Mentorat pour appuyer les femmes en agriculture

La conciliation travail-famille et un métier traditionnellement représenté par les hommes font en sorte que les femmes ont souvent été sous-estimées en agriculture. Pourtant, elles se font de plus en plus nombreuses dans le domaine par rapport aux agriculteurs. Deux syndicats agricoles francophones s’unissent pour offrir de l’accompagnement entièrement dédié aux femmes.

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Charles Fontaine

IJL – Réseau.Presse –Le Droit

L’Union des cultivateurs franco-ontariens (UCFO) et les Agricultrices du Québec (AQ) collaborent pour encourager l’entrepreneuriat féminin et offrir des services gratuits de mentorat aux agricultrices du Québec et de l’Ontario.

Le service Agrimentor, offert en collaboration avec la Fédération des gens d’affaires de l’Ontario (FGA), est constitué de séances de codéveloppement professionnel et de discussions où les fermières pourront partager les enjeux qui les touchent.

L’ascension des femmes en agriculture

L’idée est venue lors d’un événement virtuel au tout début de la pandémie, rappelle le directeur général de l’UCFO, Daniel Lafond. Les deux associations tenaient des ateliers sur le leadership des femmes en agriculture, car la majorité des nouvelles fermes sont tenues par des femmes, souligne-t-il.

«Elle présente des modèles d’agricultures moins traditionnels, plus basés sur le développement durable et les marchés locaux. Les femmes ont des besoins particuliers, comme la conciliation travail-famille, mais il n’y a pas de services offerts aux femmes en entrepreneuriat.»

Le nombre de fermes et la superficie agricole ont baissé quelque peu dans les cinq dernières années, révèle Statistique Canada. Le nombre d’exploitants agricoles a aussi diminué de 4 à 6% au Québec et en Ontario. Toutefois, les femmes semblent s’imposer de plus en plus, même si elles restent en minorité. En Ontario, de 2011 à 2016 (les chiffres de 2021 ne sont pas disponibles), le nombre d’agricultrices a baissé de 1,6% comparé à 7,5% chez les hommes. Au Québec, 3,6% de femmes et 4,6% d’hommes ont quitté la ferme. La population féminine en agriculture oscille autour du tiers des exploitants.

«C’est un métier qui a eu historiquement et culturellement une dominance masculine. Pas parce que les femmes n’étaient pas importantes, mais parce que le propriétaire dans une ferme familiale c’était l’homme. Mais les femmes ont toujours contribué de façon importante, mais différente à l’exploitation agricole. Elles ont eu un rôle sous-estimé et fondamental dans l’épanouissement des fermes en Ontario et au Canada. Maintenant, elles ont un rôle différent de la femme au foyer. C’est une femme d’affaires dans le domaine agricole maintenant qu’on voit davantage», observe M. Lafond, agriculteur dans l’Est ontarien.

Méthodes différentes

Selon la directrice générale des Agricultrices du Québec, France De Montigny, il reste encore certaines inégalités entre les deux sexes dans ce métier. Elle observe que les femmes ont tendance à s’établir plus tardivement dans le milieu agricole à démarrer leur propre entreprise, plutôt que de prendre en charge la ferme familiale. Ce qui fait en sorte que la rentabilité est plus lente.

«L’accès au financement est plus difficile pour les femmes, comme aller chercher des prêts dans les banques. On les amène vers d’autres modes de financement, comme des microcrédits ou des plus petits prêts. On met de l’avant les ressources qui existent pour informer les femmes de ce qu’elles ont droit», mentionne Mme De Montigny.

«La conciliation travail-famille est complexe pour les femmes agricoles, c’est un frein supplémentaire. C'est difficile de diviser l’espace travail-famille, étant donné que l’espace de travail est à la maison.»

Maman, propriétaire et cie

Cette situation, Sandra Clément la vit tous les jours. «En tant que maman et agricultrice, on doit porter des chapeaux différents durant une journée. Je peux être patronne, ensuite maman, secrétaire, gestionnaire d’entreprise, cuisinière et femme de ménage. Ce n’est pas facile, mais ce sont des choses qu'il faut apprendre à faire, il faut se parler.»

La copropriétaire de la Ferme agricole Clément à Embrun accueille favorablement ce nouveau programme et à hâte de pouvoir partager ses expériences avec les autres agricultrices et vice-versa. «On apprend beaucoup en discutant avec elles. On veut en tirer profit. Pour moi, si à travers ça [mes expériences] je peux aider d’autres femmes à avancer en agriculture, je trouve ça génial. C'est bien d’aller à l’école, mais on apprend beaucoup en discutant avec d’autres, c’est l’expérience qui rentre», insiste la directrice des communications au Réseau des femmes en agriculture de l’Est ontarien.

Ses trois filles de 13, 18 et 20 ans travaillent avec elle à la ferme et comptent se diriger vers une carrière agricole. Leur mère insiste pour qu'elles apprennent à se respecter. «Je dis à mes filles qu’on est dans un monde d’homme. Il faut faire sa place, quand on sait qu’on a raison sur certains sujets, il ne faut pas reculer. Avoir de la confiance pour une femme dans le domaine, c’est difficile.»

Les formations seront offertes aux agricultrices à partir de l’automne 2022.

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Photos

Sandra Clément, copropriétaire de la Ferme agricole Clément à Embrun (Courtoisie, Nadia Clément)

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  • Date de création 12 août, 2022
  • Dernière mise à jour 12 août, 2022
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