Marit Stiles, nouvelle cheffe du NPD de l’Ontario: «Régler les injustices»

ÉMILIE GOUGEON-PELLETIER

Initiative de journalisme local — Le Droit

QUEEN’S PARK / Le premier ministre ontarien Doug Ford n’est pas le seul chef de parti à savoir manœuvrer une motoneige. Sa nouvelle adversaire, la néo-démocrate Marit Stiles, est elle aussi équipée d’un «suit de skidoo». C’est dans le bureau du député franco-ontarien de Timmins Gilles Bisson que Marit Stiles, qui a été propulsée à la tête du NPD ontarien le 4 février dernier, a mangé ses premières croûtes.

Gilles Bisson venait à peine d’être élu au sein du gouvernement de Bob Rae et entamait un premier de huit mandats comme député néo-démocrate de la région de Timmins.

Ayant grandi à Terre-Neuve-et-Labrador, Marit Stiles s’est toujours plu à faire le voyage entre Toronto et le Nord ontarien.

«C’était tellement spécial», lance-t-elle à partir de son nouveau bureau, celui du chef de l’opposition officielle à l’Assemblée législative.

«Je me suis sentie un peu écrasée en arrivant à Toronto, et j’avais un sentiment d’appartenance avec le nord. Ces communautés ressemblent beaucoup aux communautés où j’ai grandi. Les industries sont basées sur les ressources naturelles, la terre, l’eau, et les problèmes d’accès aux services essentiels sont similaires.»

Gilles Bisson évoque la fois où ils ont visité Ear Falls, une région du nord-ouest de la province, à proximité de Winnipeg. «Je me souviens de m’être dit que pour une personne qui demeure au centre-ville de Toronto, elle est vraiment une personne rurale. Ça m’avait surpris en la voyant embarquer sur son skidoo, mais elle savait exactement ce qu’elle faisait. Elle avait même l’équipement de neige, le suit de skidoo

À l’époque, elle était fraîchement diplômée de l’Université Carleton.

D’ailleurs, les résidents d’Ottawa l’ont peut-être déjà aperçue dans le quartier de Vanier; ses parents résident dans ce coin depuis une trentaine d’années. On peut aussi la croiser à Montréal, où habite sa sœur.

«J’ai une forte connexion avec Vanier et avec Ottawa.»

Ainsi, Marit Stiles a des tentacules bien ancrés dans la francophonie canadienne, et elle compte bien le faire valoir à Queen’s Park.

Ce n’était pas une coïncidence si, lors de sa première semaine à l’Assemblée législative à titre de cheffe néo-démocrate, la francophile a posé une question en matière de santé, en français, au gouvernement. «C’était une priorité pour moi de faire ça assez tôt, c’était intentionnel. Je voulais montrer qu’on peut discuter, en français, des sujets qui ne portent pas nécessairement sur la francophonie, sur les Franco-Ontariens ou sur la langue française», soutient-elle.

Marit Stiles et Paul Calandra (celui qui a répondu à sa question dans la même langue) partagent le même tuteur de français à Queen’s Park.

Course en solo

La députée de Davenport, qualifiée de femme «extrêmement terre-à-terre» par son entourage, a été proclamée leader du NPD ontarien au terme d’une course en solo - personne d’autre ne s’est présenté pour succéder à Andrea Horwath.

L’absence d’une course à la direction du NPD a fait tourner les mauvaises langues du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario (PPC). «Si une course à la direction a eu lieu et que personne ne s’est présenté, est-ce que ça fait un bruit?», demandait un communiqué envoyé par le PPC au lendemain de l’ascension de Marit Stiles à la tête de son parti.

Mais elle répond à ces attaques avec une confiance qui semble inébranlable. «Moi, je m’attendais à une course. Et je suis convaincue que s’il y en avait eu une, j’aurais gagné quand même», certifie-t-elle.

«Et le PPC peut dire ce qu’il veut, mais moi, je crois qu’on a l’avantage de ne pas avoir eu une course qui divise. L’équipe s’est ralliée derrière moi, et on n’a pas perdu de temps. Maintenant, je peux me concentrer à être la personne qui va battre le PPC, et je pense que ça inquiète Doug Ford.»

Sa prédécesseure, Andrea Horwath, a été à la tête du NPD ontarien pendant 13 ans.

«Andrea a mené notre parti très loin, et l’opposition officielle est plus forte qu’elle l’a été depuis longtemps grâce à elle. Je lui en suis très reconnaissante. Et je pense que mon défi, maintenant, c’est de prendre notre parti et de l’amener à la prochaine étape.»

Les rênes néo-démocrates en main, Marit Stiles pense pouvoir faire différent grâce à son énergie et ses diverses expériences professionnelles.

«J’ai beaucoup d’expérience politique et stratégique. J’ai de l’expérience au sein d’un gouvernement néo-démocrate, ce qui est plutôt unique, et j’ai passé à travers plusieurs niveaux gouvernementaux. Je me sens très prête.»

Éducation

Mère de deux enfants, Marit Stiles a remporté sa première élection en 2014 en devenant conseillère scolaire du Toronto District School Board.

Avant son arrivée, ce conseil scolaire torontois faisait depuis longtemps les manchettes en raison de nombreuses controverses internes impliquant ses administrateurs, y compris des allégations de dépenses inutiles et des querelles entre les administrateurs et le personnel.

Marit Stiles était parmi les quatre candidats qui avaient créé et signé un document dans lequel ils s’engageaient à «agir avec le plus haut niveau d’intégrité», à «réparer les relations entre les administrateurs et les bureaucrates» et à «afficher les dépenses détaillées en ligne».

«Il y a des défis vraiment importants impliquant nos écoles, mais les administrateurs sont distraits par tous les scandales, avait-elle déploré au Toronto Star. N’importe qui dans la fonction publique devrait être en mesure de respecter ces promesses très élémentaires.»

Le NPD lui a confié le rôle de porte-parole de l’opposition en matière d’éducation lorsqu’elle a été élue pour représenter la circonscription torontoise de Davenport, en 2018.

Leadership

Une ancienne collègue de Marit Stiles à l’Association des artistes canadiens de la télévision et de la radio (ACTRA), Ferne Downey, alors présidente du syndicat, applaudit son style de leadership.

«Elle sait parler aux gens. C’est ce qui fait un bon leader. Il y a une nature innée chez certaines personnes. Avec les acteurs, par exemple, il y a une certaine limite à ce qu’on peut leur apprendre. C’est la même chose pour le leadership. Il y a des choses à apprendre, mais il faut qu’il y ait en vous cette étincelle.»

À l’époque, soit de 2005 à 2014, Marit Stiles était directrice de la recherche, des politiques publiques et des communications de l’ACTRA.

«Je n’ai pas été surprise quand elle nous a quittés pour devenir conseillère scolaire, lance Ferne Downey. J’aurais dû m’y attendre, c’est évident qu’elle va devenir première ministre de l’Ontario un jour.»

Pour ce faire, Marit Stiles entend se concentrer sur l’accès au logement abordable et sur la protection de l’environnement.

Elle veut aussi se battre contre les efforts de privatisation du système de santé par la province et continuer d’exiger des réponses à propos des relations jugées douteuses du gouvernement Ford avec les promoteurs immobiliers.

«En grandissant, on m’a appris à ne pas parler trop fort. Mais avec l’âge, j’ai réalisé que je suis une personne compétitive, et qu’il n’y a pas de gêne à cela. Ce qui me motive, c’est de régler les injustices», conclut la cheffe du NPD de l’Ontario.

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  • Date de création 11 mars, 2023
  • Dernière mise à jour 11 mars, 2023
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