il y avait aussi une jeune maman avec un enfant de deux ans et sa mère, puis un octogénaire.

Heureusement, personne n’a été blessé dans l’incendie, et Mme Dubé assure que toutes les mesures de protection prescrites étaient en place ; les détecteurs de fumée avaient été inspectés récemment. «Un locataire a senti la fumée et entendu l’alarme à feu, et il a alerté les pompiers,» raconte-t-elle.

Néanmoins, les locataires ont perdu leur logement et tous leurs biens, et ils auront du mal à trouver un autre appartement compte tenu de la pénurie de logements abordables. «Beaucoup de ces personnes sont des prestataires du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées,» précise Mme Dubé.

Bien sûr, il existe des organismes et soutiens pour aider les personnes à faible revenu en situation de crise, mais ces systèmes sont actuellement mis à rude épreuve, notamment en raison de la crise du logement.

Daniel Fortier, Coordonnateur des services d’urgence pour la Croix rouge, dit que son organisme intervient pendant les premiers 72 heures suivant une crise comme cet incendie, s’occupant des besoins immédiats. Ils font un inventaire des victimes et peuvent les loger dans un hôtel pendant trois jours et leur fournir de la nourriture, des bons d’achat pour des vêtements et autres nécessités. Les victimes sont ensuite acheminées vers d’autres organismes qui peuvent aider à leur trouver un logement permanent.

En ce qui a trait à ce feu, M. Fortier dit que «pour le moment, peu de personnes ont fait appel à notre service, seulement trois foyers se sont inscrits.» Or, ce commentaire était fait seulement quelques heures après l’incendie, et il s’attendait à voir d’autres locataires s’avancer pour de l’aide dans les 72 heures d’admissibilité.

Mais après 72 heures, ceux qui feront appel à de l’aide pour trouver un logement à long terme auront du mal à dénicher une place à Sturgeon Falls. «Il n’y a pas neuf unités vides qui attendent des locataires, je vous le garantie, surtout pas à Sturgeon Falls,» déplore Lana Mitchell, directrice générale de Low Income People Involvement of Nipissing (LIPI), un organisme voué à prévenir l’itinérance dans la région. Mme Mitchell ajoute que le prix des loyers dans la région est devenu «complètement fou» et qu’un loyer coûte maintenant plus cher qu’un hypothèque dans bien des cas.

Même les solutions temporaires sont difficiles à trouver. Le Centre de crise de North Bay prend parfois la relève de LIPI lorsqu’il manque de place pour des personnes déplacées, mais Mme Mitchell dit que ce centre est souvent plein. De plus, LIPI et la Croix rouge ont du mal à trouver des chambres d’hôtel. Selon la Croix rouge, il n’y a pas assez de chambres libres sur trois jours pour abriter les gens à Sturgeon Falls pendant 72 heures. Mme Mitchell ajoute que c’est le même scénario partout dans la région, y compris à North Bay.

LIPI a confirmé son intervention auprès des victimes du feu de la rue Church, et Mme Mitchell dit que ces personnes seront sans doute relocalisées à North Bay. «Il faudra beaucoup de temps avant qu’ils puissent retourner à Sturgeon Falls,» prédit-elle, ajoutant qu’elle a déjà de nombreux clients qui cherchent à réintégrer le Nipissing Ouest mais qui sont pris à North Bay en attendant qu’un logement abordable se libère ici.

Selon M. Fortier, la municipalité de Nipissing Ouest a offert ses installations pour servir d’abri temporaire aux victimes. Cependant, cela obligerait les personnes déplacées à dormir sur des lits de camp, ce qui n’est pas idéal compte tenu de leur âge et leur état de santé, selon lui. De plus, il dit que la Croix rouge ne pourrait pas assurer une présence au site, et toute aide fournie après 72 heures devrait être remboursée. Alors qu’il apprécie l’offre de la ville, il pense que ce serait une solution de «dernier recours.»

Dan Roveda, conseiller municipal qui siège au Conseil d’administration des services sociaux du district de Nipissing (CASSDN), dit que l’organisme travaille à créer plus de logements abordables dans le Nipissing Ouest, mais ce travail est lent. «Selon moi, les entrepreneurs ne sont pas assez intéressés. Le logement public n’est pas la seule solution, il faut du développement résidentiel privé aussi.» Il ajoute que le coût de construction a grimpé à environ 450$ le pied carré, ce qui décourage le secteur privé à investir dans le logement abordable. Il pense que les gouvernements provincial et fédéral devront créer des incitatifs, sous forme de subventions, pour encourager les entrepreneurs à construire et offrir des loyers abordables, afin de pallier les coûts de construction galopants et les taux d’intérêt en hausse.

Quant aux situations d’urgence comme ce feu, M. Roveda avoue que «cela rend les problèmes plus évidents. Lorsqu’il y a une crise, ça braque un projecteur sur la situation.» Cela pourrait-il accélérer la création de logements abordables par le CASSDN? M. Roveda n’est pas optimiste sur ce point. «Ça confirme le bien-fondé de nos projets actuels, mais est-ce que ça va les accélérer? Probablement pas.»

Malheureusement, la pénurie de logements abordables est un problème qui afflige toute la province, soulignent M. Roveda et Mme Mitchell. Alors que les deux organismes tentent de venir en aide aux victimes du feu, Mme Mitchell dit que les solutions à long terme ne viendront pas «tant que la crise du logement ne sera pas terminée.»

  • Nombre de fichiers 1
  • Date de création 22 juillet, 2022
  • Dernière mise à jour 22 juillet, 2022
error: Contenu protégé, veuillez télécharger l\'article