Memramcook affirme la primauté de la langue française sur son territoire

À l’occasion du lancement de la Semaine provinciale de la Fierté française, le Village de Memramcook se dote d’une politique linguistique qui fait du français la langue prioritaire de la municipalité. De plus, un arrêté municipal va renforcer la francophonie dans le paysage urbain.

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Damien Dauphin

IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien

 

Il y avait du beau monde lundi matin à l’école Abbey-Landry pour un événement majeur. Le Village de Memramcook a fait coïncider le lancement de la Semaine provinciale de la Fierté française avec l’annonce de sa politique linguistique.

Face aux défis de l’immigration et à la mobilité anglophone à travers le pays qui augmentent le nombre des résidents de langue anglaise, l’édile du village a évoqué la nécessité de mettre en place des stratégies audacieuses pour préserver l’identité francophone du berceau de la Nouvelle Acadie pour les générations futures.

À cet égard, la politique P28, qui devait être adoptée par le conseil municipal mardi soir et dont le Moniteur Acadien a obtenu copie de l’ébauche avant le bouclage du journal, consacre la primauté de la langue de Molière sur celle de Shakespeare. En résumé, le français prend le pas sur l’anglais dans tous les domaines à Memramcook.

Par exemple, le conseil municipal ne communiquera qu’en français avec tous les paliers gouvernementaux du pays. En outre, les conférences de presse ne seront pas bilingues mais faites uniquement en français. Cependant, si des questions sont posées en anglais, les réponses pourront être données dans cette langue. C’est donc une éventualité mais en aucun cas une obligation.

Le maire Maxime O. Bourgeois célèbre une affirmation identitaire qui engendre des actions concrètes «qui visent à assurer la vitalité de l’Acadie, une Acadie vibrante et francophone. La première initiative réaffirme que le français est la langue officielle du Village de Memramcook», a-t-il dit en étant chaleureusement applaudi.

En revanche, lorsqu’il s’agira de communiquer avec le public, les communications se feront dans les deux langues officielles du Canada. «Ceci n’écarte pas nos obligations linguistiques envers nos résidents anglophones, a nuancé le maire. Cela vise plutôt à promouvoir une meilleure compréhension et une plus grande sensibilisation», a notamment précisé Maxime Bourgeois devant la commissaire aux langues officielles, Shirley MacLean, présente au nombre des dignitaires.

Le premier arrêté « musclé » au sud-est

Par ailleurs, Memramcook emboîte le pas aux municipalités de Tracadie et de Kedgwick qui ont déjà adopté un arrêté semblable à celui qui devait être examiné mardi 19 mars. Le règlement sur l’affichage obligera les nouvelles entreprises qui s’installent dans le village à s’afficher d’abord et avant tout dans la langue de Molière et de Maillet.

«Évidemment, les commerces et les entreprises pourront s’afficher aussi en anglais mais le français devra être en premier. Par exemple, lorsque les textes sont côte à côte, le français doit toujours être à gauche. S’ils sont l’un au-dessus de l’autre, c’est le français qui est au-dessus de l’anglais», précise le maire.

Cet arrêté musclé réjouit Mathieu Gérald Caissie.

«Au nom du Cercle acadien de la langue française, je suis très heureux de l’initiative du Village de Memramcook d’adopter un arrêté qui va forcer le français sur toutes les affiches commerciales dans la Vallée. Contrairement à la Ville de Dieppe, Memramcook adopte le bon arrêté pour protéger la langue française. C’est très important ici au Sud-Est et aussi dans le comté de Kent. Espérons que les gouvernements locaux de Kent adopteront des politiques similaires», a-t-il déclaré au Moniteur Acadien.

Il est à noter que le maire de la Communauté rurale de Beausoleil était présent lors de l’annonce à laquelle, en revanche, aucun élu dieppois n’a assisté.

« Une semaine, ce n’est pas assez »

Ancien enseignant et directeur d’école, le président de l’Association francophone des municipalités du Nouveau-Brunswick, Yvon Godin, s’est adressé directement aux élèves de l’école Abbey-Landry. Il leur a appris que la mission de son organisme était de défendre les communautés francophones et bilingues et les a interpellés sur leur identité francophone.

«Une semaine, ce n’est pas assez. Le maire et ses conseillers ne peuvent pas travailler seuls. Sans le soutien de leurs citoyens, ils n’iront pas loin. Il faut que vous ayez cette fierté continuellement, tout au long de l’année. Dans quelques années, c’est vous qui allez prendre la relève et faire rayonner la Francophonie.»

Mathieu Gingras, directeur du développement au bureau du recrutement étudiant et à la direction générale de la gestion stratégique de l’effectif étudiant de l’Université de Moncton, a aussitôt embrayé. Connu comme «le gars aux drapeaux», c’est avec une voix de stentor qu’il a interpellé les jeunes dont certains délaissent le français dès qu’ils franchissent le seuil de l’autobus scolaire après les heures de classe. Il leur a notamment affirmé que jamais il ne lui serait venu à l’idée de parler en anglais dans l’autocar jaune.

Les élèves interpellés sur l’identité et la fierté

«Posez-vous la question suivante : quelle place et quelle importance je donne à la langue française dans ma vie ? Il faut prendre conscience de la fragilité de la langue française et réfléchir ensemble à notre amour pour elle.»

Le directeur de l’école Abbey-Landry, Pierre Roy, a lui-même rebondi sur cette question afin de vaincre les éventuelles réticences des enfants, en particulier ceux qui sont issus d’un couple mixte. Il l’a fait avec pédagogie.

«Ce n’est pas parce qu’on aime quelque chose qu’on n’aime pas autre chose. J’ai deux enfants. Ce n’est pas parce que j’aime mon fils que je n’aime pas ma fille. Choisir d’aimer la langue française ne vous empêche pas d’apprécier ou d’aimer d’autres langues.»

À titre de ministre de la Francophonie, Glen Savoie a salué la présence des élèves francophones et francophiles en lesquels il voit les artisans de l’avenir. Affirmant que la fierté française et acadienne coulait dans leurs veines, il a rappelé que la diversité faisait leur force.

«Nos ancêtres qui se sont battus, qui se sont cachés et qui ont vécu peines et misères pendant si longtemps, seraient très contents de voir qu’il se passe encore aujourd’hui, sur la butte à Pétard, des choses aussi importantes et significatives que celle-ci», a conclu le directeur de l’école Abbey-Landry.

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Photos

Titre : Memramcook 1
Légende : Memramcook a posé un geste fort pour le lancement de la Semaine provinciale de la fierté française placée cette année sous le slogan « ma vie, ma francophonie ».
Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

Titre : Memramcook 2
Légende : Pierre Roy, directeur de l’école Abbey-Landry; Maxime Bourgeois, maire de Memramcook, et Mélaine Ricard-Boulieu, attaché culturel de France.
Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

Titre : Dignitaires et élèves
Légende : L’évènement a rassemblé, entre autres, la commissaire aux langues officielles, le ministre de la Francophonie et le président de l’Association des municipalités francophones du N.-B.
Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

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  • Date de création 20 mars, 2024
  • Dernière mise à jour 20 mars, 2024
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